• Je suis seule dans la chambre , allongée sur le lit les yeux rivés sur le plafond. J'ai fini de ranger mes affaires depuis un moment mais je ne veux pas sortir de cette pièce. Je ne veux pas affronter mon hôte, je préfère m'isoler. Je ne sais pas encore si je vais montrer le bout de mon nez durant le reste de la soirée. Je pense que non. Du moins, je verrai bien. Je ne cesse de me demander pourquoi j'ai accepté de rester ici, alors que mon but, c'est de partir avant qu'une éventuelle rencontre ne se produise. Il va bien falloir que je parte, ou du moins que j'en trouve le courage. Et surtout, avant que je le revois. Je soupire. Je prends dans mes mains une des deux photos que Noah avait trouvé sur la table, celle qui a été prise en hiver, plus précisément le lendemain de Noël, bien que cela ne se voit pas sur la photographie. Mes parents nous avaient emmenés, mon frère et moi, dans un parc. Nous avions fait un bonhomme de neige. Ma mère adorait prendre des photos, pour garder en souvenir des images de ses enfants encore petit. Mon père avait demandé à un passant de nous prendre en photo. Cette personne avait gentiment accepté. A cet époque nous formions une belle famille. Ma mère était psychologue et pendant son temps libre elle s'occupait de ses enfants et jouait du piano. J'adorais comment elle jouait et je lui avais demander de m'apprendre. Mais j'ai juste eu le temps d'apprendre les bases. Parce que, au printemps, elle est morte, le jour de mes 6ans. Je soupire à nouveau. Je prends l'autre photo, qui a été prise pendant les vacances de Pâques, dans l'année de mes 15ans. Mon père, mon frère et moi étions partis pour nous éloigner un peu de la ville. Nous nous baladions souvent dans les étroites rues et nous nous détendions. J'ai oublié le nom de ce petit village, mais c'était l'endroit idéale pour décompresser. Les gens étaient très sympathiques et accueillants. Mais malheureusement, repenser à tout ça me remet aussi en mémoire la mort de mon père, le jour de mes 16ans (et aussi les 16ans de mon frère). Qu'est-ce qu'ils ont mes parents à mourir le jour de mon anniversaire ? Je sais bien que ce n'est pas de leur faute, pas du tout. Qu'ils n'ont rien demandé, qu'ils auraient préféré rester en vie avec moi et mon frère. Je me souviendrai toujours de ce passage de ma vie. J'étais restée des jours et des jours, enfermée dans ma chambre chez ma tante –qui était la sœur aînée de ma mère, juste pour préciser- à pleurer toutes les larmes de mon corps. Je ne laissais entrer personne. Ni ma tante, ni ma cousine Lise (que je considérais comme ma sœur tellement que nous étions proches), ni mon frère, ni mon grand-père (à la suite de la mort de ma grand-mère et comme il détestait la solitude, ma tante qui était sa fille avait accepté de l'héberger). Mais un jour, celui que j'appelais des fois, pour plaisanter bien sûr, l'ancêtre avait eu la brillante idée de faire changer les serrures. Il est donc entré dans la chambre et nous avons parlé. Et ça m'a beaucoup aidé. Une semaine après, je suis retournée en cours. Bizarrement, pendant un temps, tout le monde se montrait gentil et compatissant avec moi, même les personnes qui ne pouvaient pas me voir en peinture. Et ce phénomène c'était aussi produit du côté de mon frère. A mon avis, les professeurs y étaient pour quelque chose. J'ai même eu le droit à une « super » conversation avec mon professeur principal, qui me disait que je pouvais lui parler si j'en ressentais le besoin. J'ai souvent entendu ce genre de discours par tous les adultes que j'ai croisé sur mon chemin dans les jours qui ont suivi mon retour au collège. Pensaient-ils que je n'avais aucun ami ? Ce qui ai bien sûr faux. Et si j'avais besoin de parler, soit c'était avec mon frère, soit avec Aurélie ou encore avec mon meilleur ami Benji. Il habitait non loin de chez moi, enfin, avant la mort de mon père. Benji était un peu unique on va dire. Il n'était pas comme les autres garçons de cet âge là, qui passent leur temps à se croire les plus beaux et les plus forts. Non, lui, il était du genre timide et réservé, qui se fichait de son look autant que sa première couche. Il avait des cheveux bruns avec des yeux noirs. Il jouait merveilleusement bien de la guitare et aussi, il composait des chansons quand il avait des heures à tuer. Ses chansons étaient magnifiques et avec Aurélie, nous lui demandions souvent d'où il trouvait toutes ses idées. Il se contentait de répondre qu'il avait une muse bien à lui, qui ne cessait de l'inspirer. Et à chaque fois, pendant les cours de maths, ma chère meilleure amie n'arrêtait pas de me dire que c'était moi, sa muse, pour la simple raison qu'il avait béguin pour moi. Je ne l'ai pas cru pendant un long moment, bien que ses dires étaient parfaitement justes. Sauf que, le mot « béguin » était bien trop faible pour dire ce qu'il ressentait. Non, il était amoureux, mais vraiment amoureux, de moi. Mais à ce moment-là, je ne le savais pas.
    Je fouille un peu dans mes affaires pour retrouver une photo où j'étais avec Aurélie et sa tignasse plus bouclée que d'habitude qui lui en faisait voir de toutes les couleurs, et Benji. J'étais au milieu, Aurélie à ma droite et Benji à ma gauche. Nous étions devant le lycée. Nous étions vêtus de gros manteaux, de grosses écharpes et, dans mon cas, d'un bonnet marron et rouge. Je me souviens que, malgré la fin de l'hiver, il faisant encore un froid de canard. Mes deux amis et moi avions choisi le même enseignement de détermination au lycée et nous avions eu la chance d'être dans la même classe. Nous passions tout notre temps ensemble et nous nous entraidions pour faire les devoirs. Nous mettions parfois deux heures à les faire, même si nous n'avions pas grand chose. C'est juste que nous avions du mal à nous concentrer à cause des fous rires provoqués par Aurélie. Mais elle n'en provoquait pas forcément à l'extérieur des cours mais aussi pendant les cours. Surtout pendant les cours de sport. Nous n'étions pas du tout sportifs et quand nous nous entraînions au basket ou au volley-ball, Aurélie avait une fâcheuse tendance à viser le pauvre professeur qui avait bien du mal à éviter les projectiles d'une de ses élèves. Quand la balle était petite, comme une balle de tennis de table, ça allait. Mais quand il s'agissait d'un ballon de volley, là, par contre, ce n'est plus du tout la même histoire. Elle ne le faisait pas exprès, mais quand le professeur lui disait de faire attention, Benji et moi avions beaucoup de mal à garder notre sérieux. Surtout quand nous voyions le commentaire du professeur sur son bulletin. Je ne me souviens plus des termes exacts qu'il utilisait mais en gros, il disait qu'il fallait qu'elle prenne de sérieux cours pour qu'elle apprenne à viser et aussi qu'il y avait un besoin urgent qu'elle aille consulter pour ses yeux, parce qu'il n'avait pas de cible dessiner sur son front. Il faisait partie des rares professeurs a être doté d'humour. Ce qui n'était pas le cas de notre professeur principal qui n'arrêtait pas de nous demander de nous calmer après qu'elle ait rendu les bulletins.
    Je remarque que j'arrive à me souvenir de plein de choses avec juste une simple photographie. Je soupire et je me laisse tomber sur le lit. Il faut vraiment que je m'en aille d'ici. Il faut que je parte. Je ne peux pas rester. Non, je ne peux pas. Mon passé me rattrape et il faut absolument que je le fuis. Bien qu'il soit dans la ville où je me trouve, ça ne veut pas forcément dire qu'il m'a retrouvée. Mouais ... C'est comme croire au Père Noël ce que je viens de dire. Sans vraiment m'en rendre compte, je finis par m'endormir. Une nuit remplie de cauchemars m'attend encore une fois. En serai-je, un jour, débarrassée ? Je doute, sincèrement, je doute. Je suis destinée à vivre dans la souffrance que me procure mon douloureux passé. Le jour s'est levé. Mes yeux bleus s'ouvrent tout doucement. Je mets quelques secondes à réaliser que je ne suis pas dans un certain motel miteux, mais dans une maison confortable et que mon hôte n'est qu'autre que l'agent Vitmann. Je soupire et je me redresse. Je remarque que je ne suis pas sur les couvertures, mais dans les couvertures. Et je n'avais même pas défait le lit la veille. Une hypothèse germe rapidement dans mon esprit. Noah serait sans doute monté hier, inquiet de ne pas me voir sortir de la chambre et il m'aurait vu entrain de dormir. Il m'aurait donc mis sous les couvertures. C'est sans doute ça. Je me lève et je mets quelques minutes à trouver la salle de bain. Comme d'habitude, je prends une douche froide pour me réveiller et essayer de penser à autre chose qu'à mes terribles cauchemars. Plus tard, une fois vêtue d'un simple jean, d'un pull mauve et d'un gilet violet, je descends les escaliers pour me diriger vers la cuisine. Sur la table, je trouve un message, de la part de mon hôte bien sûr, que c'est touchant. Je prends le misérable morceau de papier pour lire ces mots.

    « Tania, comme tu t'en doute peut être, je suis parti travailler. Fais comme chez toi. Je serai de retour ce midi. Mais fais attention. Je sais que le meurtrier a, pour le moment, attaqué la nuit, mais on n'est jamais trop prudent. A ce midi, Noah. »

    Je repose la feuille à l'endroit où je l'ai trouvée sans plus y prêter attention. Je commence à me dire que Noah est un policier à la gomme. Il croit sérieusement que l'assassin qu'il recherche va venir gentiment devant la porte de sa maison pour me tuer et repartir comme si rien ne s'était passé ? Ce n'est pas moi qui croit au Père Noël, mais lui. Cela se voit qu'il ne le connaît pas, lui. Mais moi, je sais qu'il n'est pas ici pour le fun, en tant que simple touriste en vacances qui tue des gens pour le plaisir comme quelqu'un qui va à la plage pour bronzer. Oui, je sais. Quand on y pense, c'est assez comique comme image, mais ce n'est pas la réalité. Je soupire et j'ouvre la porte du frigidaire pour voir ce qu'il y a dedans. Je jette un rapide coup d'œil, car une sonnerie, indiquant que quelqu'un est devant la porte d'entré de la maison et qu'il attend patiemment qu'on vienne lui ouvrir, vient de retentir. Je ferme le frigo et je m'avance vers l'entrée. Et puis, j'hésite. Je ne vis pas ici et je ne sais pas si je peux ouvrir à une personne qui me sera certainement inconnue. Finalement, j'hausse les épaules et je me décide d'ouvrir à monsieur ou madame inconnue. Après tout, mon hôte ne m'a-t-il pas dit de faire comme chez moi ? Mais, oh surprise ! Quand j'ouvre qu'est-ce que je vois ? Rien. Le mot est juste. Rien. Personne. Ai-je rêvé ? Non ! Je veux bien admettre que je suis à moitié dépressive –voir dépressive tout court- mais je ne suis pas folle non plus. Deux hypothèses me viennent à l'esprit. Soit c'est un gamin idiot qui n'a rien d'autre à faire que des plaisanteries soit ... Mon regard descend vers mes pieds et je trouve une enveloppe avec mon nom écrit dessus posé par terre. Hem... Quelque chose me dit que cela va me mettre un sacré coup au moral mais tant pis. Je prends l'enveloppe et je rentre à l'intérieur. Je m'installe dans le salon et j'ouvre. Aucune lettre, juste trois photos. Et en les regardant, je ne peux m'empêcher de laisser échapper un cri de terreur tout en laissant tomber par terre ces trois misérables photographies trafiquées. En un simple coup d'œil, je viens d'apprendre plein de choses. Je sais qui est le destinataire. Et je sais aussi qu'il a un sacré coup de crayon. Vachement utile comme information je sais.
    Mais je sais aussi, que si je ne veux pas avoir un gentil chien-chien du nom de Noah qui me suit partout, il vaut mieux que je cache ce que je viens de recevoir.

    Parce que, sur ces photographies, il y a moi, avec de jolies traces rouge sang autour de mon cou, indiquant très clairement les intentions du tueur à mon égard.

     

     


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  • Je suis dans ma voiture et un rapide coup d'œil à l'heure m'indique qu'il est actuellement 12h35. Je ne devrais plus tarder à arriver chez moi. J'espère qu'il ne s'est rien passé du côté de Tania. Enfin, je verrai, bien que je doute qu'elle me dise quoique ce soit s'il lui était arrivé quelque chose durant la matinée.
    N'empêche, quand j'ai vu qu'il était l'heure de la pause déjeuner, je n'ai pu cacher mon soulagement. Comme je l'ai prévu, Jeffrey, un collègue et ami, n'a cessé de se moquer, de lancer des plaisanteries diverses et variées quand je lui ai dit que j'héberge actuellement Tania, notre future victime qui sait plus de chose qu'il n'y paraît. Sauf que sa comédie a duré toute la matinée, m'empêchant ainsi de me concentrer sur l'enquête en cours. Jeffrey est bien gentil et toujours disponible en cas de pépin, mais quand il le veut, il peut se montrer lourd, très lourd. Décidément, la paternité n'a eu aucun effet sur lui, et c'est bien dommage. Et rien que l'idée de devoir supporter le même cirque cette après-midi ne me réjouit guère, mais il va bien falloir que je fasse avec. Je dois impérativement résoudre mon enquête. Déjà parce que je sais que les habitants de cette ville commence à ne plus se sentir en sécurité. Et je les comprends parfaitement. Aussi, peut être qu'en la résolvant, le mystère qui entoure une certaine jeune femme brune aux yeux bleus disparaîtra. Et ainsi, je saurai tout de son passé et je pourrai ainsi l'aider. Mais je doute que ce soit pour toute suite. Elle ne me dira rien, préférant sans doute préserver son secret. D'ailleurs, pourquoi veut-elle ne rien dire ? Ne veut-elle pas être aidée, pour ensuite aller mieux ? Et dans ce cas, pourquoi ? Cette femme fait décidément bien travailler mon esprit. Je me pose tellement de questions sur elle ! Comment faire pour qu'elle se confie à moi ? Elle n'a pas un caractère facile, sans doute pour éviter que je perce sa carapace qu'elle a durement forgé pour se protéger. Pourtant, je ne lui veux aucun mal. Je veux juste la comprendre, savoir pourquoi tant de tristesse et de désespoir se lisent dans son regard océan. Et je veux pouvoir l'aider, pour que ces sentiments disparaissent, ou du moins, soit atténués. Car personne ne mérite de souffrir autant. Personne. Je soupire en me garant devant chez moi. Je sors de ma voiture et je m'avance vers l'entrée de ma maison. J'entre et je signale ma présence à Tania que je ne vois pas. Elle n'est pas sortie, je viens de l'entendre m'adresser un « ouais ». Au son de sa voix, je pense qu'elle est à l'étage, dans la chambre d'ami. Je ne sais pas ce qu'elle est entrain de faire, de ce qu'elle a fait de sa matinée et je ne veux pas le savoir. De toute façon, je doute qu'elle me réponde. Je pose mon manteau sur le porte-manteau, et je me dirige vers la cuisine, pour préparer le déjeuner. J'ouvre le frigo, je cherche quelques ingrédients et je commence ma préparation. C'est un plat tout simple, steak et haricots verts. Je ne suis pas très doué en cuisine, alors j'évite tout ce qui est trop compliqué à mon goût. Une fois que c'est prêt, j'appelle Tania et je m'installe à table et je l'attends. Je l'entends descendre les marches de l'escalier, tout en soupirant. Elle arrive dans la pièce d'un pas lent et elle s'assoit et elle commence à manger après avoir grommeler un « bon appétit ». Je fronce les sourcils tout en commençant à manger à mon tour.

    -Quelque chose vous tracasse ? Demandai-je, intrigué par son comportement.
    -Non. Me répond-t-elle d'un ton sec voulant dire qu'il vaut mieux que je ne poursuive pas la conversation.

    Visiblement, elle n'est pas de bonne humeur. Pas du tout même. Je préfère ne pas insister et le reste du déjeuner se passe dans le silence. Une fois le repas terminé, Tania retourne à l'étage, dans la chambre d'ami. Je soupire de lassitude. Après avoir mis les assiettes dans le lave-vaisselle, je sors de chez moi, tout en annonçant à la femme que j'héberge que je retourne travailler. Elle ne répond pas. J'hausse les épaules et referme la porte derrière moi. Je monte dans ma voiture et je retourne sur mon lieu de travail, appréhendant déjà les futures plaisanteries de mon cher collègue. Une fois arrivé, je me dirige directement vers mon bureau. Pas de chance, sur le chemin, je croise Jeffrey, qui me regarde avec son fameux air moqueur. Je lève les yeux au ciel et je m'installe. J'ouvre le dossier concernant l'enquête et je ne prête aucune attention à mon meilleur ami. Celui-ci ne tardera pas à me faire la conversation.

    -Alors, bien mangé, avec Tania ? Me demande-t-il, tout en insistant bien sur les deux derniers mots, le ton accompagné par son sourire éternellement moqueur.
    -Dans un silence de mort, oui. Répondis-je, sans lever mon regard du dossier.
    -Que tu dois être triste !
    -Pas spécialement non. On s'habitue à son caractère.
    -La bonne excuse !
    -Il y a des fois où je me demande si tu es vraiment père de famille, lui dis-je, un sourire fier apparaissant sur mon visage.
    -Tu les as vu mes gosses. Me répond-t-il. Alors oui, je suis bien père de deux enfants.
    -Je sais. Mais tu dois bien voir ce que je veux dire.
    -Je pense oui.
    -Je l'héberge juste, lui dis-je, pour la énième fois de la journée. Et rien d'autre. Et j'ai la sensation qu'elle en sait plus que l'on pense sur notre assassin.
    -Pourquoi tu ne l'interroges pas ?
    -Elle ne dirait rien, affirmai-je, commençant à la connaître. Elle est bien trop mystérieuse et méfiante pour me dire quoique ce soit. Il faut que j'attende. Je n'ai pas le choix.
    -J'aimerai bien la rencontrer. M'avoue Jeffrey. Rien que pour voir la tête de celle qui arrive à faire marcher tes neurones au point de les mettre en surchauffe.
    -Tu essaies de faire l'humour ?
    -Pas spécialement.
    -Tant mieux. Parce que sinon, j'aurai dit que nous n'avions pas du tout le même sens de l'humour.
    -Je m'en doute.
    -Agent Vitmann ! Agent Teller ! S'écrie soudain un autre collègue, que j'identifie être Tom, qui est là depuis 3 mois environ.
    -Qu'est-ce qui se passe ? Demandai-je, intrigué.
    -Il y a une jeune fille qui désire vous voir. Nous annonce-t-il. C'est à propos de l'enquête.
    -Elle est où ?
    -A l'entrée. Elle vous attend.
    -J'y vais. Tu viens avec moi Jeff ?
    -Evidemment.

    Nous nous dirigeons immédiatement vers le lieu que Tom nous avait désigné. Une adolescente d'environ 16 ans est là, apparemment un peu perdue à cause du monde qu'il y a dans la pièce. Elle n'est pas bien grande, environ 1m60. Elle a des cheveux châtains et raides et des yeux verts. Je me dirige vers elle, suivit de près par mon meilleur ami.

    -Je suis l'agent Noah Vitmann. Me présentai-je. Et voici l'agent Jeffrey Teller, en désignant mon collègue.
    -Je ... Je m'appelle Tessa Sherman. Nous répond-t-elle d'un ton hésitant, ses bras tenant fermement son sac contre elle. Je... je suis la fille de la première victime. Je... je pense que j'ai des informations pour vous.

     

     


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  • Je retiens mon souffle. Nous allons enfin avoir des informations supplémentaires. Nous l'invitons vers un endroit calme, pour pouvoir discuter tranquillement. Elle a l'air déstabilisé, certainement peu habituée à venir ici. Elle est assise sur une chaise et je m'installe en face d'elle, contrairement à mon collègue qui préfère rester debout.

    -Alors, quelles sont tes informations ? Demandai-je calmement.
    -Je... je ne sais pas si cela pourra vous aider... Je ne suis pas très, très sûre. Dit-elle en baissant la tête.
    -Tout ce que tu nous diras pourra nous aider. Affirmai-je
    -Je... J'ai retrouvé des lettres... non, plutôt des photos... Elles étaient bien cachées. Nous informe-t-elle en commençant à fouiller dans son sac pour en extraire quelques photographies que je m'empresse de prendre dans mes mains pour les regarder. Dessus, il y a la première victime, et des traits rouge sang étaient dessinées autour de son cou. Je... je me souviens que pendant la journée avant qu'elle ne ... enfin voilà ... elle avait l'air perturbé. Continue-t-elle. Je ... pense qu'elle a dû les recevoir dans la journée. Surtout que ça n'arrêtait pas de sonner. Mais il n'y avait personne quand nous ouvrions la porte.
    -Elle a donc reçu des menaces avant la nuit de sa mort. Dis-je à moi-même. Jeffrey, essaie de savoir si la deuxième victime a, elle aussi, reçu ce genre de photo.
    -J'y cours. Me répond-t-il en s'éloignant pour aller à son bureau pour ensuite prendre possession de son téléphone.
    -Est-ce que tu sais autre chose ? Je ne sais pas... N'aurais-tu pas vu quelqu'un qui te paraissait étrange durant cette journée ? Questionnai-je.
    -Bah... Il y avait un homme, que j'ai vu de l'autre côté de la rue à chaque fois que ma mère ouvrait une enveloppe. Et aussi, il était là le lendemain, quand quelqu'un est venu pour nous dire que ma mère avait été tuée dans la nuit. Il avait l'air... bizarre. Surtout quand il souriait. On aurait dit qu'il était... satisfait.
    -Est-ce que tu te souviens à quoi ressemblait cet homme ?
    -A peu près oui. Il était blond, avec un mèche qui lui cachait les yeux. Il avait la peau légèrement métissée. Il devait faire environ 1m90 voir 1m95. Je ne sais pas trop... Et je crois qu'il avait une cicatrice sur une joue, ou plusieurs. Il était loin tout de même. Et je crois qu'il devait avoir à peu près ...la cinquantaine.
    -Merci Tessa.
    -J'espère que j'aurais pu vous aider.
    -Tes informations nous aident beaucoup. Grâce à toi, nous avons une description d'un suspect. Ton père sait que tu es venue ici ?
    -Non. Il est bien trop occupé pour savoir quoique ce soit de toute façon.
    -Par contre, je dois garder ces photos. De toute façon, je doute que vous vouliez les garder, toi et ton père.
    -Vous avez raison. Aussi, elle avait aussi reçu quelques lettres. Ajoute-t-elle me tenant une pochette contenant quelques lettres.
    -Merci. Tu peux rentrer chez toi. Nous avons déjà tes coordonnées, si nous avons besoin de toi, nous t'appellerons.
    -O..Ok. Au revoir.
    -Au revoir.

    Elle part pendant que je commence à lire ces lettres qui montrent bien les intentions de cet assassin. De plus, il raconte dans les détails ce qu'il a l'intention de lui faire subir. Cela m'étonne qu'elle n'ai pas immédiatement prévenu la police. Peut être qu'elle avait trop peur pour ça, ou peut être qu'elle pensait que c'était une blague de quelqu'un. Très mauvaise blague dans ce cas. Je me mets à réfléchir tout en m'enfonçant dans mon siège, les yeux rivés sur les lettres.
    Mon meilleur ami ne tarde pas à me rejoindre. Je le regarde, espérant qu'il approche avec lui des informations.

    -Alors ? Demandai-je.
    -Alors, effectivement, d'après sa colocataire, elle aurait bien reçu des photos et des lettres de menaces aussi. Elle nous apporte ça tout de suite.
    -Bien. Tessa m'a aussi fait une petite description d'un homme d'une cinquantaine d'années qu'il lui paraissait bizarre.
    -Un peu vieux pour commettre ce genre de meurtres. Remarque-t-il.
    -Il n'y a pas d'âge. Il doit être fort physiquement et cela doit lui suffire.
    -Tu devrais faire attention pour Tania. Me dit avec sérieux Jeffrey. Si elle commence à recevoir ce genre de truc, c'est mauvais signe pour elle.
    -Oui. Confirmai-je. Mais la connaissant, je doute qu'elle me dise quoique ce soit. Il va falloir que je me montre vigilant. Je vais retourner chez moi, pour surveiller les alentours.
    -Oui. Au fait, tu n'es pas très curieux mon gros. Ajoute-t-il pendant que je me lève et que je remet mon manteau. Pendant que tu finissais ta conversation avec cette adolescente, j'ai fait une petite recherche sur Tania. Ce qu'on y trouve est très... intéressant.
    -Je n'ai pas le temps de regarder. Lui répondai-je. Envoie moi le site par mail, j'irai voir plus tard.
    -Pas de problème. A plus tard peut être.
    -A plus tard.

    Et je me dépêche de sortir et de monter dans ma voiture. J'essaie d'arriver le plus vite possible chez moi, respectant tout de même les limitations de vitesses. En un peu plus de cinq minutes, je me gare devant ma maison et j'entre rapidement dedans. J'appelle le nom de Tania mais pas de réponse. Je vais dans la chambre d'ami et je découvre, éparpillées sur le lit, une dizaines de photographies et deux lettres. Je n'ose pas jeter de coup d'œil aux lettres, par contre, certaines images m'intriguent. Non seulement il y a des photos où je peux voir Tania dessus avec des traits rouges autour de son cou, mais aussi des images de deux corps, gisant dans leur sang. Je reconnais facilement la femme et l'homme que j'ai vu sur deux photos appartenant à Tania. Ses parents seraient-ils donc assassinés tous les deux ? Soudain, on sonne à la porte. Je me dépêche de descendre les escaliers, manquant de tomber plusieurs fois et j'ouvre brusquement la porte d'entrée. Personne. Mon regard se baisse et je vois une enveloppe à mes pieds, avec le nom de Tania écrit dessus. Je la prends, je referme la porte. J'ouvre l'enveloppe et je vois des photos, de plusieurs personnes baignant dans leur sang et un message est joint à ces images.

    « Tu te souviens Tania Garyl ? Bien sûr que tu te souviens. Comment tu pourrais oublier comment tu es seule maintenant ? Mais ne t'inquiète pas, bientôt, tu les rejoindras.
    Signé : Ton pire cauchemar. »

    Je me pose de plus en plus de questions. Qui sont tous ces gens ? Qui étaient-ils pour Tania ? Et pourquoi ce tueur s'acharne-t-il sur elle ? Il faut absolument que je la retrouve, et que je sache exactement ce qu'il lui est arrivé. Je me précipite à l'extérieur, prenant bien soin de fermer la porte derrière moi, et je me mets à courir dans les rues, cherchant désespérément la jeune femme. Je ne sais pas dans quel état je vais la trouver, mais, il n'est plus question d'être patient ou non. Les deux précédentes victimes sont mortes le soir même après qu'elle ait reçu les menaces de mort. Il est donc fort probable que l'assassin s'attaque à elle durant la nuit. Ce qui n'est guère réjouissant. Il faut absolument que j'empêche ce futur meurtre. Il ne faut pas qu'elle meure sans avoir vu qu'il y a toujours ne serait-ce qu'une lueur d'espoir dans la vie et qu'elle peut s'en sortir. Il faut qu'elle s'en rendre compte, il le faut.
    Je cours, je cours. Sans m'arrêter. Je la cherche, partout. Sans la trouver. Je commence à prendre peur. Mais où est-elle ? Je finis par sortir de la ville. J'arrive sur une colline. Au loin, j'aperçois une silhouette qui me paraît familière. Je soupire de soulagement, bien que je suis essoufflé. J'avance vers elle. Rapidement, je sais que c'est bien Tania qui se trouve là, que je l'ai enfin retrouvée.
    -Tania. Je dis dans un souffle une fois que je suis arrivé à sa hauteur.

    Elle sursaute. Et elle se lève précipitamment tout en essuyant ses joues et ses yeux. Elle pleurait, je n'ai aucun doute là-dessus. Une fois en face de moi, elle me jette un regard noir.

    -Que faites-vous ici ? Me demande-t-elle sur un ton froid.
    -Je vous cherchais.
    -Pourquoi ?
    -Une adolescente nous a appris beaucoup de chose. Et je me suis précipité chez moi pour m'assurer que vous n'aviez rien. Et en entrant dans la chambre, j'ai découvert que vous avez reçu des menaces. Les photos m'ont beaucoup intrigué. Tania, que vous est-il arrivé ?
    -En quoi ça vous regarde !
    -J'ai vu ces photos Tania, je les ai vu. J'ai vu vos parents baignant dans leur sang. Et plein de personnes qui étaient dans le même état ! C'était des proches à vous n'est-ce pas ? Que s'est-il passé ? Que vous est-il arrivé ? Pourquoi cet assassin s'acharne sur vous ?
    -Ce ne sont pas vos affaires !
    -Tania, toutes les victimes sont mortes le soir même où elles ont reçu les menaces. Cela indique donc que ce soir, vous allez être en danger. Mais je dois savoir. Je dois savoir ce qui vous est arrivé. Je veux juste vous aider Tania. Et vous sauver des griffes de ce meurtrier.
    -Je n'ai pas besoin d'aide !
    -Vous mentez Tania, vous mentez.
    -Je ne veux pas d'aide ! Surtout votre aide ! Personne ne peut m'aider ! Personne ! Vous comprenez ? Personne !!
    -Ne dites pas ça. Je suis certain que je pourrais vous aider. Seulement, il faut me dire ce qui vous est arrivé.
    -Je refuse !
    -S'il vous plait.
    -Non !
    -Pourquoi ? Vous voulez souffrir éternellement ? Ne jamais voir la lueur d'espoir qui est à l'autre bout du tunnel ? La main que je vous tends pour vous aider à vous en sortir ? Pourquoi Tania, pourquoi ?
    -Vous voulez savoir pourquoi ? Vous voulez vraiment savoir pourquoi ? Hurle-t-elle, agacée et aussi désespérée. Le jour de mes 6 ans, ma mère est morte, égorgée devant mes yeux ! En pleine nuit, j'avais soif et je me suis donc levée ! J'ai entendu du bruit et là, j'ai vu ce sale type tué ma mère ! J'ai hurlé comme une dingue ! Ca a réveillé mon père qui a poursuivit l'assassin ! Moi, j'avais les yeux rivés sur le corps de ma mère gisant dans son sang ! Quel beau cadeau d'anniversaire n'est-ce pas ? Quoi de plus traumatisant pour une gamine de 6 ans ! Dix ans plus tard, le jour de mes 16 ans, je revenais des cours et en entrant dans le salon j'ai vu mon père tombé au sol, égorgé, et le meurtrier le regardait, un sourire satisfait sur les lèvres ! J'ai crié, hurlé ! Il s'est approché de moi, m'a plaqué contre le mur tout en me tenant fermement par le cou ! Il m'a dit qu'il ne laissait jamais de témoin ! Jamais ! Sur le coup, j'ai bien cru qu'il allait me tuer ! Mais j'ai eu un bon réflexe, qu'il l'a bien senti passé ! Je suis ensuite partie en courant pour me réfugier chez l'un de mes amis ! Dix autres années ce sont passé depuis ce jour ! J'avais un travail, des amis, le peu de famille que j'avais était unie, un fiancé ! J'avais tout pour être heureuse ! Tout ! Sauf qu'au fil des jours, ils sont morts. Pas tous en même temps ! Quelques uns par semaine ! Et il prenait un malin plaisir d'envoyer des photos ! Ils les a tous tués tous ! Mon fiancé qui a été longtemps mon meilleur ami ! Ma meilleure amie toujours là quand il le fallait est morte ensuite ! Puis ma tante ! Ma cousine ! Son fils ! Et le dernier de mes proches qui est mort, mon frère jumeau ! Le seul qui pouvait vraiment me comprendre ! Ce satané assassin m'a tout pris ! Tout ! Absolument tout ! Je n'ai plus rien ! Strictement rien ! Vous vous souvenez quand vous m'aviez demandée pourquoi je n'étais pas auprès de mes proches et qu'ils devaient s'inquiéter pour moi ? Et bah vous l'avez votre réponse ! Parce qu'ils sont morts ! Ils sont tous morts ! Tous ! A partir de ce jour, j'ai tout vendu ! Tout ce que je possédais ! J'ai quitté mon travail et je suis partie ! Je savais qu'il me poursuivais ! Je savais qu'il voulait me tuer parce que je suis un témoin gênant pour lui ! Et d'ailleurs je peux le dire au présent ! Je sais qu'il me poursuit. Je sais qu'il veut me tuer parce que je suis un témoin gênant pour lui ! Je suis seule maintenant ! Je n'ai plus personne sur qui compter ! Et maintenant, je me dis à quoi bon s'il me tue ! Il va me rendre un sacré service ! Vu que je ne suis pas capable de mettre fin à mes jours moi-même ! Je suis seule ! Seule ! Seule ! SEULE !

    Sa voix s'était brisée à la fin de son long monologue. Et pendant son discours, les larmes ont commencé –ou plutôt recommencé- à couler sur ses joues.
    Elle tombe à genoux sur le sol et elle laisse libre court à son chagrin, à son désespoir. Mon cœur se fend en deux, tellement qu'une telle tristesse me touche. Je ne m'attendais pas à ce qui lui était arrivé soit aussi terrible. Je me mis à mon tour à genoux sur le sol et je la prends dans mes bras. Elle semble surprise, mais néanmoins réticente. Mais je ne m'éloigne pas. Mes bras l'entoure toujours.

    -Tu n'es plus seule Tania, lui murmurai-je calmement, en me mettant à la tutoyer. Parce que je suis là pour t'aider. Pour t'aider à remonter la pente et à sourire à nouveau à la vie. Pour t'aider à toujours garder espoir. Je ne te laisserai pas t'enfoncer encore plus dans le gouffre. Tu mérites d'être heureuse Tania, tu le mérites. Et de là où ils sont, je sais que tous ceux qui ont été contraints de te laisser n'auraient jamais voulu te voir dans cet état. Il voudrait que tu arrives à te relever et à être heureuse à nouveau. Ce sera dur certes, je l'admets. Mais je serai là pour t'aider. Tu peux compter sur moi Tania, tu pourras toujours compter sur moi.
    -Arezki. Me souffle-t-elle soudain, entre deux sanglots, sa tête posée contre mon torse.
    -Pardon ?
    -Arezki. Le meurtrier. Il s'appelle Arezki.
    -Arezki... Répètai-je songeur. Connais-tu son nom de famille ?
    -Non. Juste son prénom. Me répond-t-elle en se calmant même si les larmes continuent de couler sur ses joues. Et je sais aussi à quoi il ressemble, bien sûr.
    -Oui. Mais quelque chose m'intrigue... Tu n'as jamais dit à personne tout ce que tu savais sur l'assassin de tes proches au moment des enquêtes ?
    -Bien sûr que si ! Me crie-t-elle. Mais ils ont dit que j'étais encore sous le choc et que je disais n'importe quoi ! Tout ça à cause du prénom !
    -Quelle bande d'incapables ! Je sais que le prénom Arezki est rare, très rare même, mais quand même ! Ce n'est pas une raison ! Mais ne t'inquiète pas Tania, repris-je d'une voix plus calme, moi je te crois et je ferai tout mon possible pour qu'il ait ce qu'il mérite.
    -M...Merci.

    Nous restons assis sur le sol, Tania pleurant dans mes bras, pendant encore un moment. Je ne sais pas combien de temps, mais je ne montre aucun signe d'impatience. Le temps passe, et plus aucune larme n'inonde son visage. Je me relève et je l'aide à en faire de même. Nous montons ensuite dans sa voiture et je l'amène sur mon lieu de travail. En voyant le bâtiment au loin, elle me regarde. Elle paraît intriguée.

    -C'est là où tu travailles non ?
    -Oui.
    -Pourquoi tu m'emmènes là-bas ?
    -Parce que je dois prendre ta déposition. Mais ne t'inquiète pas, nous n'y resterons pas longtemps. J'ai conscience que tu as besoin de calme.

    Elle ne me répond rien. Un silence règne dans la voiture. Je n'ose pas le briser, de toute façon, je n'ai rien à dire pour le moment. Mais quelque chose devrait, peut-être, me surprendre, bien que ce ne soit pas le cas. Elle n'a pas riposté quand elle a su où je me dirigeais. Peut-être parce qu'elle est fatiguée de se battre tout le temps, qu'elle n'en a plus la force. Peut-être veut-elle laisser couler les choses et attendre de voir ce que va lui réserver la suite. Peut-être. Je ne peux que supposer, je ne suis pas dans sa tête.
    Je me gare devant le bâtiment et j'aide Tania à sortir du véhicule. Je l'entraîne à l'intérieur et je lui propose de s'installer sur un siège en face de mon bureau, chose qu'elle fait sans protester, sans rien dire. Jeffrey est au téléphone mais je peux lire dans ses yeux qu'il est entrain de se demander si la jeune femme est bien Tania, la prochaine victime. J'acquiesce d'un signe de tête et il se re-concentre sur sa conversation. Je me mets à écrire tout ce que m'a raconté Tania dans le dossier et sur l'ordinateur. Puis mon attention se tourne à nouveau vers elle pour lui demander :

    -Peux-tu me faire une description la plus précise possible de ce Arezki ?
    -Il est grand, 1m90 environ. Il est blond avec des yeux marrons. Il a un visage allongé et au dernière nouvelle il a un pierçing sur la lèvre inférieur. Oui, je sais, c'est étonnant pour son âge. Il a un tatouage au niveau de l'épaule gauche. Il a aussi une cicatrice sur la joue droite et une autre sur son nez, plus petite que l'autre. Il a la peau métissée. Il doit avoir la cinquantaine aujourd'hui, je crois. Je... Je ne sais pas quoi dire d'autre. Dans ma tête son image est clair. Mais tout ressortir avec des mots ...
    -Ce n'est pas grave. Affirmai-je. C'est déjà très bien. Beaucoup plus précise que la première description.
    -Tant ... mieux.

    Je recopie la description de Tania dans le dossier. Je ne sais pas quoi ajouter. Quand je jette un coup d'œil vers elle, cette dernière semble perdue dans ses pensées. Je n'ose pas lui parler, ce qui provoquerait son retour à la réalité. Je préfère qu'elle reste encore un peu dans son monde avant de devoir revenir à la dure réalité.

    -Noah, c'est donc elle Tania je présume ? Me demande soudain Jeffrey, un large sourire aux lèvres.

    Je sursaute, surpris qu'il est déjà terminé sa conversation téléphonique et Tania a la même réaction que moi. Je soupire à cette constatation et je jette un regard noir en direction de mon collègue. Il hausse un sourcil, intrigué.

    -Quoi ? Pourquoi tu me regardes comme ça ? J'ai dis quelque chose qu'il ne fallait pas ? Me lance-t-il ne comprenant visiblement pas.

    Je me lève et entraîne mon meilleur ami plus loin, après avoir promis à Tania que je n'en avais pas pour longtemps. Une fois isolé dans les toilettes pour homme, Jeffrey ne manque pas de vouloir faire de l'humour, bien que ce ne soit pas vraiment le moment.

    -Parler dans les toilettes qui puent... Charmant... Tu n'aurais pas pire ? C'est ton truc en ce moment les toilettes.
    -Ce n'est pas vraiment le moment de débattre sur l'odeur tu sais, répliquai-je, sachant bien de quoi il veut parler. Et si tu parles de la semaine dernière, sache que les toilettes sont les seuls endroits où on peut parler tranquille sans être écouté.
    -Je veux bien te croire. Sinon, pourquoi m'as-tu jeté un regard noir ? Je n'ai rien dit de mal pourtant !
    -Pour répondre à ta question de tout à l'heure oui c'est bien Tania. Mais au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, elle ne va pas bien du tout et elle était perdue dans ses pensées, donc dans son monde. Et toi, tu l'as ramenée à la réalité !
    -Ouais... Et ?
    -Et dans son cas, quitter la réalité ne serait-ce quelques minutes ne lui fait pas de mal. Bien au contraire !
    -C'est juste pour ça ! C'est pas bien grave ! S'exclame-t-il en haussant les épaules.

    Je soupire en levant les yeux au ciel. Mon collègue n'est pas croyable ! C'est à se demander s'il est vraiment père de deux enfants. J'espère pour eux d'ailleurs qu'ils hériteront du caractère de leur mère. Je croise les bras et respire un grand coup pour garder mon calme. Ca ne servirait à rien que je m'énerve et puis, j'ai promis à Tania que je ne mettrai pas longtemps à revenir.

    -Laisse tomber, tu ne comprends rien. Je soupire en sortant des toilettes.

    J'ai beau me dépêcher, il me rattrape rapidement. Je soupire mais j'accepte tout de même de l'écouter, juste pour bien lui montrer que je suis bien plus mature que lui, que dans ma tête, j'ai bien 30ans.

    -Quoi ?
    -Excuses moi. Me dit-il. Ne t'inquiète pas, j'ai compris ton regard noir de tout à l'heure.
    -Alors pourquoi ces réflexions ?
    -Pour te détendre ! T'es complètement sur les nerfs depuis le début de l'enquête ! Surtout depuis que tu as rencontré Tania d'ailleurs.

    J'hausse un sourcil, intrigué par ses propos. Qu'est-ce qu'il entend quand il dit que je suis sur les nerfs depuis le début de l'enquête et plus particulièrement depuis que j'ai rencontré Tania ? Je me posais beaucoup de questions sur cette femme et sur le mystère qui l'entourait. Peut être qu'il me trouvait « sur les nerfs » parce qu'à chaque fois qu'il me parlait, il me dérangeait dans mes réflexions ? Peut être. A vrai dire, je n'en ai aucune idée. Je lui fais part de mon hypothèse auquel il répond par un « sans doute ». Je le laisse et je me dépêche de rejoindre Tania que j'ai laissé seule à mon bureau. J'arrive vers elle, et cette dernière à l'air perdue dans ses pensées. Je la sors doucement de son monde, à regret, pour lui dire que je la ramène chez moi. Elle ne me répond rien et se lève. Nous montons dans la voiture et je conduis jusqu'à ma maison. Un silence total règne dans la voiture. Je suis concentré sur la route et Tania regarde le paysage par la fenêtre, pensive.

    -Tu ne pourras rien faire. Murmure-t-elle à un moment.
    -Pardon ? M'exclamai-je.
    -Tu ne pourras rien faire. Il m'aura. Il a toujours sa cible.
    -Ne dis pas ça, je te protégerai et il ne mettra pas la main sur toi.
    -Tu veux, mais tu n'y arriveras pas. Il est malin. Il a toujours ce qu'il veut. Continue-t-elle à murmurer.

    Je jette un coup d'œil vers elle, inquiet. Pense-t-elle donc à ça depuis un moment ? Pense-t-elle que sa fin est proche ? Qu'il aura sa peau ? Non ! Elle se trompe. Parce que j'empêcherai ce Arezki de lui faire du mal !

     Je m'en fais le serment.

     


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  • Nous sommes maintenant en fin d'après-midi. Depuis que nous sommes rentrés, un lourd silence règne dans la maison, Tania ne cessant de répéter que je ne pourrai rien faire pour empêcher Arezki de l'attraper et de la tuer. Moi je suis convaincu du contraire, je ne quitte pas des yeux la jeune femme, même quand je travaille sur mon ordinateur portable. Quand elle monte dans sa chambre, je la suis et je m'installe sur le fauteuil qui est dans la pièce. Elle ne dit rien. Tout me révéler a dû lui remettre tant de souvenirs dans sa tête. Des souvenirs qu'elle ne peut oublier. Et ça lui a fait aussi réaliser qu'Arezki est à ses trousses, qu'il veut sa peau, parce qu'elle est un témoin gênant pour lui. Ce qui a pour résultat d'avoir briser sa carapace ; elle laisse couler le temps comme coule l'eau dans un ruisseau. Son visage, autrefois froid et sans expression, montre maintenant tout le chagrin qu'elle subit. Elle laisse paraître son désespoir, elle ne cache plus ce qu'elle ressent. Ca me fait mal de la voir comme ça, mais je me suis promis et je lui ai promis de l'aider. Je ne laisserai pas faire ce sale type. Je ne le laisserai pas la tuer ce soir. Oui, parce que c'est ce soir qu'il est censé attaquer. Qu'il est censé priver le corps de Tania de la vie. Plus le temps passe, plus la peur et l'inquiétude montent en moi. Ce qui est normal après tout, parce que s'il arrivait quelque chose à Tania, jamais je ne pourrai me le pardonner. Parce que j'aurai été incapable de la sauver, de la protéger.
    Mes yeux verts quittent l'écran de l'ordinateur portable posé sur mes cuisses pour se poser sur la jeune femme, allongée sur le lit. Ses yeux bleus fixent le plafond sans vraiment le regarder, pensai-je. Je vois ses lèvres bouger. Sans doute qu'elle répète encore et encore que tout va se terminer ce soir.

    -Ne t'inquiète pas Tania, lui dis-je soudain, il ne te fera aucun mal. Je ne le laisserai pas faire.
    -Il a toujours ce qu'il veut. M'affirme-t-elle, pour la énième fois, ce qui me fait aussitôt soupirer. Il m'aura. Et tu ne pourras rien faire. Je le connais. Il m'aura.

    Je préfère ne rien répondre, elle me répètera encore la même chose, comme elle le fait si bien depuis le début de l'après-midi. J'hausse les épaules et je me re-concentre à nouveau sur ce que j'étais entrain de faire.
    Mais soudain, un bruit suspect me fait sursauter. Je ferme l'ordinateur et je le pose doucement sur le sol. Je me lève et je me dirige vers la porte.

    -Ne bouge pas d'ici. Cache toi si nécessaire. Conseillai-je à Tania.
    -Ok. Se contente-t-elle de répondre, sans bouger d'un millimètre.

    Je sors de la chambre et je ferme soigneusement la porte derrière moi. Je descends prudemment les marches de l'escaliers, sur mes gardes. Je scrute chaque recoin des environs. Je sais où est mon arme de service mais je ne voudrais pas me faire surprendre avant de l'avoir récupérée. J'essaie de faire le moins de bruit possible, pour ne pas passer à côté d'un son qui pourrait m'indiquer où se trouve l'intrus. Parce que je suis sûr qu'il y a quelqu'un ici, en plus de Tania et moi. J'en suis persuadé. Mon instinct ne se trompe jamais sur ce sujet là. Pourtant, ce fameux instinct ne me dira pas que cette personne serait derrière moi, quand j'entrerai dans le salon. Ce fameux instinct ne me dira pas non plus qu'il m'assommera sans que je puisse me rendre compte de quoique ce soit. En fait, je me suis, pendant un moment, trouvé dans l'incapacité de faire le moindre geste. J'étais étalé de tout mon long sur le sol. Mes paupières étaient lourdes et menaçaient ne se fermer. J'eus juste le temps d'entendre un cri de terreur avant de perdre connaissance.
    Je me réveille enfin. La première chose que je perçois est une forte douleur à l'arrière du crâne. Je me redresse difficilement, pour m'asseoir sur le sol dans un gémissement de douleur. Toujours en me massant la tête, je constate rapidement qu'il fait nuit. Ce qui veut dire que je suis resté pendant un moment inconscient. Soudain, je réalise. Je me dépêche de me lever. Evitant de trébucher, je monte à toute vitesse les escaliers en hurlant le nom de Tania dans tous les sens. Je déboule dans la chambre où elle était avant que quelqu'un ne m'assomme.
    Malheureusement....

     Elle n'était plus là.

    *
    *   *

     
    Je commence à émerger. Ma vision est encore floue mais j'arrive à deviner que je suis sur la banquette arrière d'une voiture. Je vois un homme doté d'une tignasse blonde qui est au volant. Je remarque que mes mains sont liées derrière mon dos. Des images me reviennent en mémoire. Je revois Noah sortir de la chambre pour voir la cause d'un bruit bizarre. Moi, je ne faisais pas attention, trop occupée à me morfondre sur le lit. Mais j'ai ensuite entendu un autre bruit, comme quand quelqu'un tombe lourdement sur le sol et j'ai rapidement compris. J'ai essayé de trouver un endroit où me cacher mais il est entré. Lui, mon passé, mon enfer. Ma première réaction était de crier de toute mes forces. Il m'a donné un grand coup au niveau du visage, si bien que je suis tombée au sol, ma tête ne manquant pas de se cogner violemment contre le lit, m'assommant.
    Et maintenant, je réalise qui est au volant. J'essaie de faire un geste, un quelconque geste, mais je gémis juste en bougeant légèrement ma tête.

    -Tu reprends enfin conscience Tania Garyl. Dit-il.

    Je frisonne de terreur. Je suis complètement à sa merci maintenant. Et il le sait parfaitement. Même si je ne peux voir son visage, je peux facilement deviner qu'il sourit satisfait. Cela doit bien faire un an qu'il me suit, qu'il me pourchasse pour m'avoir et pour me tuer. Il est dans son intérêt que je disparaisse. Je suis un témoin et il ne doit pas en laisser. Mais ce qu'il ne sait pas, c'est que j'ai tout raconté à Noah. Soudain, j'ai peur. Et s'il savait ? S'il le prévoyait de s'en prendre à lui par la suite ? Voilà qu'à cause de moi, un autre innocent allait perdre la vie. Par ma faute. De toute façon, qu'est-ce que ça peut me faire ? Je serai morte de toute façon.
    J'essaie de reconnaître le paysage par la fenêtre de la voiture, mais la douleur est trop insupportable pour que je tienne la même position. Il m'est impossible de savoir où je suis. J'essaie désespérément de libérer mes mains, mais à croire qu'il a pensé à tout ce sale type.

    -Arrête de te fatiguer pour rien Tania Garyl. Je savais bien que tu allais essayer de te détacher. J'ai donc bien pris mon temps pour te ligoter les mains. L'autre flic étant inconscient et toi aussi, j'avais donc tout mon temps devant moi. Je ne suis pas pressé pour te tuer tu sais. D'ailleurs, juste pour que tu aies un petit avant goût de ce qui t'attends, sache que je te réserve une mort lente et douloureuse. Comme je les aime.

    Je déglutis. Voilà ce qui m'attend. Moi qui voulait une mort rapide et sans aucune douleur, je crois bien que je peux y renoncer. Il m'aura fait souffrir jusqu'au bout, jusqu'à mon dernier souffle. Je laisse tomber ma tête sur le siège et je ferme les yeux, en espérant que le temps passe plus vite ainsi. Mais, au contraire, tout est plus lent, plus insupportable. Une larme coule sur ma joue. Je réalise, que jamais je n'aurai été pleinement heureuse dans ma vie. Il a toujours été là, pour me pourrir l'existence dès qu'un soupçon de bonheur frappait à ma porte. Toujours. Et c'est lui qui va m'abattre ce soir, cette nuit. La voiture s'arrête. Il sort du véhicule et il ouvre la portière la plus proche de ma tête. J'essaie de m'asseoir mais je me retrouve rapidement sur le sol froid et humide. Il prend mon bras gauche et me force à me lever. Je grimace de douleur et je suis prise d'un vertige. Mais je n'ai pas le temps de me remettre de mes émotions qu'il me pousse pour que j'avance. Je regarde tout autour de moi et je sais que nous sommes toujours dans la même ville. Nous nous enfonçons dans une ruelle sombre, froide et humide. Les poubelles sont par terre, leur contenu étalé sur le sol. Plusieurs sacs remplient de détritus traînent partout. Quel lieu charmant pour mourir. Même pas le droit à une jolie prairie. Quel dommage. Sans que je m'en rendre vraiment compte, il m'ordonne de m'arrêter. Il a trouvé l'endroit idéal –selon lui- pour me tuer. Il me tourne pour que je lui fasse face. Il est exactement comme dans mon souvenir, avec des rides en plus. Sachant que mon heure est venue, je n'hésite pas de me moquer de lui. De toute façon, je souffre et je vais souffrir. Alors un peu plus, ou un moins, qu'est-ce que ça change ?

    -Dis moi, tu n'es pas trop vieux pour ça ? lui dis-je, essayant d'adopter un sourire moqueur.
    -L'âge ne compte pas, Tania Garyl. Ma volonté et mes envies suffisent à compenser.

    Bizarrement, sa réponse ne m'étonne guère. Mais je ne trouve rien à redire. Un sourire malsain apparaît sur ses lèvres et il me frappe violemment au visage. Perdant l'équilibre, je tombe lourdement sur le sol. J'essaie, tant bien que mal, de ne pas montrer la douleur que ce coup m'a fait ressentir. Je ne veux pas lui donner ce plaisir. Il continue de me frapper, de toutes ses forces. Je me mords la lèvre inférieure pour ne pas crier, ni gémir. J'ai l'impression que des heures se sont écoulées, alors que ce ne sont que des malheureuses minutes. Je prie pour qu'il arrête, pour qu'il me laisse tranquille. Il me fait mal, je souffre, mais je ne peux pas me défendre. Et puis, les coups cessent à mon grand soulagement. Je le vois sortir un couteau et il s'agenouille près de moi. Son sourire ne me dit rien qui vaille. Il approche la lame de l'objet vers mon front et il fait une profonde entaille. Je ne peux pas m'empêcher de crier. Puis il plante son satané truc dans mon bras droit avec une violence sans nom puis il s'attaque à ma main gauche. Il ne m'avait pas menti tout à l'heure, quand il m'a dit que j'allais souffrir. Le pire, c'est qu'il ne me dit rien. Il prend juste plaisir à me faire subir cette souffrance. Il se lève à nouveau et recommence à me frapper. Je n'ai plus aucune notion du temps, j'attends juste que cela se passe. Mes cris retentissent dans la ruelle, sans que personne ne vienne à mon secours. Je ne sais pas quelle heure il est, mais les gens sont chez eux, bien au chaud. Et de toute façon, nous devons être bien trop loin des quartiers résidentiels pour que quelqu'un m'entende. Je vais donc mourir seule, et les rats se feront sans doute une joie de dévorer mon cadavre. Sympathique comme perspective.
    Mon visage en sang, mes membres endoloris, je le vois sortir une arme de sa poche. Ca y est, c'est la fin. Il va enfin mettre fin à mes souffrances.

    -Une dernière volonté ? Me lance-t-il avec un ton moqueur.
    -Va pourrir en enfer. Criai-je en crachant du sang.
    -Si c'est tout ce que tu veux, je te dis adieu Tania Garyl. Te pourchasser et assister à ton enfer quotidien me manquera ... Ou pas. Mais ne t'inquiète pas, je penserai à toi quand je tuerai mes prochaines victimes.

    Il tend son arme vers moi et je baisse la tête en essayant de penser à quelqu'un d'autre que lui. Je ne veux pas qu'il soit la dernière personne que j'ai vu avant de mourir. Je pense à ma mère, à mon père, à mon frère. D'un coup j'ai envie de les rejoindre. Mais le coup ne vient pas, il tarde. Soudain, j'entends des pas précipités, un bruit de chute et un cri de rage. J'ouvre les yeux et le spectacle me surprend. Il est là. Il est venu me sauver. Comment est-ce possible ? Comment a-t-il fait pour me retrouver ?
     

    *
     *    * 
     

    Je n'ai pas réfléchi. Dès que j'ai vu qu'il s'apprêtait à la tuer, j'ai foncé et je me suis jeté sur lui. Il a laissé échapper un cri de rage, frustré d'être dérangé. Puis, nous nous battons. Tout se passe très vite. J'arrive à le désarmer facilement. Son arme est à quelques mètres plus loin. Il ne peut pas aller la récupérer sans ne plus prêter attention à moi. Techniquement, j'ai l'avantage, ayant mon arme sur moi. Sauf que je me retrouve sur le dos, lui au-dessus de moi, ses deux mains exerçant une forte pression contre mon cou. J'essaie de sortir mon pistolet mais il l'enlève de ma poche et l'envoie à quelques mètres plus loin, comme je l'ai fait peu de temps avant. Malgré sa cinquantaine, il est fort, très fort et j'essaie en vain de me débattre. Mais il a, malheureusement, le dessus et je dois admettre que je suis en mauvaise posture. Je commence à manquer d'air. J'essaie tout de même de respirer, mais c'est très difficile. Je ne cesse de bouger, d'essayer de le faire tomber, mais je n'y arrive pas.
    Alors, j'essaie de me remémorer comment j'ai pu me trouver ici. Dès que j'ai vu que Tania avait disparu, enlevé par ce fou, je me suis précipité à l'extérieur. J'ai remarqué que sa voiture n'était plus là. J'ai pris la mienne et j'ai démarré à toute vitesse. Je me doutais qu'il n'allait pas la tuer dans un lieu où quelqu'un pourrait les entendre. Alors je me suis dirigé vers la zone industrielle. J'ai arpenté chaque rue et ruelle, chaque coin et recoin. J'essayais de ne pas paniquer et de rester un minimum calme. Puis à un moment, j'ai entendu des cris atroces de douleurs. Je n'ai pas cherché à comprendre. Je suis sorti du véhicule et j'ai couru à l'intérieur de la ruelle. J'ai couru sans m'arrêter. Jusqu'à que je les vois, Tania au sol se tordant tellement elle souffrait et Arezki qui pointait son arme vers elle en lui demandant ses dernières volontés. Je me suis jeté sur lui, l'empêchant ainsi de tuer Tania.
    Mais maintenant, c'est moi qui risque de mourir. Je n'arrive plus à respirer. L'air me manque. Il appuie encore plus fort sur mon cou. Je continue pourtant à me débattre. Mais ma vision commence à être floue. Mais je ne me laisse pas impressionné et je continue d'essayer de me défendre. Mais soudain, le bruit d'un coup de feu retentit dans la nuit silencieuse. Et tout se passe comme au ralenti. La pression sur mon cou est de plus en plus faible. Je suffoque, et je respire à nouveau. Arezki tombe doucement vers moi. Je pousse le corps inerte pour me libérer. Un simple coup d'œil vers lui permet de savoir qu'il est mort sur le coup. La balle lui a été fatale. Ce qui n'est pas plus mal d'ailleurs. Puis mon regard se dirige vers la seule personne debout. Personne que je reconnais facilement d'ailleurs.
    Tania se tient devant moi, tenant fermement mon arme entre ses mains. Elle a l'air sous le choc, sans doute surprise par son propre geste. Elle a sans doute réussi à délier ses mains, à prendre le premier truc qui lui ai tombé sous la main -en l'occurrence, mon arme- et elle a tiré sur Arezki. Ce geste s'est sans doute fait machinalement, dans le but de me défendre, de me sauver.
    Maintenant, elle ne bouge pas. Sans doute qu'elle ne réalise pas encore qu'il est mort, alors qu'elle est en vie. Je me lève et je m'approche doucement vers elle. Je lui enlève avec une grande lenteur l'arme des mains. Elle ne bronche pas. Elle se laisse faire. Je laisse tomber le pistolet sur le sol et elle tombe dans mes bras. Et ... elle pleure. La pression, la peur retombent.
    Tout est fini.
    Elle vient de le réaliser.
    Tout est fini.
    Il est mort, il ne fera plus de mal à personne. Et elle, elle est enfin libérée de son emprise. Enfin.
    Elle va avoir besoin d'aide maintenant, je le sais. Elle va devoir se relever, tout recommencer à zéro. Ce sera dur, surtout après cette nuit. Mais elle va y arriver. Je vais l'aider. Je serai là pour elle. Je ne la laisserai pas tomber.

    Mais peut-être que pour elle, tout recommencer sera plus facile maintenant qu'Arezki est mort. Elle n'aura plus besoin de se déplacer de ville en ville pour fuir, pour l'éviter, pour survivre.

     En cette nuit sombre et riche en événements, une page se tourne et une autre commence, en étant complètement différente à la précédente.

     
     

     


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  • Le temps a passé depuis ce soir-là. La vie suit son cour et la population de cette ville (dont je n'arrive jamais à me souvenir du nom) est plus rassurée depuis la mort de l'assassin des deux femmes. Tant mieux pour eux.
    Quant à moi, je ne suis pas partie d'ici. J'ai d'ailleurs décidé de vivre dans cette ville. Elle me plait bien après tout. Et puis, plus rien ne m'attend là où je vivais avant.
    Après ce soir-là, Noah a réussi à me convaincre de consulter un psychologue. Il voulait m'aider, mais il savait qu'il n'y arriverait pas tout seul. Et je vis toujours chez lui et l'ambiance est bien meilleure par rapport à la première fois où j'ai mis les pieds dans cette maison. Je m'entends bien avec Noah, c'est un homme bien sympathique... du moins quand il se mêle de ce qu'il le regarde. Même s'il sait tout sur mon passé plus que douloureux, il pose encore des questions pour en savoir plus. Il y a des fois où j'y répond et des fois où je l'envoie balader en lui disant de s'occuper de ses affaires. Tout dépend de mon humeur. Et ça, il commence enfin à le comprendre. Ce n'est pas trop tôt d'ailleurs.
    N'empêche, quand j'y repense, il m'a tout de même fallu quelques jours pour me remettre de cette soirée. Tuer un homme, ce n'est pas rien. Et ça a longtemps été le sujet des séances avec mon psy.
    Mais ce geste, était en quelque sorte symbolique. Arezki représentait pour moi mon passé. Oui, il était mon passé. Pendant tout ce temps, la peur qu'il me tue faisait partie de moi. Aussi, il était la cause de mon chagrin, de ma douleur, de ma souffrance, de mon enfer. Lui tirer dessus, le tuer, c'est comme si je mettais un terme à mon passé. Comme si je tuais mon passé en fait. C'est comme si je déchirais les pages concernées et que je les jetais à la poubelle. Que je m'en débarrassais pour pouvoir tout recommencer à zéro. Et c'est ce que j'ai fait d'ailleurs. Petit à petit, j'avance et j'oublie. Petit à petit, j'avance et je me reconstruis. Je m'accorde une nouvelle chance d'être heureuse. Je ne peux pas passer mon temps à me morfondre. Je le sais et la mort d'Arezki a été l'élément déclencheur pour me le faire réaliser. Il aura au moins fait quelque chose de bien dans sa vie. Tant qu'il me pourchassais, je ne pouvais me permettre d'essayer de ressentir du bonheur. Alors je me laissais m'enfoncer dans un gouffre duquel je n'étais pas sûre de pouvoir ressortir un jour. Mais maintenant, il n'est plus là et Noah m'a beaucoup aidée à me relever. Il a été très présent et je lui serai éternellement reconnaissante pour son aide. Sans lui, je serai peut-être encore sur les routes à fuir mon passé. Ou bien, je serai morte.
    Reste une énigme qui restera à jamais sans réponse. Pourquoi Arezki a-t-il attendu outes ces années pour me traquer sans relâche de ville en ville ? Pourquoi ne pas m'avoir tué lorsque je n'étais qu'une adolescente vulnérable ? Son côté sadique peut-être. Quoi qu'il en soit, il a emporté son secret dans la tombe.

    Deux ans sont passés. Je vois toujours mon psy, bien que celui-ci pense que je n'aurai bientôt plus besoin de venir le voir. D'après lui, je vais mieux, beaucoup mieux même qu'il y a deux ans. Et je suis d'accord avec lui. J'ai trouvé un travail aussi. J'écris de petites histoires dans un journal pour enfants. Mon patron est plutôt satisfait de ce que je produis. Les ventes de son journal ont augmenté donc le fait qu'il soit content ne m'étonne guère. Je passe néanmoins beaucoup de temps sur ces mini-histoires et quand je rentre chez moi le soir, je ne veux plus voir tout ce qui ressemble de près ou de loin à un ordinateur. Je vis toujours chez Noah d'ailleurs. Je n'ai jamais eu le courage de trouver ma propre maison et cela ne le dérangeait pas du tout que je vive avec lui. Enfin, ça, c'était au début. Maintenant, ce n'est pas une question de courage mais d'envie. Au fil du temps, des sentiments sont nés et cela fait maintenant quelques mois que Noah et moi sommes ensembles. Pour le moment, ça se passe bien et je me sens vraiment bien avec lui. Je n'ai aucune idée si cela va durer ou non. J'espère que ça va marcher entre nous deux mais ça, seul le temps nous le dira. Heureuse ? Oui, je peux enfin employer ce mot pour décrire ce que je ressens. Ma nouvelle vie calme et sans histoire me convient parfaitement.
    Une fois, avec Noah, nous avons pris des vacances et je l'ai emmené là où je vivais avant que tous mes proches ne meurent. J'en ai profité pour me rendre sur leurs tombes. Ils me manquent tellement. J'aimerai tellement qu'ils soient là, avec moi, pour constater que j'ai réussi à m'en sortir. Que j'ai réussi à reprendre goût à la vie. Que j'ai réussi à être heureuse à nouveau. Mais je pense que de là où ils sont, ils sont fiers de moi, des efforts que j'ai dû faire pour que cela soit possible. Je pense surtout à mon frère d'ailleurs. Je crois qu'il aurait bien aimé Noah. De toute façon, tant qu'il ne me fait pas souffrir, il l'aimerait bien.
    Si je pouvais leur dire une dernière chose, je leur dirai que je les aime, et qu'ils me manquent terriblement. Même si maintenant j'ai une nouvelle vie, de nouveaux amis, eux sont les seuls personnes que j'aimerai revoir de mon passé.
    En parlant de nouveaux amis, je m'entends très bien avec le collègue de Noah, Jeffrey, malgré son caractère assez spécial on va dire. J'apprécie aussi sa femme et ses enfants. Je n'ai eu aucun mal à m'intégrer auprès d'eux. Ils savent ce que j'ai enduré et ils sont très gentils avec moi.

     Mais toute cette histoire m'aura appris au moins une chose.

    C'est qu'il ne faut jamais perdre espoir. Il y a toujours quelqu'un qui est là, quelque part pour nous tendre une main bienveillante et nous aider à remonter la pente.

     

    FIN.
      
      
      

     


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