• Chapitre 7 - Tania

    Je suis seule dans la chambre , allongée sur le lit les yeux rivés sur le plafond. J'ai fini de ranger mes affaires depuis un moment mais je ne veux pas sortir de cette pièce. Je ne veux pas affronter mon hôte, je préfère m'isoler. Je ne sais pas encore si je vais montrer le bout de mon nez durant le reste de la soirée. Je pense que non. Du moins, je verrai bien. Je ne cesse de me demander pourquoi j'ai accepté de rester ici, alors que mon but, c'est de partir avant qu'une éventuelle rencontre ne se produise. Il va bien falloir que je parte, ou du moins que j'en trouve le courage. Et surtout, avant que je le revois. Je soupire. Je prends dans mes mains une des deux photos que Noah avait trouvé sur la table, celle qui a été prise en hiver, plus précisément le lendemain de Noël, bien que cela ne se voit pas sur la photographie. Mes parents nous avaient emmenés, mon frère et moi, dans un parc. Nous avions fait un bonhomme de neige. Ma mère adorait prendre des photos, pour garder en souvenir des images de ses enfants encore petit. Mon père avait demandé à un passant de nous prendre en photo. Cette personne avait gentiment accepté. A cet époque nous formions une belle famille. Ma mère était psychologue et pendant son temps libre elle s'occupait de ses enfants et jouait du piano. J'adorais comment elle jouait et je lui avais demander de m'apprendre. Mais j'ai juste eu le temps d'apprendre les bases. Parce que, au printemps, elle est morte, le jour de mes 6ans. Je soupire à nouveau. Je prends l'autre photo, qui a été prise pendant les vacances de Pâques, dans l'année de mes 15ans. Mon père, mon frère et moi étions partis pour nous éloigner un peu de la ville. Nous nous baladions souvent dans les étroites rues et nous nous détendions. J'ai oublié le nom de ce petit village, mais c'était l'endroit idéale pour décompresser. Les gens étaient très sympathiques et accueillants. Mais malheureusement, repenser à tout ça me remet aussi en mémoire la mort de mon père, le jour de mes 16ans (et aussi les 16ans de mon frère). Qu'est-ce qu'ils ont mes parents à mourir le jour de mon anniversaire ? Je sais bien que ce n'est pas de leur faute, pas du tout. Qu'ils n'ont rien demandé, qu'ils auraient préféré rester en vie avec moi et mon frère. Je me souviendrai toujours de ce passage de ma vie. J'étais restée des jours et des jours, enfermée dans ma chambre chez ma tante –qui était la sœur aînée de ma mère, juste pour préciser- à pleurer toutes les larmes de mon corps. Je ne laissais entrer personne. Ni ma tante, ni ma cousine Lise (que je considérais comme ma sœur tellement que nous étions proches), ni mon frère, ni mon grand-père (à la suite de la mort de ma grand-mère et comme il détestait la solitude, ma tante qui était sa fille avait accepté de l'héberger). Mais un jour, celui que j'appelais des fois, pour plaisanter bien sûr, l'ancêtre avait eu la brillante idée de faire changer les serrures. Il est donc entré dans la chambre et nous avons parlé. Et ça m'a beaucoup aidé. Une semaine après, je suis retournée en cours. Bizarrement, pendant un temps, tout le monde se montrait gentil et compatissant avec moi, même les personnes qui ne pouvaient pas me voir en peinture. Et ce phénomène c'était aussi produit du côté de mon frère. A mon avis, les professeurs y étaient pour quelque chose. J'ai même eu le droit à une « super » conversation avec mon professeur principal, qui me disait que je pouvais lui parler si j'en ressentais le besoin. J'ai souvent entendu ce genre de discours par tous les adultes que j'ai croisé sur mon chemin dans les jours qui ont suivi mon retour au collège. Pensaient-ils que je n'avais aucun ami ? Ce qui ai bien sûr faux. Et si j'avais besoin de parler, soit c'était avec mon frère, soit avec Aurélie ou encore avec mon meilleur ami Benji. Il habitait non loin de chez moi, enfin, avant la mort de mon père. Benji était un peu unique on va dire. Il n'était pas comme les autres garçons de cet âge là, qui passent leur temps à se croire les plus beaux et les plus forts. Non, lui, il était du genre timide et réservé, qui se fichait de son look autant que sa première couche. Il avait des cheveux bruns avec des yeux noirs. Il jouait merveilleusement bien de la guitare et aussi, il composait des chansons quand il avait des heures à tuer. Ses chansons étaient magnifiques et avec Aurélie, nous lui demandions souvent d'où il trouvait toutes ses idées. Il se contentait de répondre qu'il avait une muse bien à lui, qui ne cessait de l'inspirer. Et à chaque fois, pendant les cours de maths, ma chère meilleure amie n'arrêtait pas de me dire que c'était moi, sa muse, pour la simple raison qu'il avait béguin pour moi. Je ne l'ai pas cru pendant un long moment, bien que ses dires étaient parfaitement justes. Sauf que, le mot « béguin » était bien trop faible pour dire ce qu'il ressentait. Non, il était amoureux, mais vraiment amoureux, de moi. Mais à ce moment-là, je ne le savais pas.
    Je fouille un peu dans mes affaires pour retrouver une photo où j'étais avec Aurélie et sa tignasse plus bouclée que d'habitude qui lui en faisait voir de toutes les couleurs, et Benji. J'étais au milieu, Aurélie à ma droite et Benji à ma gauche. Nous étions devant le lycée. Nous étions vêtus de gros manteaux, de grosses écharpes et, dans mon cas, d'un bonnet marron et rouge. Je me souviens que, malgré la fin de l'hiver, il faisant encore un froid de canard. Mes deux amis et moi avions choisi le même enseignement de détermination au lycée et nous avions eu la chance d'être dans la même classe. Nous passions tout notre temps ensemble et nous nous entraidions pour faire les devoirs. Nous mettions parfois deux heures à les faire, même si nous n'avions pas grand chose. C'est juste que nous avions du mal à nous concentrer à cause des fous rires provoqués par Aurélie. Mais elle n'en provoquait pas forcément à l'extérieur des cours mais aussi pendant les cours. Surtout pendant les cours de sport. Nous n'étions pas du tout sportifs et quand nous nous entraînions au basket ou au volley-ball, Aurélie avait une fâcheuse tendance à viser le pauvre professeur qui avait bien du mal à éviter les projectiles d'une de ses élèves. Quand la balle était petite, comme une balle de tennis de table, ça allait. Mais quand il s'agissait d'un ballon de volley, là, par contre, ce n'est plus du tout la même histoire. Elle ne le faisait pas exprès, mais quand le professeur lui disait de faire attention, Benji et moi avions beaucoup de mal à garder notre sérieux. Surtout quand nous voyions le commentaire du professeur sur son bulletin. Je ne me souviens plus des termes exacts qu'il utilisait mais en gros, il disait qu'il fallait qu'elle prenne de sérieux cours pour qu'elle apprenne à viser et aussi qu'il y avait un besoin urgent qu'elle aille consulter pour ses yeux, parce qu'il n'avait pas de cible dessiner sur son front. Il faisait partie des rares professeurs a être doté d'humour. Ce qui n'était pas le cas de notre professeur principal qui n'arrêtait pas de nous demander de nous calmer après qu'elle ait rendu les bulletins.
    Je remarque que j'arrive à me souvenir de plein de choses avec juste une simple photographie. Je soupire et je me laisse tomber sur le lit. Il faut vraiment que je m'en aille d'ici. Il faut que je parte. Je ne peux pas rester. Non, je ne peux pas. Mon passé me rattrape et il faut absolument que je le fuis. Bien qu'il soit dans la ville où je me trouve, ça ne veut pas forcément dire qu'il m'a retrouvée. Mouais ... C'est comme croire au Père Noël ce que je viens de dire. Sans vraiment m'en rendre compte, je finis par m'endormir. Une nuit remplie de cauchemars m'attend encore une fois. En serai-je, un jour, débarrassée ? Je doute, sincèrement, je doute. Je suis destinée à vivre dans la souffrance que me procure mon douloureux passé. Le jour s'est levé. Mes yeux bleus s'ouvrent tout doucement. Je mets quelques secondes à réaliser que je ne suis pas dans un certain motel miteux, mais dans une maison confortable et que mon hôte n'est qu'autre que l'agent Vitmann. Je soupire et je me redresse. Je remarque que je ne suis pas sur les couvertures, mais dans les couvertures. Et je n'avais même pas défait le lit la veille. Une hypothèse germe rapidement dans mon esprit. Noah serait sans doute monté hier, inquiet de ne pas me voir sortir de la chambre et il m'aurait vu entrain de dormir. Il m'aurait donc mis sous les couvertures. C'est sans doute ça. Je me lève et je mets quelques minutes à trouver la salle de bain. Comme d'habitude, je prends une douche froide pour me réveiller et essayer de penser à autre chose qu'à mes terribles cauchemars. Plus tard, une fois vêtue d'un simple jean, d'un pull mauve et d'un gilet violet, je descends les escaliers pour me diriger vers la cuisine. Sur la table, je trouve un message, de la part de mon hôte bien sûr, que c'est touchant. Je prends le misérable morceau de papier pour lire ces mots.

    « Tania, comme tu t'en doute peut être, je suis parti travailler. Fais comme chez toi. Je serai de retour ce midi. Mais fais attention. Je sais que le meurtrier a, pour le moment, attaqué la nuit, mais on n'est jamais trop prudent. A ce midi, Noah. »

    Je repose la feuille à l'endroit où je l'ai trouvée sans plus y prêter attention. Je commence à me dire que Noah est un policier à la gomme. Il croit sérieusement que l'assassin qu'il recherche va venir gentiment devant la porte de sa maison pour me tuer et repartir comme si rien ne s'était passé ? Ce n'est pas moi qui croit au Père Noël, mais lui. Cela se voit qu'il ne le connaît pas, lui. Mais moi, je sais qu'il n'est pas ici pour le fun, en tant que simple touriste en vacances qui tue des gens pour le plaisir comme quelqu'un qui va à la plage pour bronzer. Oui, je sais. Quand on y pense, c'est assez comique comme image, mais ce n'est pas la réalité. Je soupire et j'ouvre la porte du frigidaire pour voir ce qu'il y a dedans. Je jette un rapide coup d'œil, car une sonnerie, indiquant que quelqu'un est devant la porte d'entré de la maison et qu'il attend patiemment qu'on vienne lui ouvrir, vient de retentir. Je ferme le frigo et je m'avance vers l'entrée. Et puis, j'hésite. Je ne vis pas ici et je ne sais pas si je peux ouvrir à une personne qui me sera certainement inconnue. Finalement, j'hausse les épaules et je me décide d'ouvrir à monsieur ou madame inconnue. Après tout, mon hôte ne m'a-t-il pas dit de faire comme chez moi ? Mais, oh surprise ! Quand j'ouvre qu'est-ce que je vois ? Rien. Le mot est juste. Rien. Personne. Ai-je rêvé ? Non ! Je veux bien admettre que je suis à moitié dépressive –voir dépressive tout court- mais je ne suis pas folle non plus. Deux hypothèses me viennent à l'esprit. Soit c'est un gamin idiot qui n'a rien d'autre à faire que des plaisanteries soit ... Mon regard descend vers mes pieds et je trouve une enveloppe avec mon nom écrit dessus posé par terre. Hem... Quelque chose me dit que cela va me mettre un sacré coup au moral mais tant pis. Je prends l'enveloppe et je rentre à l'intérieur. Je m'installe dans le salon et j'ouvre. Aucune lettre, juste trois photos. Et en les regardant, je ne peux m'empêcher de laisser échapper un cri de terreur tout en laissant tomber par terre ces trois misérables photographies trafiquées. En un simple coup d'œil, je viens d'apprendre plein de choses. Je sais qui est le destinataire. Et je sais aussi qu'il a un sacré coup de crayon. Vachement utile comme information je sais.
    Mais je sais aussi, que si je ne veux pas avoir un gentil chien-chien du nom de Noah qui me suit partout, il vaut mieux que je cache ce que je viens de recevoir.

    Parce que, sur ces photographies, il y a moi, avec de jolies traces rouge sang autour de mon cou, indiquant très clairement les intentions du tueur à mon égard.

     

     


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