• De la Terre au Ciel (5)

    Et elle continue d'avancer, sûre d'elle, comme si elle connaissait le chemin par coeur. Ce qui est le cas d'ailleurs, vu qu'elle l'a emprunté plusieurs fois, avant... Elle serre la feuille de papier contre elle, durant tout le trajet. Au bout de quelques minutes, la jeune fille arrive devant une belle maison, plutôt grande. Elle s'arrête devant la porte d'entrée, et hésite à signaler sa présence aux habitants. Elle doit le faire, mais elle sait qu'une triste ambiance règnera à l'intérieur. Cependant, elle prend son courage à deux mains, et après avoir respiré un grand coup, elle tend le bras pour appuyer sur la sonnette. Et elle attend. Elle remue un peu, n'étant pas tellement à l'aise. Elle ne sait pas ce qu'elle doit dire. Contrairement à sa meilleure amie décédée, elle n'a jamais eu le don de parler aux personnes ayant du chagrin. Elle ne trouve jamais les bons mots, et met toujours les pieds dans le plat par sa maladresse. Elle plie soigneusement le papier pour ensuite le mettre dans sa poche, tandis que la porte s'ouvre brusquement, la faisant sursauter. Une grande femme d'une bonne quarantaine d'années se tient devant elle, aux cheveux roux et courts, aux tristes yeux marrons et un air fatigué sur le visage.

     -Bonjour madame Riviere ! S'exclame sans attendre Vanessa, en bafouillant, tellement elle est gênée par la détresse évidente de cette mère de famille. Je... Je viens vous rapporter les affaires d'Evie... Qui étaient dans le casier...

    -Bonjour Vanessa. Lui répond-t-elle avec un faible sourire. Entre.

     Timidement, la jeune fille passe le pas de la porte, que la maîtresse de maison ferme derrière elle. Vanessa s'est toujours sentie comme chez elle, ici, mais aujourd'hui, elle ne sait décidément pas où se mettre. Il a toujours régné une atmosphère conviviale, qu'elle enviait par moment. Aujourd'hui, la jovialité a laissé place à la morosité qui lui fait mal au coeur. Elle suit cependant, la femme qui l'a accueillie dans le salon, même si elle n'ose pas dire quoique ce soit.

     -Tu aurais pu les donner à Caroline. Lui fait remarquer la femme de plus de quarante ans, lasse.

    -Je ne l'ai pas vu aujourd'hui. Donc je me suis dis que j'allais vous les apporter moi-même.

    -Tu as bien fait. Lui sourit-elle, pour tenter de la mettre à l'aise. Tu as des nouvelles de Céleste ?

    -La prof principale nous a dis qu'elle se remet doucement, mais sûrement, de son opération. Les médecins pensent qu'elle va s'en remettre.

    -Elle a de la chance. Soupire la femme rousse, tandis que Vanessa regarde ses pieds, embarrassée. Tu peux aller mettre les affaires dans... dans sa chambre. L'informe-t-elle, pour ensuite se diriger vers la cuisine.

     La jeune fille reste quelques instants dans la pièce à vivre, n'osant pas monter les escaliers, menant à l'étage où se trouve la chambre de sa meilleure amie. Elle les monte, cependant, après un temps d'attente. Doucement, alors qu'avant, elle les grimpait avec précipitation. Mais aujourd'hui, elle a conscience que c'est sans doute la dernière fois. Puisque maintenant, elle n'a plus tellement sa place ici. Une fois devant la porte, elle hésite. Derrière l'attend une chambre vide, où personne ne l'y attend. Une pièce où elle a plein de souvenirs, de rires, de joies, de confidences. Des souvenirs qui la font sourire, mais qui l'attristent tant désormais.

    Elle ouvre la porte, et entre dans la chambre de sa meilleure amie. Mais elle n'ose pas aller plus loin. Tout est bien rangé, tout est à sa place. Comme avant. Mais la pièce est terriblement vide à présent, alors que rien n'a bougé. Il manque quelque chose, et l'adolescente n'a aucun problème à savoir quoi. Elle soupire tristement, avant de poser son sac sur le lit simple. Elle l'ouvre pour en sortir quelques affaires qui ne lui appartiennent pas. Elle les pose sur le lit, préférant les mettre là, avant de les ranger. Sa meilleure amie n'aimait pas le désordre.

     -Bonjour Vanessa ! L'interpelle soudain une petite voix, qu'elle connait bien, suivit d'une autre qui la salue également.

    -Salut vous deux ! Leur répond-t-elle, tout en se retournant pour faire face à Mathéo et Amanda, âgés respectivement de dix et six ans.

     Elle tente de leur sourire à ces deux petites têtes brunes qui la regardent de leurs grands yeux noisettes. Mais elle a du mal, puisqu'elle ne peut s'empêcher de se rappeler qu'elle a en face d'elle le petit frère et la petite soeur de sa meilleure amie. Et leur frimousse lui rappelle le visage d'Evie, surtout celle d'Amanda qui ressemble davantage à sa soeur que son frère.

     -Elle revient quand Evie ? Demande d'une voix pleine d'innocence la fillette.

    -Votre mère ne vous a rien expliquer ? S'étonne Vanessa, surprise par cette question.

    -Maman a dit qu'elle était partie au ciel. Informe Mathéo, dans un soupir.

    -Mais elle va revenir, non ? Interroge ensuite Amanda.

    -Quand on va au ciel, on n'en revient pas. Rétorque-t-il en baissant la tête.

    -Mais d'une certaine manière, elle sera toujours là. Ajoute sans attendre Vanessa. Tu ne la vois pas, mais elle est là. Toujours.

    -Si je lui parle, elle m'entend ?

    -Oui. Lui assure-t-elle avec un sourire, tout en s'agenouillant pour se mettre à sa hauteur. Mais tu n'auras pas besoin de lui parler, parce qu'elle veillera toujours sur toi. Elle saura toujours ce qui ne va pas, ou ce qui va bien. Elle vous aimait beaucoup, tous les deux, et même si elle est partie, elle veillera toujours sur vous.

     Sur ces mots, elle les prend tous les deux dans ses bras. Elle est elle-même surprise par ce qu'elle vient de dire, elle qui d'habitude, est plutôt maladroite. Mais son envie de ne pas voir ces petites têtes tristes est sans doute plus forte que ça.

    Je ne peux m'empêcher d'être émue de les voir. Ma meilleure amie, ma mère, mon petit frère et ma petite soeur. Oui, je me souviens d'eux... Vanessa que je connais depuis les couches, avec qui j'ai tout partagé. Il n'y a jamais eu d'embrouille entre nous et nous nous sommes toujours serrées les coudes. Ma mère qui est un peu trop surprotectrice. Amanda et Mathéo qui sont parfois envahissants , mais aussi adorables. Cela me fait mal de les voir ainsi, aussi triste de ma disparition. J'espère qu'ils ne vont pas se morfondre trop longtemps, et qu'ils se relèveront vite. J'espère.

    Je finis par quitter cette pièce qui était ma chambre. Je descends les escaliers pour retourner dans le salon. Ma mère n'est pas là, la pièce est vide. Mais quelque chose, qui est sur la cheminée, attire mon attention. Je m'avance, pour la regarder de plus prêt. Dessus, je reconnais ma mère, ainsi qu'Amanda et Mathéo. Cependant, trois autres personnes se trouvent dessus, trois filles. Celle qui semble plus vieille que les deux autres a de longs cheveux bruns qui lui arrivent jusqu'aux coudes, et possède des yeux verts. Elle est debout à côté de Maman. L'autre jeune fille brune lui ressemble beaucoup, sauf qu'elle a des yeux marrons et des cheveux nettement plus courts. Ils lui arrivent au menton. Elle assise par terre, les jambes croisées, avec Amanda dans ses bras. La troisième fille, quant à elle, est blonde vénitienne avec des yeux verts. Ses cheveux sont attachés en une tresse et elle pest vêtue d'une salopette en jean. Elle porte Mathéo dans ses bras, et un immence sourire illumine son visage, ainsi que tout le reste de la photo j'ai l'impression. Elle a été prise dehors, au printemps peut-être, au vue de l'arbre en fleurs à l'arrière plan. J'approche ma main de l'image, mais je ne peux la toucher. Je sais qui est chaque personne. La première est Tiphanie, ma soeur aînée, âgée de vingt-quatre ans. La deuxième est également ma soeur, Caroline, âgée de dix-huit ans. Et la dernière n'est qu'autre que moi-même. Oui, c'était moi, au mois d'avril, à Pâques.

    Je ferme les yeux, et je me souviens de plus en plus. Les souvenirs s'emparent de moi, et cela me fait bizarre. Je ne pensais pas que cela me reviendrait d'un coup. Je me souviens de tout, ou presque...

      

      


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