• De la Terre au Ciel

    ... Ou l'histoire d'un esprit qui cherche à se souvenir de sa vie.

    (Participation au Prix Clara 2011)

  • Il parait qu'on voit sa vie défiler devant ses yeux au moment de rendre son dernier souffle. Ce qui permettrait à celui ou celle qui quitte le monde des vivants de se souvenir de son existence.

    Je n'y crois pas. De ma vie, je n'en ai aucune trace dans ma mémoire. J'ignore qui je suis, et ce que j'ai été avant d'être un simple esprit. Je me souviens juste de la douleur que j'ai ressenti, au moment où j'ai vu la voiture arriver à toute vitesse vers moi, de la sensation de la vie qui a quitté mon corps après que ma tête s'est violemment fracassée sur le sol.

    Qu'est-ce que je faisais là ? Que s'est-il passé exactement ?

    Je n'en ai pas la moindre idée.

    On pense aussi que les âmes vont dans un autre monde une fois qu'elles ont fini leur vie sur Terre, en suivant une lumière blanche. Cependant, je ne vois aucune lueur, et je ne vois pas comment je pourrais reposer en paix sans savoir qui j'étais. Je ne connais même pas mon nom.

    J'erre dans les rues, sans savoir quoi faire. Personne ne me voit, étant donné que je ne fais plus partie de ce monde.

    Que faire ?

    Il faut que je parte d'ici, que j'aille là où est ma place. Mais comment ? Je ne sais rien de moi, comment pourrai-je connaître le chemin ?

    Je me pose tellement de questions, dont j'aimerai trouver les réponses, ou ne serait-ce qu'un semblant...

      

      


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  • Et soudain, comme si quelqu'un a entendu mon souhait et a accepté de le réaliser, au détour d'une rue non loin du lieu de ma mort, je vois un homme, avancer doucement dans la rue. Il est grand, et il a une allure assez pathétique, tentant tant bien que mal d'avancer, tanguant dangereusement de droite à gauche, de gauche à droite. Son manteau abîmé, reprisé de multiple fois, sans aucun doute, ses mitaines qui le sont tout autant. Le reste de sa tenue vestimentaire me rappelle vaguement quelque chose, comme si je l'ai déjà vu quelque part. Je décide de le suivre. Qui sait, peut-être qu'inconsciemment, il pourra m'aider ? Après quelques minutes de marche, il s'arrête devant un hangar délabré, et à l'abandon. D'autres personnes sont là également, mais il les ignore en allant s'asseoir dans un coin sans leur adresser un mot. Il sort ensuite un paquet de cigarettes, ainsi qu'un briquet de sa poche, dans l'intention de fumer. Je ressens un sentiment de dégoût, qui me semble étrange étant donné ma situation. Sans doute que je ne supportais pas l'odeur de mon vivant … Un autre homme, à l'allure tout aussi misérable, s'approche et s'installe à côté de son ami. Du moins, je suppose que c'est le cas.

    -Hep Greg' ! Qu'est-ce que tu fous tout seul ? Lui demande-t-il.

    -Je fume, ça se voit pas ? Lui répond-t-il simplement, sans lui prêter une grande attention.

    Un silence s'installe entre eux ensuite. L'un fume, tandis que l'autre dont j'ignore le nom fixe le sol, cherchant sans doute ses mots, réfléchissant à un sujet de conversation ou le pourquoi de l'air maussade de son camarade.

    -Tu as des nouvelles de tes mômes ? L'interroge le fumeur.

    -J'ai vu mon frère aujourd'hui. Il m'a dit que ma fille a eu son bac mention bien ! Mais c'est seulement maintenant que je l'apprends, tu te rends compte ?

    Nouveau silence. L'ambiance est lourde entre les deux hommes. Chacun est perdu dans ses pensées, songeant à leurs proches, ou même à leur vie passée, avant qu'ils atterrissent ici, et deviennent ce qu'ils sont aujourd'hui. Au bout de quelques minutes, le père de famille laisse échapper un soupir de lassitude.

    -Tu as entendu parler de la gamine qui a été renversée ? Le questionne-t-il.

    -Ouais. J'étais là. Dit-il dans un haussement d'épaules.

    -Ah ? Les flics ont dû te poser des questions, non ?

    -Je me suis barré avant. Je n'ai rien vu de toute façon, la fille était déjà par terre quand je suis arrivé.

    Ils ne parlent plus, et moi, je comprends pourquoi ce Greg me disait quelque chose. Il était là au moment de ma mort. Mais quelque chose que je ne saurai décrire me dit qu'il est bien plus qu'un simple témoin de mon décès.

    -Et dire qu'elle avait quinze ans. Soupire le plus bavard des deux hommes. C'est jeune pour mourir.

    -C'est la vie. On ne peut rien y faire.

    -C'est triste, je n'ose même pas imaginer le chagrin de ses parents.

    -Ouais.

    Plus un mot n'est prononcé, et seul le bruit du vent contre les vitres du hangar et le crépitement des flammes du feu de fortune non loin empêche le silence de s'installer. Greg continue de fumer sa cigarette, ignorant simplement son comparse, tandis que ce dernier a le regard perdu dans le vague. Il ouvre de temps à autre la bouche, comme s'il voulait dire quelque chose, mais il finit toujours par la refermer, ne trouvant peut-être pas les mots, ou par manque de courage de dire le fond de sa pensée. Il finit par se lever, sans qu'aucun son ne perce le barrage de ses lèvres, et s'éloigne vers un groupe de personnes, laissant son ami dans sa solitude. Celui-ci ne réagit pas, d'ailleurs, à ce départ, comme si ça lui est égal. Et soudain, des larmes commencent à couler de ses yeux verts. Doucement, tout d'abord. Puis ensuite, il jette sa cigarette à peine entamée au loin, le plus loin possible, et là, il éclate franchement en sanglot, la tête entre ses mains. J'ignore pourquoi, mais j'ai de la peine pour lui. Je me mets à imaginer tout un tas de scénari, le plus plausible étant celui où ma mort lui en rappelle une autre qui l'a beaucoup marqué. Parce qu'il ne me connaissait pas, la fin de ma vie ne peut donc pas le toucher plus que ça. Je m'approche de lui, de cet inconnu. J'aimerai le consoler, lui dire que tout va bien, que tout va s'arranger, même si je ne sais pas pourquoi il pleure. Mais je ne peux pas. J'assiste impuissante à la scène. Je lève la tête vers les autres sans abris, mais aucun d'entre eux ne fait attention à lui, pas même son ami. Peut-être veulent-ils respecter sa peine, son chagrin, en le laissant seul ? Ou peut-être que Greg ne veut pas de leur aide, et qu'ils savent qu'il les enverra balader s'ils s'approchent ? Je n'en sais rien, et je n'aurais jamais la réponse.

    Je m'éloigne de lui, ne supportant plus son désarroi. Je recule, les abandonnant, ces vivants malchanceux. Je sors en courant du hangar, ne voulant plus voir cette misère.

      

      


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  • Je marche doucement dans la rue. J'ai tout mon temps. Les gens ne font pas attention à moi, puisqu'ils ne me voient pas, et ne me verront jamais. Je ne sais pas où aller pour tenter d'obtenir des réponses. Au fond, je sais que Greg ne pourra pas m'en apprendre davantage. Il sait juste que j'ai quinze ans. Mais connaître l'âge que j'avais ne m'apporte pas grand chose. Cela ne me dit pas qui j'étais.

    Je vais dans un parc, qui est magnifique d'ailleurs. Je m'assois sur un banc, même si je n'en ressens pas le besoin. Je regarde les gens qui se promènent, les parents qui jouent avec leurs enfants. Je me demande qui étaient d'ailleurs, mes parents. Ceux grâce à qui j'ai connu la vie avant qu'elle ne me soit arrachée. Oui, je me demande qui ils sont. Peut-être le saurai-je un jour, peut-être pas.

    Mon attention se porte soudain sur une femme. Ses cheveux sont mal attachés, quelques mèches lui retombant sur le visage, elle est encombrée de quelques pochettes remplies de feuilles dont quelques unes s'en échappent, et d'un sandwich dont elle avale quelques bouchées quand ses feuilles ne prennent pas la poudre d'escampette. Elle s'installe sur un banc, non loin d'une splendide fontaine dont l'eau qui s'écoule scintille aux rayons du soleil. Elle pose ses dossiers à côté d'elle et se dépêche de manger ce qui lui sert de déjeuner. Un homme arrive derrière elle, et il ne la quitte pas des yeux. Il s'approche à pas de loup, pour ne pas se faire remarquer.

     -Devine qui c'est ! S'écrie-t-il en lui masquant les yeux avec ses mains. Prise par surprise, elle lâche son rapide repas sur ses genoux en poussant un petit cri. Il rit, fier de sa farce, tandis qu'elle râle en constatant sur son pantalon une petite tâche de mayonnaise.

    -Abruti !! Je retourne travailler après ! Je vais avoir l'air fin !

    -Calme ! Ce n'est pas un drame non plus ! S'exclame-t-il, en riant joyeusement.

    -Dixit celui qui bosse à son compte dans la poussière !! Râle-t-elle.

    -Attends, je vais t'aider. Lui dit-il, tout en sortant un mouchoir de sa poche pour enlever le plus gros de la tâche.

     Elle ne lui répond rien, et se laisse faire, bien que l'agacement est visible dans ses gestes et sur son visage. Elle soupire, lasse, et l'homme lève la tête vers elle, inquiet. Ils sont tous les deux jeunes, et ils doivent avoir approximativement le même âge, ce qui explique qu'ils sont certainement très proches.

     -Pardon pour ton pantalon. S'excuse-t-il finalement, l'air penaud.

    -Ce n'est rien... Je sais que tu te réfugies dans l'humour, les blagues pourries quand...

     Elle ne continue pas sa phrase, la laissant en suspens. Pourtant, son ami comprend parfaitement la suite, et son visage s'assombrit. Le sourire qu'il affichait, disparaît aussi rapidement qu'il est venu. Il baisse la tête, attristé.

     -Je suis désolée.

    -Ce n'est pas de ta faute. Souffle-t-il.

    -Comment va Tiphanie ?

    -Comment veux-tu qu'elle aille. Hausse-t-il les épaules. Elle est persuadée que c'est de sa faute. Ce n'est pas le cas, pourtant elle ne cesse de l'affirmer.

     Il ne dit plus rien, et elle ne répond rien non plus. La jeune femme pose son sandwich et passe son bras autour des épaules de son ami, qui est abattu.

     -Cela fait une semaine... Pourtant je n'arrive pas à m'enlever l'image de son visage sans vie de ma tête ! Je la revois encore pédaler à toute vitesse sur son vélo tandis que je lui courrais après. Je revoies la voiture la percuter. Je la revoies par terre... étaler par terre... Sans vie... Morte... Elle qui était si pleine de vie...

    -Je sais que tu étais proche d'elle... Mais elle n'aurait pas aimer que toi, ainsi que sa famille soyez tristes...

    -Elle avait quinze ans, tu te rends compte ? Dire qu'elle avait encore plein de choses à découvrir... C'est trop jeune...

    -Je sais Mick', je sais.

     Ils ne disent plus rien. Lui, ne désire que se réfugier dans ses souvenirs avec cette adolescente partie trop tôt, elle, respecte son silence. Que peut-elle faire de toute façon ?

     -Je... Je dois retourner travailler...

    -D'accord... Je... Je vais y aller aussi...

     Ils restent encore quelques minutes sur le banc, sans faire un quelconque geste. Rien faire, juste se remémorer des moments passés, qui ne pourront être renouveler avec la jeune disparue. Le silence devient de plus en plus pesant, mais aucune des deux personnes ne semblent vouloir changer cela, comme si c'est dans l'ordre des choses. La jeune femme se tourne vers son ami, un air compatissant sur le visage. Elle a de la peine pour lui, pour cette fille qui n'est plus et qu'elle ne connaissait que par le biais du prénommé Mick'. Et pourtant, aujourd'hui, maintenant qu'elle n'est plus là, elle aurait aimé la connaître, cette adolescente apparemment pleine de vie. Elle n'ose pas imaginer la peine des parents, des proches de la malheureuse victime. Elle laisse un soupir s'échapper de ses lèvres, et pose sa main gauche sur l'épaule de son ami. Il regarde cette main, mais ne dit rien. Non, il n'a pas envie de parler. Que dire de toute façon. Rien ne sert de discuter. Aucun mot ne pourra remplacer ce qui a été perdu. Seul le bruissement des feuilles, le chant des oiseaux perturbent le silence des deux amis, ou bien lui donne un caractère plus paisible. Mick' fixe un point invisible devant lui, sans vraiment le regarder. Aujourd'hui encore, il a du mal à croire en sa disparition. Cependant, il espère de tout son coeur qu'elle trouve la paix, et qu'elle est heureuse, où qu'elle soit.

     -Je dois y aller. Tiphanie a besoin de moi. Murmure-t-il.

     Il se lève sans attendre de réponse. Il ne veut pas entendre un nouveau " je suis désolée" , il ne pourra pas le supporter. Il s'en va, les mains dans les poches, la tête baissée, la tristesse peint sur le visage. Son amie, quant à elle, reste sur le banc, le regardant partir. Elle a de la peine pour lui, et le voir aussi chagriné lui fait mal. Cette jeune femme n'a jamais supporté que ceux qu'elle aime soient tristes. Elle regarde sa montre, lasse, et fait les yeux ronds de surprise. Un juron s'échappe, elle se lève à son tour et part en courant.

    Cette scène m'a paru durer une éternité, tellement elle me faisait mal. J'avais envie de leur hurler que je suis là, devant eux, que je vais bien, mais que l'ignorance de mon identité m'empêche de trouver la paix. Mais, ils ne m'auraient pas entendu. Ils ne peuvent pas me voir, ni cette femme, ni Mickaël. J'ai envie de le suivre, mais quelque chose me dit que si je le fais, je ne verrai que du chagrin, et je ne peux le supporter.

    Je me lève, et je me balade dans le parc. Les gens partent, petit à petit, laissant un parc désert. Vide. Les oiseaux ne chantent plus. Le vent cesse de souffler. Comme si tout était mort. Je reste au milieu d'un chemin et regarde le décor autour de moi. Il n'y a rien, à part des arbres, des bancs, de la terre, de l'herbe, des fleurs, une fontaine. Mais sinon, il n'y a rien. Juste ça, et le silence. Je me sens seule. J'aimerai aller autre part, et pouvoir parler à des gens, et ne plus être seule. Suis-je condamnée à l'éternelle solitude ? Mais qu'ai-je fait alors pour mériter cela ? Je l'ignore, mais je voudrais le savoir. Pour avoir une idée de là où je dois aller.

     


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  • Je reste debout, sans rien faire. J'attends. Je ne sais pas ce que j'attends, mais j'attends. Des gens passent, mais ne s'arrêtent pas. Ils ont tous l'air tellement pressés, comme si leurs obligations sont importantes, et passent avant le reste. Comme si plus rien ne compte, à part ce qu'ils doivent se dépêcher de faire. Ce que je trouve stupide. Ils devraient prendre plus de temps pour les choses futiles. Parce que c'est souvent ces choses sans intérêt qui forment la beauté. Je ne dis pas seulement ça parce que je suis morte, mais parce que je le pense réellement. Si nous prenions plus de temps pour des choses simples et essentielles, peut-être serions-nous plus heureux...

    Finalement, je finis par avancer, et par quitter ce parc. J'erre dans les rues, les mains dans mes poches. Je me demande si à un moment je me souviendrai de ma vie... Je l'espère, je n'ai pas envie de passer l'éternité à me balader dans les rues sans que personne ne puisse me voir, sans personne à qui parler. Cela risque d'être long, à la longue...

    Soudain, j'ai l'impression que je dois m'arrêter, et c'est ce que je fais. Je regarde autour de moi pour en connaître la raison, et je vois un grand bâtiment qui m'impressionne beaucoup, et des adolescents en sortent. Ils marchent tous d'un pas lent, la tête baissée, un air triste sur le visage. Quelque chose me dit qu'ils devraient être tous joyeux, et heureux de sortir de là. Mais non, ils ont l'air chagriné.

    Une fille s'éloigne du reste du groupe d'élèves, et va s'asseoir sur un muret. Ses cheveux bouclés, couleur chocolat, lui cachent son visage. Intriguée, je m'avance vers elle, pour ensuite m'asseoir à ses côtés. Je remarque rapidement qu'elle pleure, ce qui m'aurait serré le coeur si j'étais vivante.

    Je la connaissais... Vanessa...

     -La vie est injuste. Dit-elle à voix basse tout d'un coup, en sortant un papier de sa poche. C'est toujours les meilleurs qui partent les premiers.

     Je jette un oeil sur cette feuille par dessus son épaule pour savoir ce qu'il y a dessus. Il s'agit d'un message, qui lui était apparemment destiné. Curieuse, je ne peux m'empêcher de le lire.

     Bon anniversaire, à la meilleure de toute, j'ai nommé ma vieille Nessie ! Et oui, un an de plus pour toi, tu me rattrapes !

    La seule et unique, Evie.

     Je ne cesse de relire ces mots, pour tenter de savoir si c'était moi qui les avait écrit. Ils me disaient vaguement quelque chose, mais les souvenirs refusent de refaire surface.

    Vanessa continue de serrer la feuille contre elle, comme si sa vie en dépendait. Elle reste là, assise sur le muret, à pleurer, seule. Elle répète les même paroles, comme quoi la vie n'est pas juste.

     -C'est triste ce qui est arrivé à ton amie. Dit soudain une voix, à l'intention de Vanessa.

     La jeune fille lève la tête, sans cacher ses larmes. Un garçon de son âge se tient devant elle, les mains dans les poches, la regardant avec un air plein de compassion.

     -Va-t-en ! S'écrit-elle en réponse. Tu n'as jamais aimé Evie ! Alors, ne viens pas m'embêter avec ta fausse compassion à la gomme ! Va retrouver tes potes qui sont aussi stupide que toi !

    -Qu'est-ce qui te fait croire que je n'aimais pas ta copine ? S'étonne le jeune garçon.

    -Tu ne cessais de la traiter de gamine, comme les autres crétins du lycée ! Et tu n'es même pas fichu de l'appeler par son prénom ! Alors va faire les hypocrites ailleurs, tu pollues l'air !

     Il ne répond rien tandis qu'elle commence à l'insulter de tous les noms, en continuant de pleurer. Après un temps d'attente, il finit par s'asseoir à côté de la brunette, qui ne réagit pas.

     -C'est quand son enterrement ? Lui demande-t-il.

    -C'était hier, abruti !

    -Je suis désolé. Avoue-t-il, honteux. Je sais qu'on n'a pas été tendre avec vous deux. Mais, maintenant, je me rends compte qu'à cause de nous, vous avez été rejetées par le reste de la classe, et aussi, qu'elle était ta seule amie... Il est peut-être trop tard mais... Excuse moi. Et j'espère que de là où elle est, ton amie me pardonnera.

     Elle ne répond rien tandis qu'il baisse la tête, craignant qu'elle l'envoie joliment balader. Elle ne veut pas lui pardonner, mais une part d'elle-même lui dit qu'elle devrait. Il est vrai qu'elle est plutôt touchée par ses dires, même si elle n'est pas sûre qu'il soit sincère. Elle n'a jamais su voir si une personne mentait ou non, contrairement à sa meilleure amie.

     -Evie te pardonnera. Elle pardonne toujours. Elle n'est pas rancunière. Souffle-t-elle finalement, après un long silence.

     Il lève la tête en direction de la jeune fille. Elle le regarde, les yeux rouges et les joues rosies, et un sourire furtif apparaît sur ses lèvres. Elle scrute ensuite le sol, lui trouvant un soudain intérêt, tout en triturant un morceau de papier.

     -C'est ton amie qui te l'a écrit ? L'interroge-t-il. Tu as l'air d'y tenir.

    -Oui, pour mon anniversaire. Je l'ai trouvé dans ses affaires, dans son casier.

    -C'est quand ?

    -C'était le lendemain de sa mort. Tu parles d'un cadeau. Soupire-t-elle, chagrinée. Je... Je dois y aller. Ajoute-t-elle, après un court silence. Je dois apporter ses affaires à sa mère. Je n'ai pas croisé sa soeur aujourd'hui...

     Elle se lève, range soigneusement la feuille dans la poche de son jean et commence à s'éloigner. Cependant, le garçon s'empresse de la rattraper, et la retient en lui attrapant le bras avec douceur.

     -Tu sais, même si je ne la connaissais pas, je ne pense pas qu'elle voudrait que tu sois triste trop longtemps. Elle aurait voulu que tu t'en remettes vite, tout en ne l'oubliant pas.

    -Le pire, c'est que tu as raison, admet Vanessa, gardant la tête baissée. Evie avait horreur de voir ses proches tristes. Elle m'aurait vu, elle m'aurait prise dans ses bras. Elle me manque.

    -Sois forte, pour elle. Lui murmure-t-il, tout en déposant un baiser sur une joue de la jeune fille, qui rougit instantanément.

     Il lui sourit, puis finit par s'éloigner pour la laisser partir. Elle le regarde s'en aller, en souriant légèrement, puis reprend la route en direction de la maison de son amie défunte. Tout en marchant, elle sort le mot de sa poche pour le relire de nouveau.

     -Je suis sûre que c'est toi qui l'a amené vers moi. Dit-elle à voix basse, quelques larmes coulant de nouveaux sur ses joues.

      

      


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  • Et elle continue d'avancer, sûre d'elle, comme si elle connaissait le chemin par coeur. Ce qui est le cas d'ailleurs, vu qu'elle l'a emprunté plusieurs fois, avant... Elle serre la feuille de papier contre elle, durant tout le trajet. Au bout de quelques minutes, la jeune fille arrive devant une belle maison, plutôt grande. Elle s'arrête devant la porte d'entrée, et hésite à signaler sa présence aux habitants. Elle doit le faire, mais elle sait qu'une triste ambiance règnera à l'intérieur. Cependant, elle prend son courage à deux mains, et après avoir respiré un grand coup, elle tend le bras pour appuyer sur la sonnette. Et elle attend. Elle remue un peu, n'étant pas tellement à l'aise. Elle ne sait pas ce qu'elle doit dire. Contrairement à sa meilleure amie décédée, elle n'a jamais eu le don de parler aux personnes ayant du chagrin. Elle ne trouve jamais les bons mots, et met toujours les pieds dans le plat par sa maladresse. Elle plie soigneusement le papier pour ensuite le mettre dans sa poche, tandis que la porte s'ouvre brusquement, la faisant sursauter. Une grande femme d'une bonne quarantaine d'années se tient devant elle, aux cheveux roux et courts, aux tristes yeux marrons et un air fatigué sur le visage.

     -Bonjour madame Riviere ! S'exclame sans attendre Vanessa, en bafouillant, tellement elle est gênée par la détresse évidente de cette mère de famille. Je... Je viens vous rapporter les affaires d'Evie... Qui étaient dans le casier...

    -Bonjour Vanessa. Lui répond-t-elle avec un faible sourire. Entre.

     Timidement, la jeune fille passe le pas de la porte, que la maîtresse de maison ferme derrière elle. Vanessa s'est toujours sentie comme chez elle, ici, mais aujourd'hui, elle ne sait décidément pas où se mettre. Il a toujours régné une atmosphère conviviale, qu'elle enviait par moment. Aujourd'hui, la jovialité a laissé place à la morosité qui lui fait mal au coeur. Elle suit cependant, la femme qui l'a accueillie dans le salon, même si elle n'ose pas dire quoique ce soit.

     -Tu aurais pu les donner à Caroline. Lui fait remarquer la femme de plus de quarante ans, lasse.

    -Je ne l'ai pas vu aujourd'hui. Donc je me suis dis que j'allais vous les apporter moi-même.

    -Tu as bien fait. Lui sourit-elle, pour tenter de la mettre à l'aise. Tu as des nouvelles de Céleste ?

    -La prof principale nous a dis qu'elle se remet doucement, mais sûrement, de son opération. Les médecins pensent qu'elle va s'en remettre.

    -Elle a de la chance. Soupire la femme rousse, tandis que Vanessa regarde ses pieds, embarrassée. Tu peux aller mettre les affaires dans... dans sa chambre. L'informe-t-elle, pour ensuite se diriger vers la cuisine.

     La jeune fille reste quelques instants dans la pièce à vivre, n'osant pas monter les escaliers, menant à l'étage où se trouve la chambre de sa meilleure amie. Elle les monte, cependant, après un temps d'attente. Doucement, alors qu'avant, elle les grimpait avec précipitation. Mais aujourd'hui, elle a conscience que c'est sans doute la dernière fois. Puisque maintenant, elle n'a plus tellement sa place ici. Une fois devant la porte, elle hésite. Derrière l'attend une chambre vide, où personne ne l'y attend. Une pièce où elle a plein de souvenirs, de rires, de joies, de confidences. Des souvenirs qui la font sourire, mais qui l'attristent tant désormais.

    Elle ouvre la porte, et entre dans la chambre de sa meilleure amie. Mais elle n'ose pas aller plus loin. Tout est bien rangé, tout est à sa place. Comme avant. Mais la pièce est terriblement vide à présent, alors que rien n'a bougé. Il manque quelque chose, et l'adolescente n'a aucun problème à savoir quoi. Elle soupire tristement, avant de poser son sac sur le lit simple. Elle l'ouvre pour en sortir quelques affaires qui ne lui appartiennent pas. Elle les pose sur le lit, préférant les mettre là, avant de les ranger. Sa meilleure amie n'aimait pas le désordre.

     -Bonjour Vanessa ! L'interpelle soudain une petite voix, qu'elle connait bien, suivit d'une autre qui la salue également.

    -Salut vous deux ! Leur répond-t-elle, tout en se retournant pour faire face à Mathéo et Amanda, âgés respectivement de dix et six ans.

     Elle tente de leur sourire à ces deux petites têtes brunes qui la regardent de leurs grands yeux noisettes. Mais elle a du mal, puisqu'elle ne peut s'empêcher de se rappeler qu'elle a en face d'elle le petit frère et la petite soeur de sa meilleure amie. Et leur frimousse lui rappelle le visage d'Evie, surtout celle d'Amanda qui ressemble davantage à sa soeur que son frère.

     -Elle revient quand Evie ? Demande d'une voix pleine d'innocence la fillette.

    -Votre mère ne vous a rien expliquer ? S'étonne Vanessa, surprise par cette question.

    -Maman a dit qu'elle était partie au ciel. Informe Mathéo, dans un soupir.

    -Mais elle va revenir, non ? Interroge ensuite Amanda.

    -Quand on va au ciel, on n'en revient pas. Rétorque-t-il en baissant la tête.

    -Mais d'une certaine manière, elle sera toujours là. Ajoute sans attendre Vanessa. Tu ne la vois pas, mais elle est là. Toujours.

    -Si je lui parle, elle m'entend ?

    -Oui. Lui assure-t-elle avec un sourire, tout en s'agenouillant pour se mettre à sa hauteur. Mais tu n'auras pas besoin de lui parler, parce qu'elle veillera toujours sur toi. Elle saura toujours ce qui ne va pas, ou ce qui va bien. Elle vous aimait beaucoup, tous les deux, et même si elle est partie, elle veillera toujours sur vous.

     Sur ces mots, elle les prend tous les deux dans ses bras. Elle est elle-même surprise par ce qu'elle vient de dire, elle qui d'habitude, est plutôt maladroite. Mais son envie de ne pas voir ces petites têtes tristes est sans doute plus forte que ça.

    Je ne peux m'empêcher d'être émue de les voir. Ma meilleure amie, ma mère, mon petit frère et ma petite soeur. Oui, je me souviens d'eux... Vanessa que je connais depuis les couches, avec qui j'ai tout partagé. Il n'y a jamais eu d'embrouille entre nous et nous nous sommes toujours serrées les coudes. Ma mère qui est un peu trop surprotectrice. Amanda et Mathéo qui sont parfois envahissants , mais aussi adorables. Cela me fait mal de les voir ainsi, aussi triste de ma disparition. J'espère qu'ils ne vont pas se morfondre trop longtemps, et qu'ils se relèveront vite. J'espère.

    Je finis par quitter cette pièce qui était ma chambre. Je descends les escaliers pour retourner dans le salon. Ma mère n'est pas là, la pièce est vide. Mais quelque chose, qui est sur la cheminée, attire mon attention. Je m'avance, pour la regarder de plus prêt. Dessus, je reconnais ma mère, ainsi qu'Amanda et Mathéo. Cependant, trois autres personnes se trouvent dessus, trois filles. Celle qui semble plus vieille que les deux autres a de longs cheveux bruns qui lui arrivent jusqu'aux coudes, et possède des yeux verts. Elle est debout à côté de Maman. L'autre jeune fille brune lui ressemble beaucoup, sauf qu'elle a des yeux marrons et des cheveux nettement plus courts. Ils lui arrivent au menton. Elle assise par terre, les jambes croisées, avec Amanda dans ses bras. La troisième fille, quant à elle, est blonde vénitienne avec des yeux verts. Ses cheveux sont attachés en une tresse et elle pest vêtue d'une salopette en jean. Elle porte Mathéo dans ses bras, et un immence sourire illumine son visage, ainsi que tout le reste de la photo j'ai l'impression. Elle a été prise dehors, au printemps peut-être, au vue de l'arbre en fleurs à l'arrière plan. J'approche ma main de l'image, mais je ne peux la toucher. Je sais qui est chaque personne. La première est Tiphanie, ma soeur aînée, âgée de vingt-quatre ans. La deuxième est également ma soeur, Caroline, âgée de dix-huit ans. Et la dernière n'est qu'autre que moi-même. Oui, c'était moi, au mois d'avril, à Pâques.

    Je ferme les yeux, et je me souviens de plus en plus. Les souvenirs s'emparent de moi, et cela me fait bizarre. Je ne pensais pas que cela me reviendrait d'un coup. Je me souviens de tout, ou presque...

      

      


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