• De la Terre au Ciel (4)

    Je reste debout, sans rien faire. J'attends. Je ne sais pas ce que j'attends, mais j'attends. Des gens passent, mais ne s'arrêtent pas. Ils ont tous l'air tellement pressés, comme si leurs obligations sont importantes, et passent avant le reste. Comme si plus rien ne compte, à part ce qu'ils doivent se dépêcher de faire. Ce que je trouve stupide. Ils devraient prendre plus de temps pour les choses futiles. Parce que c'est souvent ces choses sans intérêt qui forment la beauté. Je ne dis pas seulement ça parce que je suis morte, mais parce que je le pense réellement. Si nous prenions plus de temps pour des choses simples et essentielles, peut-être serions-nous plus heureux...

    Finalement, je finis par avancer, et par quitter ce parc. J'erre dans les rues, les mains dans mes poches. Je me demande si à un moment je me souviendrai de ma vie... Je l'espère, je n'ai pas envie de passer l'éternité à me balader dans les rues sans que personne ne puisse me voir, sans personne à qui parler. Cela risque d'être long, à la longue...

    Soudain, j'ai l'impression que je dois m'arrêter, et c'est ce que je fais. Je regarde autour de moi pour en connaître la raison, et je vois un grand bâtiment qui m'impressionne beaucoup, et des adolescents en sortent. Ils marchent tous d'un pas lent, la tête baissée, un air triste sur le visage. Quelque chose me dit qu'ils devraient être tous joyeux, et heureux de sortir de là. Mais non, ils ont l'air chagriné.

    Une fille s'éloigne du reste du groupe d'élèves, et va s'asseoir sur un muret. Ses cheveux bouclés, couleur chocolat, lui cachent son visage. Intriguée, je m'avance vers elle, pour ensuite m'asseoir à ses côtés. Je remarque rapidement qu'elle pleure, ce qui m'aurait serré le coeur si j'étais vivante.

    Je la connaissais... Vanessa...

     -La vie est injuste. Dit-elle à voix basse tout d'un coup, en sortant un papier de sa poche. C'est toujours les meilleurs qui partent les premiers.

     Je jette un oeil sur cette feuille par dessus son épaule pour savoir ce qu'il y a dessus. Il s'agit d'un message, qui lui était apparemment destiné. Curieuse, je ne peux m'empêcher de le lire.

     Bon anniversaire, à la meilleure de toute, j'ai nommé ma vieille Nessie ! Et oui, un an de plus pour toi, tu me rattrapes !

    La seule et unique, Evie.

     Je ne cesse de relire ces mots, pour tenter de savoir si c'était moi qui les avait écrit. Ils me disaient vaguement quelque chose, mais les souvenirs refusent de refaire surface.

    Vanessa continue de serrer la feuille contre elle, comme si sa vie en dépendait. Elle reste là, assise sur le muret, à pleurer, seule. Elle répète les même paroles, comme quoi la vie n'est pas juste.

     -C'est triste ce qui est arrivé à ton amie. Dit soudain une voix, à l'intention de Vanessa.

     La jeune fille lève la tête, sans cacher ses larmes. Un garçon de son âge se tient devant elle, les mains dans les poches, la regardant avec un air plein de compassion.

     -Va-t-en ! S'écrit-elle en réponse. Tu n'as jamais aimé Evie ! Alors, ne viens pas m'embêter avec ta fausse compassion à la gomme ! Va retrouver tes potes qui sont aussi stupide que toi !

    -Qu'est-ce qui te fait croire que je n'aimais pas ta copine ? S'étonne le jeune garçon.

    -Tu ne cessais de la traiter de gamine, comme les autres crétins du lycée ! Et tu n'es même pas fichu de l'appeler par son prénom ! Alors va faire les hypocrites ailleurs, tu pollues l'air !

     Il ne répond rien tandis qu'elle commence à l'insulter de tous les noms, en continuant de pleurer. Après un temps d'attente, il finit par s'asseoir à côté de la brunette, qui ne réagit pas.

     -C'est quand son enterrement ? Lui demande-t-il.

    -C'était hier, abruti !

    -Je suis désolé. Avoue-t-il, honteux. Je sais qu'on n'a pas été tendre avec vous deux. Mais, maintenant, je me rends compte qu'à cause de nous, vous avez été rejetées par le reste de la classe, et aussi, qu'elle était ta seule amie... Il est peut-être trop tard mais... Excuse moi. Et j'espère que de là où elle est, ton amie me pardonnera.

     Elle ne répond rien tandis qu'il baisse la tête, craignant qu'elle l'envoie joliment balader. Elle ne veut pas lui pardonner, mais une part d'elle-même lui dit qu'elle devrait. Il est vrai qu'elle est plutôt touchée par ses dires, même si elle n'est pas sûre qu'il soit sincère. Elle n'a jamais su voir si une personne mentait ou non, contrairement à sa meilleure amie.

     -Evie te pardonnera. Elle pardonne toujours. Elle n'est pas rancunière. Souffle-t-elle finalement, après un long silence.

     Il lève la tête en direction de la jeune fille. Elle le regarde, les yeux rouges et les joues rosies, et un sourire furtif apparaît sur ses lèvres. Elle scrute ensuite le sol, lui trouvant un soudain intérêt, tout en triturant un morceau de papier.

     -C'est ton amie qui te l'a écrit ? L'interroge-t-il. Tu as l'air d'y tenir.

    -Oui, pour mon anniversaire. Je l'ai trouvé dans ses affaires, dans son casier.

    -C'est quand ?

    -C'était le lendemain de sa mort. Tu parles d'un cadeau. Soupire-t-elle, chagrinée. Je... Je dois y aller. Ajoute-t-elle, après un court silence. Je dois apporter ses affaires à sa mère. Je n'ai pas croisé sa soeur aujourd'hui...

     Elle se lève, range soigneusement la feuille dans la poche de son jean et commence à s'éloigner. Cependant, le garçon s'empresse de la rattraper, et la retient en lui attrapant le bras avec douceur.

     -Tu sais, même si je ne la connaissais pas, je ne pense pas qu'elle voudrait que tu sois triste trop longtemps. Elle aurait voulu que tu t'en remettes vite, tout en ne l'oubliant pas.

    -Le pire, c'est que tu as raison, admet Vanessa, gardant la tête baissée. Evie avait horreur de voir ses proches tristes. Elle m'aurait vu, elle m'aurait prise dans ses bras. Elle me manque.

    -Sois forte, pour elle. Lui murmure-t-il, tout en déposant un baiser sur une joue de la jeune fille, qui rougit instantanément.

     Il lui sourit, puis finit par s'éloigner pour la laisser partir. Elle le regarde s'en aller, en souriant légèrement, puis reprend la route en direction de la maison de son amie défunte. Tout en marchant, elle sort le mot de sa poche pour le relire de nouveau.

     -Je suis sûre que c'est toi qui l'a amené vers moi. Dit-elle à voix basse, quelques larmes coulant de nouveaux sur ses joues.

      

      


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