• -Cours Abi ! Cours ! Sauve ta peau ! Hurlai-je alors que je m'accroche désespérément au bord du gouffre qui m'aspirait vers le fond.
    -Mais... Et toi ? Me répond-t-elle d'une voix suppliante, les larmes coulant sur ses joues abîmées par quelques écorchures.
    -Ne t'en fais pas pour moi ! Cours !

    Elle finit par s'exécuter. Je la vois courir droit devant elle et loin de la personne qui menace sa vie... et la mienne par la même occasion.
    Soudain, mes mains lâchent le bord et je tombe dans le gigantesque fossé. Je ne crie pas de peur, déjà parce que je ne ressens aucune crainte mais aussi parce que je ne voudrais pas lui donner ce plaisir. Je ferme les yeux pour ne pas voir le visage de mon assassin et un flot de souvenirs s'empare de ma mémoire.
    Je m'appelle Kellian Geilia et voici mon histoire...
     
     

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  • Deux ans plus tôt.

    Mes yeux s'ouvrent doucement après une bonne nuit de sommeil, pour que je puisse commencer une nouvelle journée longue et ennuyeuse. Je soupire en reconnaissant le plafond blanc de ma chambre et le papier peint océan sur les murs. Je n'ai pas envie de sortir de mes draps chauds et confortables. Pourtant, je sais que ma mère ne me laissera pas paresser toute la matinée, surtout s'il fait beau. Je m'extirpe à regret des couvertures couleur azur de mon lit simple pour ensuite me lever. Je me dirige vers l'unique fenêtre de ma minuscule chambre de 8m² pour tirer les rideaux et laisser la lumière blanche de l'Etoile éclairer la pièce. Cette soudaine luminosité m'a tout d'abord aveuglé. Puis, mes yeux s'y habituent et je peux contempler le paysage de Nakla, une petite ville d'une centaine d'habitants. L'eau de la rivière qui passe à une dizaine de mètres de ma maison scintillait grâce aux rayons de l'Etoile, l'herbe était plus belle que jamais, ainsi que les nombreux arbres et il n'y avait pas une habitation en vue. J'ai la chance que ma chambre donne sur le côté naturel du paysage et non sur le côté rue, et donc, chaque matin, je profite de cette beauté. Je vois ensuite mon miroir où je me dirige ensuite. En contemplant mon reflet, je ne peux que soupirer. J'ai des cheveux dorés souvent en bataille comme je prends rarement le temps de les coiffer, des yeux verts brillants qui n'expriment que lassitude, une marque légèrement bleutée qui relie mon œil gauche à mon menton en faisant des boucles qui est visible grâce à ma peau pâle. Je ne suis pas musclé pour un sou, contrairement aux autres adolescents de mon âge. Je ne suis qu'un garçon banal, inintéressant, ayant seulement les caractéristiques d'un meiklanien. Quand je me regarde dans ce miroir je pense toujours à la même chose avec une joie ironique. Je m'appelle Kellian, j'ai 15ans, j'ai une bouille -soi-disant adorable- de gamin et les seules personnes sur Meikla qui me parlent sont ma mère, Dalina et ma tante, Bialana !
    Je finis par sortir de ma chambre en traînant les pieds. L'escalier en bois grince quand je pose un pied dessus. Ma mère est dans la partie cuisine de la pièce principale entrain de préparer le petit-déjeuner. Dès qu'elle entend les craquements des marches, elle se retourne et me fait un grand sourire. Son visage est doux, elle a les mêmes marques que moi sur le visage. Ses cheveux sont aussi blonds que les miens. Mais contrairement à moi, elle a des yeux lavande brillant. La couleur de mes prunelles est la seule chose que j'ai hérité de mon père, qui a mystérieusement disparu il y a 10ans.

    -Bonjour Kellian ! Me salue-t-elle d'une voix joyeuse.
    -Bonjour maman.
    -Tu n'as encore dormi qu'avec ton pantalon de pyjama ! Me gronde-t-elle, bien qu'elle ne me faisait pas un réel reproche, cela s'entendait dans sa voix. Si tu attrapes froid, il ne faudra pas venir te plaindre mon grand !

    Suite à cette phrase, je regarde mon corps et constate qu'effectivement, je suis torse nu. Si j'étais normal et comme tous les garçons de 15 ans, je serais plus musclé que je ne le suis actuellement. Je soupire.

    -Ne t'en fais pas mon chéri, il y a des garçons qui évoluent moins vite que d'autre. M'affirme Dalina avec un sourire réconfortant. Aller, va t'asseoir. Ta coupe de fruits est presque prête.

    Je vais m'installer à table et attend patiemment que ma mère m'apporte mon petit-déjeuner. Je serais bien capable de le faire tout seul, mais elle adore prendre soin de moi, son unique fils, et je n'ose rien lui dire, de peur de la vexer. S'il y a bien une chose que je déteste, c'est de faire du mal aux personnes qui me sont proches. Surtout qu'elles sont peu nombreuses. Je regarde autour de moi. La pièce est très petite. Dans la partie cuisine, il y a une gazinière grise, un petit frigidaire blanc, deux petits éléments de cuisine et trois étagères. Il y a aussi une petite table en bois avec deux chaises fabriquées avec le même matériel. Puis, je tourne ma tête vers la partie salon. Le canapé en cuir usé occupe presque tout l'espace. Et puis, en face, il y a un écran blanc et rectangulaire qui fait 1 mètre de long et 50 centimètres de large. A la droite du canapé et de l'écran, se trouve une bibliothèque en bois avec plusieurs ouvrages rangés par ordre alphabétique sur les étagères. Les murs sont en bois, et le parquet recouvrant le sol est un bois plus clair que celui des murs et du mobilier. Ma mère pose ma coupe de fruits devant moi, avec une cuiller. Je mange en silence, puis je remonte à l'étage pour m'habiller. Je me contente de mettre une pauvre chemise à carreaux rouges et un jean qui commence à s'user. Je sors rapidement de la maison, après avoir prévenu ma mère que je pars me promener, comme je le fais chaque jour d'ailleurs. J'avance d'un pas rapide dans les rues, les mains enfoncées dans mes poches, ignorant les passants autour de moi. J'attends avec impatience que mes pieds quittent les pavés pour marcher sur l'herbe. Moment qui arrive en quelques minutes, à peine. Je quitte la route qui rejoint probablement une autre ville pour aller sur une colline que j'affectionne. A cet endroit, le paysage est magnifique et je crois bien que c'est le seul lieu où je me sens réellement bien. J'arrive sans effort en haut et j'admire ce que mes yeux me permettent de voir, j'inhale un grand bol d'air.
    Je vois la rivière, l'herbe bien verte parsemée de quelques fleurs blanches, les arbres qui montrent que la forêt se trouve non loin d'ici, le tout merveilleusement bien mis en valeur par les rayons de l'Etoile. J'observe aussi des papillons qui se baladent tranquillement dans l'air et j'entends les oiseaux chanter leur chant mélodieux. Un léger sourire apparaît sur mes lèvres. Mes pensées vagabondent, ma tête se vide. Je descends la colline en courant pour ensuite me laisser tomber au bord de la rivière. Les mains derrière la tête, allongé de tout mon long, je regarde le ciel. Je soupire et je ferme les yeux.

    -Kellian Geilia ? M'appelle soudain une voix qui ne me dit absolument rien.

    J'ouvre les yeux et je cherche la personne qui vient de me parler. Une forme se dessine doucement dans le vide, puis une femme apparaît devant moi. Je m'assoies, intrigué. Je lève la tête vers elle pour mieux la voir. Je la trouve étrange, parce qu'elle est exactement l'inverse de tous les meiklaniens. Elle a de longs cheveux noirs, qui ne brillent pas aux rayons de l'Etoile. Elle n'a pas de marque sur le visage, mais une sorte de diamant violet foncé trône au milieu de son front. Ses yeux jaunes légèrement orangé contrastent avec sa peau couleur pierre. Elle porte une longue robe noire, qui met parfaitement ses formes en valeur. Tout en elle dégage l'obscurité, et une autre sensation que je n'arrive pas à définir. Instinctivement, je me méfie, cette personne ne m'inspirant aucune confiance. Et je pense qu'elle a dû remarquer ma vigilance, au vu de son sourire –narquois- qui apparaît sur ses lèvres.

    -Qui êtes-vous ? Demandai-je, sur un ton soupçonneux.
    -Ne sois pas si suspicieux Kellian. Je ne te veux aucun mal. M'assure-t-elle d'une voix calme, trop calme à mon goût.
    -Ça ne répond pas à ma question.
    -Je sais. Mais je vais y répondre maintenant. Je suis Méliana, l'ange protecteur de Meikla.

    Je la regarde ensuite d'un air dubitatif. Un ange protecteur ? Pourtant, ce rôle ne lui va pas du tout. Elle a une aura bien trop noire pour que cela puisse correspondre. Elle ne me dit rien qui vaille, et je pense qu'il faut que je parte, avant qu'elle ne m'attire des ennuis.

    -Je dois te parler Kellian. Ajoute-t-elle ensuite, toujours d'une voix extrêmement calme.
    -Mais moi, je ne veux pas vous écouter. Rétorquai-je en me levant subitement, pour ensuite m'apprêter à grimper la colline. Je vais peut-être aller à la bibliothèque du village, un lieu où il n'y a jamais personne.

    Sauf que, avant même que je puisse faire un mètre, cette mystérieuse Méliana apparait devant moi, pour me barrer la route. Ne comprenant pas ce qui venait de se passer, je regarde derrière moi, vers l'endroit où elle se trouvait précédemment. Je me tourne à nouveau vers elle, tout en ayant le pressentiment qu'elle ne me laissera pas partir aussi facilement.

    -Qu'est-ce que vous me voulez ? Demandai-je finalement, tout en disant que plus vite elle m'aura dit son information, plus vite je serai tranquille.
    -Je viens t'annoncer que le moment de ta formation est arrivé.
    -Quelle formation ? De quoi vous voulez parler ?
    -Tout meiklanien doit faire cette formation, qui consiste à aller vivre, pendant un temps indéterminé, sur une autre planète. La formation sera terminée quand tu seras prêt à revenir sur Meikla, pour assumer pleinement ton rôle dans la société. Mais ne t'inquiète pas, quand tu reviendras, ce sera comme si le temps s'était arrêté pendant ton absence.
    -Comment ça quand je serai prêt ? Et ça sert à quoi, votre formation ?
    -A former. Me répond-t-elle avec un sourire taquin, qui veut sans doute dire que je n'en saurai pas plus à ce sujet-là. Et pour répondre à ta première question, tu comprendras le moment venu.
    -D'accord... Et je pars quand ? Je vais atterrir où ? Mais comment je vais arriver à me faire comprendre, vu que les habitants ne vont pas parler la même langue que moi ?
    -Pour ce qui est de la langue, ne t'inquiète pas pour ça. Un sort te sera jeté et tu comprendras tout ce qu'ils te diront, et ils comprendront tout ce que tu diras. M'affirme-t-elle, sur un ton énigmatique. Tu vas aller sur une planète qui s'appelle la Terre, qui se trouve dans la Voie Lactée, dans le Système Solaire, ayant pour étoile le Soleil. Et tu pars ... maintenant.

    Je n'ai pas le temps de répliquer quoique ce soit que je me retrouve aspiré dans une sorte de tunnel qui traverse l'espace. Je vois le visage moqueur de Méliana, puis, la seconde suivante, le noir total. Je ne vois plus rien. Je crie, je hurle de peur. J'ai l'impression de tomber dans un gouffre sans fond. Mon corps tourne dans tous les sens, comme si je tombais du haut d'un immeuble. J'ai du mal à respirer, on dirait qu'il n'y a pas d'air. Je me demande quand est-ce que cet enfer va se terminer. Et puis soudain, je vois une forte lumière et je m'écroule sur du goudron. Je grimace, la chute n'ayant pas été sans douleur. J'ouvre les yeux, que j'avais précédemment fermé. La première chose que je vois est un ciel bleu parsemé de nuages blancs. Je m'assois pour regarder toutes les choses qu'il y a autour de moi, pour commencer à découvrir cette planète qui m'est inconnue. J'ai du mal à tout définir, ne connaissant pas la grande majorité des objets que mes yeux observent. Je tousse, ayant pour habitude de respirer un air beaucoup plus pur que celui de la Terre. Tout devient flou, et je me sens de plus en plus mal. Je suis perdu, je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas où je suis.

    -Quelque chose ne va pas ? Me demande soudain une voix de femme, me faisant sursauter tout en me sortant de mon trouble.

    Je lève la tête vers elle. Elle doit avoir la quarantaine, elle a des cheveux noirs, des yeux noisettes et la peau légèrement métissée. Elle porte deux sacs de provisions, un dans chaque main. Elle semble inquiète et me regarde bizarrement. Je ne sais pas quoi dire, j'ouvre la bouche mais aucun son ne sortait.

    -Euh... J-Je ... N-non je... C-Ca va. Bafouillai-je, étonné de constater que je comprenais ce qu'elle disait, et qu'elle semble comprendre ce que je dis. T-Tout va bi-bien.

    Elle n'est pas, visiblement pas convaincue. Elle me regarde étrangement et je ne sais pas quoi faire.

    -Oh mais tu dois être Kellian ! S'exclame-t-elle. On attendait que ton arrivée justement.
    -Euh... Hésitai-je, surpris qu'elle connaisse mon nom, et quelque chose me dit que Méliana n'est pas étrangère à cela.
    -Allez, ne fais pas ton timide. Suis moi mon grand, je vais t'aider à porter tes sacs.

    Je fronce les sourcils, intrigué, n'ayant aucune affaire avec moi. Puis je vois la femme passer non loin de moi, et prendre l'un des deux sacs de voyage, qui devait apparemment m'appartenir. Je me lève et prend le deuxième. Je la suis jusqu'à la porte d'entrée d'une grande maison, plus grande que la mienne sur Meikla.

    -Au fait, moi c'est Céline Jeracou. Se présente-t-elle avec un sourire. Mon mari s'appelle Fabrice et on a une fille, Abigail. Elle a ton âge, je pense que tu devrais bien t'entendre avec elle. Tu devrais vite t'intégrer, tu verras.

    J'hoche la tête, avec un timide sourire, tout en essayant d'assimiler tout ce que j'apprenais. Nous entrons à l'intérieur de l'habitation, et je suis surpris par la décoration. L'entrée n'est pas très grande, mais une grande porte ouvre sur le salon. Le sol était recouvert de carrelage dans les tons beiges, et cette pièce était très chaleureuse, surtout avec la présence de la cheminée en pierre. Je regarde tout autour de moi. Il y a beaucoup plus d'objets dans cette maison qu'il n'y a dans la mienne sur Meikla.

    -Ta chambre est au fond du couloir. M'informe soudain Céline, me sortant de ma contemplation. Je vais ranger les courses, je te laisse t'installer.

    Elle me donne mon deuxième sac et entre dans le salon pour sans doute aller dans la cuisine. Je vais donc dans le couloir pour aller au bout et atteindre ma chambre, comme cette mère de famille me l'a indiqué. Mais je suis rapidement coupé dans mon avancée par une douce mélodie. Je ferme les yeux, la trouvant magnifique. Puis je me dirige vers la provenance de cette musique pour finalement pousser une porte entrouverte qui mène dans un bureau à première vue. Il se trouve une bibliothèque, un bureau avec un ordinateur et... un piano. Et assise devant cet instrument, une adolescente aux cheveux marron foncé mais dont la longueur m'empêchait de voir son visage. Ses doigts parcouraient les touches sans la moindre hésitation. La jeune fille était comme possédée par la musique, n'ayant pas encore remarqué ma présence. Je la regarde jouer, perdant conscience du monde qui m'entoure. Je reprends mes esprits quand le silence règne de nouveau.

    -C'était magnifique. La complimentai-je soudain.

    Elle tourne la tête vers moi après un sursaut. Je peux enfin voir son visage. Elle a de jolis yeux noisette, son visage n'inspire que gentillesse et générosité. Un beau sourire apparaît rapidement sur ses lèvres.

    -Merci beaucoup. Me répond-t-elle. Tu es Kellian ?
    -Oui. Confirmai-je, intimidé.
    -Moi c'est Abigail. Se présente-t-elle sans quitter son splendide sourire. Bienvenue à la maison ! T'inquiète pas ici, il y a une bonne ambiance. Papa peut peut paraître strict, mais en vrai, c'est un véritable clown ! Et puis maman... Elle paraît ce qu'elle paraît ! S'exclame-t-elle en riant. Elle a dû te laisser te débrouiller tout seul je suppose à te voir avec tes sacs en main !
    -Euh, oui.
    -Tu veux que je t'aide ?
    -Je... Je ne veux pas te déranger.
    -Tu parles ! C'est les grandes vacances, je n'ai rien à faire ! Rit-elle de nouveau, pour ensuite se lever et me prendre l'un de mes sacs et avancer dans le couloir jusqu'à une chambre.

    Je suis encore surpris de voir autant de joie de vivre. Mais cela me fait sourire. Je la suis rapidement pour entrer dans une chambre plutôt simple, qui était dans les tons jaunes. Elle m'aide à ranger mes affaires dans les placards, puis, nous nous asseyons sur le lit pour faire connaissance.

    -Alors, Kellian, parle moi un peu de toi ! S'exclame-t-elle, visiblement ravie de discuter avec moi. Tu avais quand même une vie avant d'arriver à Mingrain, une pauvre commune inconnue de tous dans la Beauce française !
    -Euh, il n'y a pas grand chose à dire en fait, à part que je suis Kellian Geilia et que j'ai quinze ans. Ma vie n'est pas très intéressante à vrai dire.
    -Moi j'ai seize ans ! Et ma vie n'est pas intéressante non plus. Rit-elle. Mais... Oh ! Je viens de remarquer, tes yeux brillent ! Et... Elle est bizarre ta cicatrice sur le visage.
    -C'est à cause de l'éclairage ! M'écriai-je, légèrement paniqué, ne sachant pas quoi inventer pour expliquer ma marque sur mon visage. Je cherche un mensonge dans ma tête, le plus rapidement possible, avant de trouver. Et pour ma cicatrice, c'est à cause de l'accident.. dans lequel mes parents sont morts !
    -A mince, je suis désolée. S'excuse-t-elle en grimaçant de gêne. J'ai toujours le chic pour mettre les pieds dans le plat sans le vouloir ! Pardon !
    -Ce... Ce n'est pas grave. La rassurai-je.
    Elle fait tout de même une moue désolée, ce qui la rend tellement attendrissante. J'allais ajouter quelque chose quand Mme Jeracou entre dans la chambre.

    -Je vois que vous avez fait connaissance ! S'exclame-t-elle. Bichou, si tu faisais visiter la ville à Kellian ? Il ne vient pas d'ici tu sais. Et il fait tellement beau aujourd'hui !
    -Pourquoi pas maman !

    Céline repart aussi rapidement qu'elle est venue. Mais quand je regarde à nouveau Abigail, je vois à son visage qu'elle est légèrement agacée.

    -Je n'aime pas quand elle m'appelle Bichou ! Me dit-elle.
    -Pourquoi ? C'est mignon je trouve.
    -Mignon oui, mais pour un enfant ! Je préfèrerai autant qu'elle m'appelle Abi.
    -Pourquoi tu ne lui dis pas que tu n'aimes pas ? Demandai-je, intrigué.
    -Elle va croire que je ne l'aime pas si je le lui dis. Et je ne veux pas la vexer. Mais heureusement qu'elle se retient quand j'ai des amis qui viennent à la maison ! Ce serait la honte sinon !
    -Ah, d'accord. Répondis-je, ne comprenant pas tout.
    -Allez viens, je vais te faire visiter ma petite ville ! S'exclame-t-elle, de nouveau joyeuse. Je devais rejoindre des amis de toute façon !

    Je souris, tandis qu'elle sort déjà de la chambre. Je me lève du lit pour la suivre. Elle prévient sa mère que nous sortons, puis s'empresse de quitter la maison pour être dehors. Elle avance rapidement sur le trottoir, et j'essaie de suivre tant bien que mal son rythme. Tout en observant le décor autour de moi, étant tout de même ravi de découvrir une nouvelle planète. Mais je ne suis guère émerveillé, les lieux ne valant pas la beauté de Meikla. Il y a beaucoup de maisons, et la route en goudron ne semble jamais se terminer. Et il y a trop peu de végétation pour moi. La nature n'est presque pas présente. A croire que la Terre est l'opposé de Meikla.
    Après un petit quart d'heure de marche durant lequel Abigail et moi avons beaucoup discuté, nous arrivons à un endroit un peu plus naturel. En effet, il y a beaucoup d'herbe, un lac plutôt grand, et des arbres de l'autre côté. Malheureusement, je vois aussi très bien les bâtiments derrière. Nous contournons le lac, pour arriver de l'autre côté, proche des arbres. Derrière les buissons se trouvaient deux adolescentes, et un adolescent, tranquillement assis sur le sol comme s'ils attendaient quelqu'un.

    -Hey Bibi ! S'écrie soudain le garçon en nous voyant arriver.

    Les deux filles qui nous tournaient le dos se retournent en souriant.

    -Coucou tout le monde ! Répond Abigail en s'approchant du petit groupe. Je vous présente Kellian.
    -Euh, salut. Dis-je, ne sachant quoi dire d'autre.
    -Kellian, le débile qui a crié Bibi, c'est Alexandre. La rousse, c'est Manon, et la brune c'est Amélie.

    Tous me saluent, et Abigail et moi, nous nous installons avec eux par terre. Nous discutons beaucoup, eux me parlant de leur lycée dans lequel j'allais sans doute entrer en septembre. Je ne comprends pas tout ce qu'ils disent, mais je les trouve tous sympathiques. Cela me fait bizarre d'être apprécié, étant donné que ce n'est pas le cas sur ma planète. Le temps passe à une vitesse affolante, si bien que je suis surpris quand Abigail me dit qu'il va falloir qu'on rentre. Nous disons au revoir à tout le monde, et nous empruntons le chemin du retour. Au début, nous parlions peu. Je regarde le sol, mes mains profondément enfoncées dans mes poches.

    -Tes amis sont sympathiques. Dis-je soudain, ne supportant plus ce silence entre nous.
    -Oui. Sourit-elle. Je pense qu'ils t'aiment bien aussi.
    -Ca me change. Avouai-je. De là où je viens, personne ne m'appréciait, donc, j'étais toujours seul.
    -Ah bon ? S'écrie-t-elle, surprise en me regardant avec des yeux ronds.
    -Oui. Confirmai-je dans un soupir.
    -Pourtant, tu es quelqu'un de très gentil et de très attentif. Enfin, pour ce que j'en ai vu aujourd'hui.
    -Je suis ... trop différent par rapport à eux, on va dire.
    -Encore des personnes qui jugent sur l'apparence. Râle-t-elle. Tout pour l'extérieur, rien pour l'intérieur.
    -Tu as des soucis par rapport à cela ? Demandai-je, intrigué.

    Elle semble hésiter. Il est vrai que nous nous connaissons que depuis quelques heures, et il est compréhensible qu'elle ne me dise rien.

    -En fait, dit-elle enfin, la majorité des gens de mon lycée ne m'apprécie pas vraiment, parce que je suis moche.
    -Tu n'es pas moche ! La contredis-je. Tu es même... très mignonne, je ... trouve. Avouai-je, en rougissant.
    -Merci. Me répond-t-elle en souriant. Je ne me trouve pas horrible non plus hein ! Personnellement, je pense que je suis normale. Ni trop belle, ni trop moche. Mais, à mon avis, pour eux, je suis trop banale, donc, inintéressante.

    Je suis de nouveau étonné. Pour moi, elle est différente, même si, en même temps, les filles de ma planète se ressemblent toutes. Mais aussi, par rapport à Amélie et à Manon, je la trouve différente. Elle a quelque chose qu'elles n'ont pas. Pourtant, je n'arrive pas à déterminer quoi.

    -M'enfin, je m'en fiche de ce qu'ils pensent. Je ne veux pas non plus devenir Miss France ! Rit-elle, de nouveau joyeuse. Et franchement, leur avis, ça me fait de belles jambes !

    Nous discutons beaucoup jusqu'à que nous arrivions à la maison. A l'heure du diner, je fais connaissance avec le père de famille, Fabrice il me semble. Il est vrai qu'il est imposant, et j'ai peur de dire quelque chose de travers avec lui. Mais, comme me la dit Abigail, il est plutôt drôle. La soirée passe, et je suis dans ma chambre, en pyjama, entrain de lire un des livres qui étaient posés sur une étagère, au dessus du bureau. Céline m'a expliqué qu'en prévision de mon arrivée, ils avaient acheté quelques livres, en guise de cadeau de bienvenue. Je l'ai bien évidemment remercié. De temps en temps, je me penche légèrement pour voir ce qui se passe dans le couloir, ma porte étant grande ouverte. Je vois Abigail trottiner de sa chambre vers la salle de bain, et je souris par cette énergie malgré l'heure qui commence à être tardive. Je laisse d'ailleurs échapper un bâillement. Je décide tout de même de finir mon chapitre, ne me restant que trois pages avant de le terminer. Mes paupières sont lourdes et j'ai l'impression que je vais m'endormir, la tête entre les deux pages de l'ouvrage.

    -Fais attention, tu t'endors ! S'exclame soudain une adolescente pleine d'énergie qui venait d'apparaitre dans la chambre, me faisant sursauter.
    -Tu m'as fait peur !

    Elle éclate tout simplement de rire.

    -Mais, c'est vrai, je m'endors. Je vais finir ma page et éteindre.
    -Je ne peux que te le conseiller. Sourit-elle. Je venais juste te souhaiter une bonne nuit.
    -Merci, toi aussi.

    Et elle sort de la chambre aussi vite qu'elle est venue. Je pose mon livre sur la table de nuit et éteins la lumière. Mais, bien que je sois fatigué, je n'arrive pas à trouver le sommeil. Une question subsiste dans mon esprit. Pourquoi suis-je ici, sur Terre dans cette famille ? Méliana ne m'a pas donné de détails, m'ayant juste dit que c'était pour me former. Mais en quoi ?
    Je me retourne sans cesse dans le lit, cherchant en vain une réponse qui ne viendra sans doute jamais.
    Ma mère me manque. Je m'interroge sur comment cela se passe sur Meikla. Si elle n'est pas trop triste de l'absence de son fils unique. Je soupire. Même si aujourd'hui, les Jeracou ont été très gentils avec moi, m'ont accueilli à bras ouverts, ma vie là-bas me manque, et bien que je passais mes journées seul dans mon coin à paresser soit à la bibliothèque, soit allongé sur l'herbe à côté de la rivière. Après quelques minutes de réflexion, je finis par m'endormir.
    Les journées passent à une vitesse affolante que j'en oublie le manque de ma planète. Les terriens que j'ai rencontré sont vraiment sympathiques. Abigail me fait visiter toute la ville, même la grande ville qui n'est pas loin. Je commence à la considérer comme une amie, ainsi que Manon, Amélie et Alexandre que je vois souvent également. Ils sont tous à la fois si semblables et si différents. Je ne me questionne plus sur la cause de ma présence ici. Le temps passe et je ne m'en rends même pas compte. Nous sommes le 26 juillet, et cela fait deux semaines que je suis ici. Pourtant, j'ai l'impression que cela fait seulement deux jours que je suis arrivé sur Terre.
    Mais une crainte s'empare petit à petit de moi. Que se passera-t-il quand je devrais partir d'ici, et revenir sur Meikla ? Je devrais les quitter tous, et ne jamais les revoir. Ils vont me manquer, je le sens. Mais je n'oublierai jamais tout ce que j'ai vécu à Mingrain. Jamais.
    Je m'attache de plus en plus à Abigail. Elle est tellement différente. Tellement... Je ne trouve même pas de mot pour définir ce que je pense d'elle. Elle est, tout simplement Abigail, peut-être. Même si c'est bien plus profond que ça.
    Depuis que je me suis levé, j'ai un mauvais pressentiment. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai cela en moi depuis que j'ai ouvert les yeux pour entamer une nouvelle journée sans doute fantastique. Ce qui est d'ailleurs le cas. En fin d'après-midi, alors que je suis assis à côté d'Abigail qui joue du piano, je me perds dans mes pensées, tout en me perdant dans la mélodie magnifique qu'elle produit.

    -Ça t'as plu ? Me demande-t-elle alors qu'elle vient de faire la dernière note du morceau, me sortant ainsi de mes songes.
    -Oui, beaucoup. Tu joues merveilleusement bien.
    -Merci.

    Un nouveau silence, que je ne tarde pas à rompre.

    -Abigail ?
    -Oui ?
    -Est-ce que tu regrettes de m'avoir rencontrer ?

    Elle semble surprise par ma question, qui est sortie toute seule. Elle me perturbait depuis un moment, et il fallait que je sois sûr. Pour alléger mon esprit.

    -Pourquoi je regretterais ? Répond-t-elle. Tu es le garçon le plus gentil que je connaisse ! En plus, tu es compréhensif, attentif, sincère, et j'en passe. Non, vraiment, pourquoi je regretterais ?
    -Je ne sais pas, je voulais savoir. Mais ça me fait plaisir ce que tu m'as dit Abigail.
    -Kellian, appelle moi Abi ! Ça me fait de la peine de t'entendre m'appeler tout le temps par mon prénom en entier ! Sourit-elle.
    -D'accord... Abi.

    Je souris à mon tour. J'ai bien l'impression que c'est elle qui va me manquer le plus dans toutes les personnes que j'ai rencontré. Mon cœur se serre rien qu'à cette pensée.
    La soirée passe trop vite, ainsi que l'heure d'aller dormir. Abi est assise sur mon lit, devant moi. Nous discutons, de tout et de rien. Mais des bâillements nous coupent de temps en temps.

    -Je pense que je vais aller me coucher. Bâille Abigail. Je suis crevée. Bonne nuit Kellian !
    -Bonne nuit Abi. Souriai-je.

    Elle se penche vers moi et m'embrasse sur la joue. Je rougis, elle sourit et sort de ma chambre après un autre bonne nuit. Je soupire de tristesse. Mon mauvais pressentiment vient de revenir. Je me glisse sous les couvertures et éteins la lumière. J'ai peur de fermer les yeux. Pourtant, je m'endors sans que je ne m'en rende compte...

    Et tout devient noir.

     

     


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  • Ce matin, ce sont encore les rayons du Soleil qui me sortent de mon sommeil. J'ouvre tout doucement les yeux, je me lève, tout aussi peu rapidement. Petite vitesse et grande lenteur comme dirait ma mère. Je regarde l'heure, et constate qu'il est plus de dix heures. Je songe instantanément que Kellian doit être debout. Je sors donc de ma chambre, pour me diriger vers la sienne. J'ouvre brusquement la porte, comme à mon habitude, mais toute suite, je remarque que quelque chose cloche. La pièce est bien rangée, le lit impeccablement fait, rien ne traine. Je fronce les sourcils. On dirait qu'elle est redevenue une simple chambre d'ami, sa fonction avant que Kellian entre dans nos vies. Je m'approche de l'armoire, juste pour m'assurer d'une chose. Mais quand j'ouvre les portes, je découvre qu'elle est incroyablement vide. Je ne comprends pas. Hier encore, elle était remplie des affaires de Kellian. Je sors précipitamment de la pièce, pour aller dans la cuisine.

    -Maman ! M'écriai-je.
    -Bonjour Bichou. Me sourit-elle. Tu es bien en forme ce matin. Constate-t-elle ensuite.
    -Pourquoi l'armoire est vide ? Où est Kellian ?
    -Elle a toujours été vide Bichou. A part quand quelqu'un vient dormir à la maison bien sûr. Et qui est Kellian ?
    -Mais maman, Kellian, c'est le garçon qu'on a recueilli !

    A ma grande surprise, ma mère me regarde bizarrement, avant de sourire.

    -Ma Bichou, tu ne dois pas être encore tout à fait réveillée. Tu dois confondre ton rêve de cette nuit et la réalité.

    Kellian, un rêve ? Non... Ce n'est pas possible... Impossible !

    -Maman, on est quel jour aujourd'hui ? Demandai-je soudain, parce que si j'ai rêvé, si Kellian n'était que le simple fruit de mon imagination bien tordue, alors nous devrions être le même jour où il est arrivé à Mingrain.
    -Nous sommes le 27 juillet Bichou. Tu es sûre que ça va ? S'inquiète ma mère.
    -Ça va je t'assure ! La rassurai-je immédiatement, même si je ne comprends pas ce qui se passe. Ça doit être à cause des grandes vacances ! Je m'éclate tellement que j'en perds la notion du temps !
    -C'est possible.

    Je mange sans appétit mon petit-déjeuner. Nous sommes le 27 juillet, ce qui veut dire qu'hier, nous étions le 26. Et hier, Kellian était là ! S'il n'avait jamais existé, qu'est-ce que j'ai bien pu faire depuis qu'il est arrivé ici ?
    Une fois que l'après-midi débute enfin, je m'empresse d'aller au lac, pour rejoindre mes amis. Eux, n'ont sans doute pas oublier Kellian, ils l'adoraient !

    -Dites, vous vous souvenez de Kellian ? Questionnai-je, cinq minutes après que je les ai rejoins. Et ils me regardent tout aussi étrangement que ma mère ce matin.
    -C'est qui ? Répond avec sa délicatesse légendaire Alexandre.
    -Kellian ! Kellian Geilia !
    -Je ne vois pas. Dit-il en haussant les épaules.

    Je regarde ensuite mes deux autres amies, avec beaucoup d'espoir.

    -Abi, toi, tu connais peut-être un Kellian, mais nous, nous n'en connaissons aucun. M'affirme Amélie avec une moue désolée.
    -Et d'ailleurs, c'est un nom trop bizarre, je doute que quelqu'un s'appelle comme ça ! Ajoute Manon.

    Je suis dans l'incompréhension la plus totale. J'ai l'impression que tout le monde l'a oublié. Que c'était comme s'il n'avait jamais existé. Je ne comprends pas. Je sais au fond de moi, qu'il existe bel et bien, et que j'ai passé deux semaines de ma vie avec lui.
    La journée passe, mais tout aussi lentement qu'un escargot. Le soir, je ne suis même pas d'humeur à jouer du piano. Il adorait m'écouter jouer. A la place, je suis allongée sur mon lit, sur le côté gauche, pour pouvoir regarder l'extérieur au travers de ma fenêtre. Je me suis baladée dans tout Mingrain, passant par tous les lieux où je suis allée avec Kellian. Mais personne ne se souvient de lui, à croire que je suis la seule à connaître son existence. Mais, en fait, je pense que c'est réellement le cas. Je suis la seule à me souvenir, et je ne sais pas pourquoi. Comme je sais pas pourquoi il est parti, alors qu'il semblait heureux ici, avec nous.
    Mais tout cela est étrange. Hier, Kellian était ici, et aujourd'hui, il s'est mystérieusement volatilisé, et je ne sais pas comment, mais tout le monde l'a oublié, sauf moi.
    Le lendemain, je décide de rester dans ma chambre. Je suis assise devant mon bureau, laissant parcourir mon stylo à tout hasard sur la première feuille qui m'est tombée sous la main. Je me demande bien où il est parti, où il a bien pu aller. Je m'imagine des scénarios, tous aussi farfelus les un que les autres. Et je doute qu'il y en ai un qui soit juste. Je soupire. J'aimerai savoir ce qui s'est passé hier. Savoir la vérité, mais une vérité qui me semble si inaccessible. Pourtant, je veux la connaître, même si je ne sais pas encore par où commencer.
    Je finis par regarder ce que je suis entrain de gribouiller sur ma feuille et constate avec stupeur que j'ai dessiné le portrait de Kellian. D'habitude, il me faut beaucoup de concentration pour que j'arrive à dessiner quelqu'un et que ce soit un minimum ressemblant. Or là, je n'ai pas fait attention à ce que je faisais. Je laisse tomber mon stylo, pour mieux observer le dessin ensuite. Il est tellement réussi que j'ai du mal à croire que c'est moi qui l'est fait. Je le repose sur le bureau et me lève. Je me poste devant ma fenêtre et pose mon front contre la vitre. Je dois bien avouée qu'il me manque, même s'il n'a disparu qu'hier. Mais je me suis attachée à lui, et je me demande bien où il peut être. Je lève mon regard vers le ciel. Il est moins bleu que d'habitude. J'ai aussi remarqué que la température avait drôlement baissé, ce qui est étrange pour la saison. Mais je n'y prête pas plus d'attention.
    Les jours passent et se ressemblent. Je passe mon temps, enfermée dans ma chambre, sans rien faire, à part regarder dehors. Ma mère s'inquiète mais je tente de la rassurer. Mon père affirme que ce n'est rien, que ça ne me passera. Je ne sais pas s'il dit vrai, ou s'il a tort. Pour le moment, je préfère ne pas me poser la question. Je m'en pose déjà suffisamment.
    Et puis un jour, alors que cela faisait deux semaines que Kellian avait disparu, je décidais de sortir prendre l'air. Être continuellement enfermée commençait à me rendre chèvre. Alors que je me dirige vers la porte d'entrée, vêtue d'un pantacourt marron, d'un débardeur blanc et d'une veste beige à capuche attachée à la taille au cas où il pleuve, j'annonce à ma mère que je sors. Elle sourit, visiblement heureuse de me voir sortir de la maison. J'avance sans faire attention où je vais, les mains profondément enfoncées dans mes poches. Je ne sais pas où aller. Je me contente juste de marcher, pour réfléchir. Il s'est produit tant de choses bizarres depuis que Kellian est parti. Je ne comprends pas ce qui se passe. C'est tellement frustant de n'avoir aucune piste ! Mais, alors que je m'apprête à traverser la route, un homme attire mon attention. Il est de l'autre côté de la route, il a la peau couleur crème et surtout, il a une étrange marque sur le visage, du même style que celle que possédait Kellian, et que je pensais être une cicatrice. Je fronce les sourcils, intriguée, et décide de le suivre le plus discrètement possible. J'ai bien conscience que ce n'est pas très prudent, mais mon instinct me dit qu'il a un rapport de près ou de loin avec Kellian. Peut-être même qu'il me guidera jusqu'à lui, si j'ai de la chance. Après quelques minutes de marche, je me retrouve dans un champ, et l'homme ne m'a pas repéré, heureusement. Puis, une chose de vraiment inhabituel se produit. Une sorte de tunnel noir apparait juste devant lui. Il entre à l'intérieur et disparaît sans aucune trace. J'hésite quelques instants. J'aimerai le suivre, pour voir où cela mène, mais je ne sais absolument pas où je vais atterrir. Mais lorsque je vois le trou se refermer, je ne réfléchis pas une seconde de plus. Je quitte ma cachette, cours vers ce curieux passage et saute à l'intérieur, juste au moment où ce dernier allait se refermer.
    J'ai l'impression de tomber dans un vide infini. J'aimerai hurler, mais l'air me manque. Je suffoque. Je ferme les yeux terrifiée. Puis, soudain, je tombe par terre et l'air rempli à nouveau mes poumons. J'ouvre mes paupières pour savoir où je me trouve. Je vois tout d'abord un splendide ciel bleu, sans aucun nuage. Je me redresse doucement, pour être ensuite assise par terre. Apparemment, je suis dans une forêt , vu que je suis entourée d'arbres. Je me lève lentement, regardant autour de moi. Je ne connais pas cet endroit, mais il est bien trop... magnifique pour être en France, même pour être sur Terre. Mais, où suis-je alors ? Est-ce possible du moins, que je sois autre part que sur Terre ? Je décide d'avancer droit devant moi, espérant tomber sur quelqu'un. Je suis sur mes gardes, sursautant au moindre bruit, même à celui du vent dans les feuilles. Je commence à me demander si j'ai bien fait d'entrer dans ce qui ressemblait à un tunnel.
    Soudain, je manque de crier, après un bruissement de feuille. Puis, dans un souffle, je parviens à entendre :

    -Abigail...

    Je lève la tête et je suis surprise de le voir, percher en haut d'un arbre. Il a changé, oui, en deux semaines, il a énormément changé. Son visage a mûri, la bouille qu'il possédait et qui lui donnait un air enfantin a disparu. Ses cheveux dorés luisent au soleil. Il porte une habituelle chemise rouge à carreaux, sauf qu'elle est ouverte, laissant voir une magnifique et parfaite musculature qui me fait rougir instantanément.
    J'ai l'impression d'avoir un homme de 25 ans en face de moi, et non un adolescent de 15 ans.
    Pourtant, c'est bien lui. Il s'agit bien de Kellian. Je le reconnaitrai entre mille.
    Il affiche un air à la fois intrigué, mais aussi peiné. Il descend de son arbre. C'est à ce moment que je remarque qu'il a aussi grandi. Avant, il devait faire à peu près la même taille que moi, mais aujourd'hui, il me dépasse d'au moins une tête, voire peut-être même deux. Il plonge ses yeux vert brillant dans mes yeux noisette. Je ne peux détacher mon regard du sien. Je ne sais pas quoi faire. Je suis si heureuse de le revoir, de l'avoir retrouvé !
    Il s'avance vers moi et détache ma veste qui était attachée autour de ma taille. Il me la tend et je comprends que je dois la mettre. Je ne sais pas pourquoi, comme j'ignore pourquoi il ne me parle pas. Je mets ma veste et il prend la capuche pour me la mettre sur la tête. Il pousse mes cheveux pour qu'ils soient dans mon dos et il m'incite à baisser ma tête. Je me laisse faire, et je pense qu'il veut que je cache mon visage, ainsi que mes cheveux. Il passe son bras gauche dans mon dos, me tient ensuite par les épaules, et me conduit quelque part. Nous marchons dans la forêt. On dirait qu'il la connait par cœur, il est dans son élément. Nous finissons par quitter le bois, et là, je vois une magnifique rivière, d'un bleu incroyable, qui brille aux rayons du soleil. Mes yeux parcourent l'endroit. Je vois quelques maisons au loin, de l'herbe, des fleurs blanches, la rivière ... C'est splendide, il n'existe aucun mot pour décrire la beauté grandiose de ce lieu. Je suis émerveillée, voire même plus. Je regarde ensuite Kellian, et il est encore plus beau au soleil. Aucun humain sur Terre ne peut l'égaler, il est magnifique comme un Dieu. Et encore, la comparaison est bien trop faible. Les reflets lumineux de ses cheveux dû au soleil ne font qu'augmenter sa splendeur. Il tourne son visage vers le mien et je vois à nouveau ses yeux d'un magnifique vert, et on dirait qu'il y a un million d'étoiles dedans tellement ils scintillent. Certains pourraient penser que l'espèce de cicatrice ou quoique ça puisse être d'autre, qui commence au niveau de son œil gauche et qui rejoint son menton, est repoussante, voire hideuse. Mais au contraire, cela le rend plus merveilleux. Je finis par détourner la tête, honteuse de le détailler à ce point, et je sens le feu me monter aux joues. Nous continuons à avancer et entrons dans un petit village que je trouve fort sympathique. Une bonne ambiance chaleureuse semble y régner. Cela ressemble à un village de montagne, en plus remarquable. Tout ici est mieux que sur Terre. Kellian m'incite à baisser un peu plus ma tête, et je me laisse faire. Nous finissons par entrer dans une bâtisse, qui à première vue, ressemble à une bibliothèque. Mon hypothèse se confirme une fois à l'intérieur. Une femme ne tarde pas à venir nous accueillir. Ma première impression sur elle est qu'elle est magnifique. Elle a de longs cheveux blonds presque blancs, mais cela ne choque pas du tout. Ses yeux rose pâle et tout aussi brillant que ceux de Kellian n'inspire que sympathie. Elle a la peau claire, et elle possède aussi une sorte de cicatrice qui relit son œil gauche à son menton, quoiqu'elle n'a pas la même forme que celle de Kellian. Et puis, elle dit quelque chose. Je n'ai rien comprit à ce qu'elle a dit, la langue m'étant étrangère. Mais, mon ami lui répond de la même façon. Je le regarde, stupéfaite. Quand nous nous sommes rencontrés, il parlait très bien le français, comme s'il avait vécu depuis toujours en France. Or là, il parle une langue qui m'est parfaitement inconnue avec une telle aisance qu'il est impossible de croire qu'il parlait tout aussi bien le français il y a deux semaines. Je tombe à nouveau dans l'incompréhension, bien que cela explique, un peu, le fait qu'il ne m'ait pas parlé. Alors qu'ils discutaient, je ne peux m'empêcher d'écouter attentivement leur façon de parler. La langue est magnifique et mélodieuse. Quand ils parlent, on dirait qu'ils chantonnent. Je les écoute et cela m'apaise encore plus qu'une musique douce qu'on peut entendre sur Terre.
    Ensuite, la femme part, sans doute pour continuer à travailler, et Kellian m'entraine à un point de la bibliothèque. Après avoir vu défiler plusieurs rayons remplis d'innombrable ouvrages, nous nous dirigeons vers une table et Kellian me tire une chaise pour que je m'y assoie. C'est ce que je fais, et je le vois partir dans un rayon. Tête baissée, triturant mes doigts, je l'attends. Il revient quelques minutes plus tard, les bras encombrés de livres. Il les pose sur la table, s'assoit en face de moi, prend celui au dessus du tas, l'ouvre et commence à lire. J'essaie de regarder le contenu du livre et je suis émerveillée de constater à quel point l'écriture de cette langue est aussi magnifique que de l'entendre parler. Je ne comprends pas un mot et pourtant je parcours les lignes qui me fascinent. Il ferme le livre d'un coup sec, en grommelant quelque chose. Même quand il râle, la langue est magnifique. Il pose le livre à côté de lui et en prend un deuxième. Après encore trois ou quatre livres qui ne lui semblent pas lui convenir, il finit par en trouver un, où j'ai pu le voir esquisser un sourire. Il range les livres qui ne lui plaisent pas et va voir la bibliothécaire, du moins, je suppose. Nous sortons de la bibliothèque quelques minutes plus tard, Kellian ayant l'ouvrage emprunté sous le bras. Nous marchons tranquillement dans les ruelles paisibles et croisons quelques autres personnes sur la route, qui nous ignore, à croire que nous sommes invisibles à leur yeux. J'entends Kellian soupirer, et je me souviens qu'il avait dit qu'il n'avait pas d'amis, avant de venir sur Terre. Maintenant, je comprends le sens de ses paroles. Je ne vois pas pourquoi il est autant mis à l'écart, tant il est gentil, généreux et attentionné. Aussi, je remarque que les gens ici se ressemblent tous. Ils sont blonds, des blonds différents certes mais tout de même blonds, ils ont la peau pâle, des yeux clairs et brillants et une marque bleutée plus ou moins voyante sur le visage. Je saisis pourquoi il voulait que je baisse la tête et cache mes cheveux. Je suis bien trop différente et on remarquerait toute suite que je ne suis pas d'ici.
    Nous arrivons devant une petite maison toute simple et plutôt rustique, mais qui a tout de même son charme. Nous entrons à l'intérieur et je n'ai pas le temps de détailler l'entrée que Kellian m'entraine déjà dans l'escalier en bois. En quelques secondes, nous sommes déjà dans une chambre, très petite qui ne doit pas faire plus de 10m². La décoration est dans les tons bleus, et il y a le minimum dans cette pièce, sans doute que la superficie y est pour quelque chose.
    Kellian s'assoie sur son lit et ouvre sans attendre le livre qu'il a emprunté. Je ne tarde pas à aller le rejoindre et attends ce qui va se passer par la suite. Je le regarde, et il semble très concentré. Sans doute que les écrits présents dans l'ouvrage sont importants pour lui. Soudain, je le vois un léger sourire satisfait sur ses lèvres, ce qui le rend encore plus magnifique. Puis, il tend ses mains vers moi. Je m'assois en tailleur sur le lit, juste en face de lui, et pose mes mains sur les siennes. Ses doigts se ferment et il ferme les yeux pour se concentrer. Puis il murmure quelque chose que je ne comprends pas, mais il murmure d'une voix mélodieuse qui s'empare de mon esprit et me fait perdre conscience de la réalité, comme sans doute c'était le cas pour lui quand il m'entendait jouer du piano. Pourtant je garde les yeux ouverts, n'ayant pas besoin de les fermer pour mieux apprécier le moment. Et tout d'un coup, une douce et apaisante lumière apparait entre nos mains. Je fixe cet étrange phénomène, fascinée, tel un papillon qui se dirige sans cesse vers la lumière. Puis cette lumière s'empare de plus en plus de l'espace et devient aveuglante. Je ferme les yeux par instinct alors que je n'avais qu'une envie, les garder ouvert. J'ai l'impression que le temps s'est arrêté. Je ne le vois pas passé, je n'ai plus conscience de rien. Je ne me demande même pas ce qui est entrain de se passer, parce que cela me semble si naturel, si normal, bien que ce ne soit nullement le cas.

    -Abigail, est-ce que tu me comprends ? M'interroge doucement Kellian.
    Cette question me fait rouvrir mes yeux. Je vois son visage encore plus parfait que la perfection elle-même, à la fois intrigué et inquiet.

    -Oui. Répondis-je dans un souffle, pour ensuite demander : Où sommes-nous ? Je sais que ce n'est pas sur Terre. L'endroit est trop ... trop incroyable pour être sur Terre.
    -Effectivement, nous ne sommes pas sur Terre. Confirme-t-il après un moment d'hésitation. Nous ne sommes même pas dans la Voie Lactée. Je crois bien qu'il y a même quelques années-lumières de différence.
    -Quand même. Soufflai-je exagérément, impressionnée par cette distance gigantesque et impressionnante. Mais ça ne répond pas à ma question.
    -Nous sommes sur Meikla. M'informe-t-il. Une petite planète qui fait partie du système Etoilïa.
    -Etoilïa ? M'intriguai-je. C'est étrange comme nom.
    -C'est un mélange des noms de nos deux étoiles. Celle qui est la plus proche de la planète, qui émet une lumière blanche, comme le Soleil pour la Terre, s'appelle l'Etoile. La deuxième est plus éloignée, et on ne perçoit sa lumière bleutée que la nuit. Et elle s'appelle Loïa. Tu verras ce soir, c'est assez... particulier quand on n'est pas habitué.
    -Il y a deux étoiles dans le système ?! M'écriai-je, surprise. Mais, comment cela se fait-il que je peux te comprendre maintenant ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
    -Je nous ai lancé un sort de traduction instantanée, ce qui me permet de te comprendre quand tu me parles, et que toi tu me comprennes quand je te parle. Mais, cela marche seulement comme ça. Quand je parlerai à ma mère par exemple, tu ne comprendras pas ce que je lui dis, ni ce qu'elle dit d'ailleurs. Il faudra refaire le sort je pense.

    Un silence s'installe ensuite. J'essaie d'assimiler ce que je viens d'apprendre. Nous sommes sur une autre planète qui s'appelle Meikla, qui possède deux «soleils» et où il y a des formes de vie humaine, qui savent lancer des sorts. Beaucoup penserait à une blague, et pourtant, j'ai l'impression qu'il vient de m'annoncer qu'il ferait beau demain.

    -Abigail, qu'est-ce que tu fais ici ? Soupire-t-il après quelques minutes de silence.
    -Je... J'ai vu un homme, qui avait le même type de marque sur le visage que toi. Racontai-je. Je l'ai suivi, et j'ai fini par atterrir ici, sur Meikla. Pourquoi ? Cela te dérange de me revoir ?
    -Non ! Bien sûr que non ! Me contredit-il vivement. Mais c'est juste que... Que tu aurais dû m'oublier. Normalement, tu n'aurais dû avoir aucun souvenir de moi.

    Je suis surprise par cette révélation. Et puis, je repense à mes parents, à mes amis, et à toutes les personnes que j'ai croisé en compagnie de Kellian. Ils l'avaient tous oublié. Sauf moi. J'étais la seule à me souvenir de lui.

    -J'étais sur Terre parce que je devais suivre une formation, m'explique-t-il ensuite. Normalement, toutes les personnes que j'ai rencontré devaient oublier mon existence.
    -C'est le cas, sauf pour moi. Avouai-je. Je suis la seule personne qui se souvienne de toi. Mais, en quoi consiste cette formation ?
    -C'est étrange que tu sois la seule... Il faudra que j'en parle à ma mère, peut-être qu'elle sait quelque chose. Songe-t-il à voix haute. Pour ce qui est de la formation, je ne le sais pas moi même. Ce que je sais, c'est que mon corps a évolué dès mon retour ici.
    -Kellian, il s'est passé combien de temps ici ? Osai-je enfin questionner. Sur Terre, cela fait deux semaines que tu es parti. Mais... Tu as tellement changé ! C'est impossible de changer autant en si peu de temps !
    -J'ai dix-sept ans maintenant, donc il s'est passé deux ans.
    -Deux ans ?!
    -Oui. Me confirme-t-il avec un hochement de tête. Le temps ne doit pas se dérouler à la même vitesse ici et sur Terre. Et n'oublie pas qu'il y a des années-lumières qui nous séparent ! Deux ans, ce n'est pas si énorme que ça étant donné cette distance gigantesque.

    Je me perds rapidement dans mes pensées, réalisant qu'il n'a pas tort. Mais plus il parle de sa planète, plus j'ai l'impression que tout est normal, comme si j'avais vécu ici depuis toujours. Et, cela me perturbe.

    -Quelque chose ne va pas ? S'inquiète Kellian.
    -Non rien, tout va très bien. Affirmai-je en le regardant dans les yeux.

    Ses yeux d'un magnifique vert brillant dont je suis dans l'incapacité de me détacher. Je me plonge dedans avec plaisir et je ne veux pas en sortir. J'ai l'impression que le temps s'est soudainement arrêté, qu'il n'existe plus rien d'autre à part nous. J'oublie tout, et lui seul compte désormais. C'est une sensation bien étrange et pourtant, j'aime ça.
    Mais soudain, une voix féminine se fait entendre, ce qui me fait sursauter et me ramène à la réalité. Elle semble s'adresser à Kellian, et ce dernier lui répond sans attendre. Je ne comprends pas un mot de ce qu'ils peuvent se dire, mais j'apprécie beaucoup les sons de la langue meiklanienne.

    -Ma mère vient de rentrer, m'annonce Kellian. Il faut que je descendes. Viens avec moi, je vais te présenter. Et aussi, peut-être sait-elle quelque chose par rapport au fait que tu ne m'aies pas oublié.

    Je me contente de hocher la tête, encore bouleversée par ce qui venait de se passer avec lui. Il prend l'ouvrage, se lève et se dirige vers la porte. Je ne tarde pas à le suivre. J'enfonce mes mains dans mes poches, comme je le fais souvent quand je suis intimidée. D'autant plus que je ne sais pas quoi dire, sachant qu'elle ne comprendra pas un mot.
    Une fois dans le salon, je découvre une femme plutôt grande, aux cheveux d'un blond presque cuivré qui me fait penser aux reflets des cheveux de son fils aux rayons de l'Étoile. Elle possède aussi de splendides yeux lavande brillant. Elle semble chaleureuse, et bienveillante. Elle fronce les sourcils en me voyant, mais elle est toujours aussi belle. Kellian se met à lui parler et au moment où j'entends mon nom je fais un timide sourire. Ensuite, il pose le livre sur la table, ouvert à la même page que tout à l'heure. Il prend la main de sa mère, et dès que je m'approche, il prend la mienne. Je vois sa mère me tendre sa main, et je comprends que je dois la saisir. Kellian murmure quelque chose, et la même lumière blanche apparaît, finissant par m'aveugler. J'ouvre à nouveau les yeux quelques secondes plus tard, et la mère de Kellian me sourit.

    -Je suis ravie de faire ta connaissance Abigail. Me dit-elle, toujours avec ce même sourire chaleureux. Je suis Dalina, la mère de Kellian.
    -Je suis enchantée de faire votre connaissance.
    -De même. Mais j'avoue que c'est étrange que tu te souviennes de Kellian. Tu n'es pas censée te souvenir. Ça risque de ne pas plaire à Méliana...
    -Qui est Méliana ? Ne tardai-je pas à demander.
    -C'est l'ange protecteur de Meikla. M'explique sans attendre Kellian. Même si elle est plutôt bizarre je trouve.
    -Oui. Confirme sans attendre sa mère. Mais il est vrai que ce n'est pas normal que tu te souviennes de Kellian. Mais...

    Elle semble hésiter. Kellian et moi nous nous regardons, intrigués. Apparemment, Dalina sait quelque chose, mais n'est pas sûre de son information.

    -Mais ? L'encourage son fils.
    -Mais il existe une vieille histoire, une sorte de légende. Nous informe-t-elle, hésitante. Peu y croit. Mais, il y a très longtemps, un illuminé aurait dit qu'un jour, un meiklanien et une personne non meiklanienne possèderaient un lien impossible à briser et que ce jour là, tout changerait sur Meikla. C'est un peu compliqué mais en gros, voilà l'histoire. Mais il est évident que vous devez être tous les deux très liés pour que toi, Abigail, n'ait pas oublié mon fils.

    Je ne peux que confirmer. Il est vrai que nous devons posséder un lien très fort. Je le regarde dans les yeux, et il fait de même. Le temps s'arrête, comme à chaque fois que nos regards se croisent. Je suis déconnectée de la réalité et tout semble disparaître, sauf lui et ses yeux si envoûtants. Pour beaucoup, ce qui vient d'arriver est tellement étrange que cela en ferait presque peur, alors que moi, j'ai l'impression que c'est parfaitement normal, comme si j'avais baigné dedans depuis toujours.
    La nuit commence à remplacer le jour sans que je m'en rende compte. Je suis assise sur l'herbe, en haut d'une colline, en compagnie de Kellian. Tout est si magnifique. Tellement splendide que j'ai l'impression de rêver, alors que tout est réel.

    -Dis moi Kellian, qu'elles sont vos croyances ? Demandai-je soudain.
    -Comment ça ? S'intrigue-t-il.
    -Sur Terre, il y a des religions, et toutes ont leurs croyances. La vie après la mort, sur la formation du monde. Et ici, c'est quoi ?
    -Nous croyons aux esprits. Dit-il après un petit moment de réflexion. En fait, nous pensons qu'une fois mort, notre esprit part rejoindre tous ceux que nous avons aimé dans notre vie et qui sont partis avant nous. On croit également que l'esprit veille toujours sur ses proches qui sont encore en vie. Qu'ils essaient de les influencer vers telle ou telle décision pour les mener vers le bonheur. C'est ainsi que sont venues les principales cérémonies. Le jour d'une naissance, on demande aux esprits, de la famille généralement, mais aussi ceux des proches amis, de prendre soins, de veiller sur le nouveau né. Le jour d'une union, on demande aux esprits de les aider dans leur vie à deux. Et au moment où une personne meurt, tout le monde ainsi que le mourant supplient les esprits de pardonner tout le mal qu'il aura bien pu faire, et de l'accepter auprès d'eux.
    -C'est une très belle croyance. Soufflai-je, attentive à chacune de ses paroles. Si j'ai bien compris ta dernière phrase, les esprits peuvent refuser l'esprit d'une personne qui vient de mourir ?
    -Oui. Me confirme-t-il. Si la personne en question a fait trop de mal dans sa vie, les esprits le rejettent et l'esprit deviendra un esprit errant pour l'éternité. Les meiklaniens se tiennent toujours bien, ayant trop peur de se faire rejeter par leur proches et de rester seuls pour toujours.
    -C'est sûr que c'est triste de finir tout seul. Mais à toi, cela ne t'arrivera pas, j'en suis certaine.
    Je le vois sourire. Je pense que ce que je viens de dire lui a fait plaisir, même si je pensais chaque mot. Oui, lui, sera accepté parmi les esprits. Ils l'accepteront, sans la moindre hésitation. Puis, une nouvelle question germe dans ma tête.

    -Ta marque sur le visage, elle signifie quelque chose ? J'ai vu que tout le monde en avait une, mais la forme diffère à chaque fois. Osai-je enfin demander.
    -Hum, oui. En fait, la marque sur le visage montre nos principaux traits de caractère. M'explique-t-il patiemment. Tout ce qui fait qu'on est nous. Par exemple, ma marque signifie que je suis généreux, attentionné et courageux quoique peu sûr de moi. Les traits de caractère positifs sont matérialisés par des boucles, qui sont plus ou moins grosse pour montrer si le trait est fort, prédominant ou non. Mais plus les lignes de la marque sont plats, plus le trait de caractère est négatif.
    -Je comprends. Et je trouve, que ta marque te reflète bien.
    -Merci. Me répond-il en me regardant avec un sourire.
    -Et celle de ta mère, qu'est-ce qu'elle signifie ?
    -Qu'elle est charmante, protectrice sans doute un peu trop même et généreuse.
    -Tu as un point commun avec elle. Souris-je.
    -Oui. Elle pense d'ailleurs que j'ai hérité des autres de mon père.
    -Peut-être. Mais je ne l'ai pas vu, il est ...
    -Mort ? Suppose-t-il en remarquant mon hésitation. A vrai dire, je n'en ai aucune idée. Il est parti quand j'avais cinq ans sans donner aucune explication.
    -Je suis désolée. Souffle-je, dès que je le vois baisser la tête, attristé.
    -Ce n'est pas de ta faute. Soupire-t-il, pour ensuite tourner légèrement la tête dans ma direction, alors que j'ai posé ma main sur son épaule.

    Nous ne nous disons plus rien. Un doux silence s'installe entre nous, légèrement perturbé par le bruissement agréable des feuilles. La nuit tombe peu à peu, sans qu'aucun mot ne soit échangé. Et enfin, l'Etoile laisse place à Loïa. Tout est très sombre, mais une lumière légèrement bleuté éclaire les lieux. Je regarde l'eau de la rivière et plusieurs petites étoiles la font briller. C'est tout simplement magnifique. Tout est extraordinairement splendide. Je tourne mon visage vers Kellian, pour le regarder. Sous les rayons de Loïa, il est encore plus beau que durant la journée. Sa peau est un peu plus pâle, mais les traits de son visage sont renforcés. Sa marque est plus visible aussi, mais cela ne choque pas. Au contraire. Elle est en parfaite harmonie avec le visage en lui-même, et si elle n'était pas là, je suis certaine que l'impression qu'il lui manque quelque chose serait présente.

    -Tu es magnifique. Murmurai-je, comme hypnotisée par sa beauté.
    -Ah ? Tu trouves ? Personnellement, je ne me trouve pas terrible...
    -Tu plaisantes ? Tu... Tu... Aucun mot ne peut te décrire Kellian ! M'écriai-je. C'est moi qui n'est pas terrible plutôt !
    -Nous n'avons pas le même référentiel alors. Sourit-il. Parce que moi, je te trouve aussi belle que la rivière, voire même plus. Tu es si différente par rapport aux filles que je croise dans la rue, ou au lycée ! Tu es naturelle, simple et c'est justement tout ça qui fait que tu es sublime ! Par ton visage, ton regard, tu transmets tellement de choses, ce qui te donne plus de charme ! Pour moi, tu es la première merveille du monde !

    Je ne peux m'empêcher de rougir devant ce flot de compliments sur mon apparence. Je me trouve si banale, sans rien de bien spécial, et lui exclame tout ce qu'il pense sur moi. Pour lui, c'est ma différence qui lui plait, qui me rend belle à ses yeux.

    -Mais il n'y a pas que le physique qui te rend splendide. Continue-t-il, en se rapprochant doucement de moi. Il y a ton caractère aussi. Bien que j'avais l'air si différent quand je suis arrivé sur Terre, tu m'as toute suite accepté, tel que j'étais. Alors qu'ici, sur Meikla, je ressemblais encore à un gamin avant de partir sur Terre, et tout le monde me rejetait. Tu es si... Si... Il n'y a aucun mot pour dire ce que je pense de toi ! Et... Ce que je ressens pour toi !

    Je ne sais pas comment réagir. La façon, presque suppliante, dont il parle, les mots qu'il emploie, son regard tendre, tout me touche. Je ne peux détacher mon regard de lui, je ne peux écouter autre chose. Je suis comme un papillon attiré par la lumière.

    -Tu es unique, et je suis heureux que tu ne m'aies pas oublié. Murmure-t-il. Rien ne m'était plus douloureux que de savoir que tu ne te souvenais pas de moi, même si j'étais dans l'erreur. Pendant ces deux ans passés sans toi, je me suis rendu compte que j'ai besoin de toi, comme un cœur a besoin de battre. Je sais que nous nous sommes vu que pendant deux semaines et peut-être que cela a un rapport avec le lien qui nous unit, mais je le pense sincèrement.

    Je ne sais quoi répondre. Tout est tellement irréaliste, mais aussi incroyablement beau. Il pose sa main sur ma joue, et j'apprécie ce contact. Son visage s'approche de moi, hésitant. Je ne peux décrocher mon regard du sien. Mes yeux se ferment doucement au fur et à mesure qu'il se rapproche. Et enfin, ses lèvres se posent délicatement sur les miennes, et il m'offre un tendre baiser. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Je me sens tellement bien. Plus rien ne compte, ni le temps, ni l'espace, rien. Il y a simplement nous, deux adolescents de deux planètes différentes, mais qui ignorent ce qui leur semble être un détail aussi minuscule qu'une bactérie. J'ai l'impression d'être sur un nuage et que rien ni personne ne peut briser ce plus que formidable, fantastique moment.
    La soirée était tellement merveilleuse, que je ne l'ai même pas vu passé.
    En peu de temps qu'il n'en faut pour le dire, nous sommes déjà le matin et moi, ainsi que Kellian, sommes déjà prêts pour attaquer une nouvelle journée. Nous nous installons à côté de la rivière, tranquillement et nous discutons sans nous préoccuper de rien.

    -Dis moi, votre langage est tellement magnifique, mais le nom Meikla, c'est un peu... enfin... C'est nettement moins mélodieux on va dire... Remarquai-je à un moment.
    -C'est de l'ancien meiklanien. M'informe-t-il avec un sourire. Mais en souvenir de cette époque, le nom est resté. Mais Meikla signifie Merveilleux.
    -Cela prouve que la planète porte bien son nom. Souriai-je.

    Il sourit à son tour. Soudain, il se lève sous mon regard intrigué, puis vient se placer derrière moi, pour s'asseoir et il m'encercle de ses bras. Je me laisse faire et je me détends dans ses bras. Je ferme les yeux, appréciant ce doux moment.

    -Que c'est touchant ! Cingle soudain une voix féminine, mais terriblement froide et terrifiante.

    Je sursaute et rouvre les yeux. Une forme sombre apparaît devant nous. Je sens Kellian resserrer son étreinte. Il s'agit d'une femme a la peau de pierre, aux yeux jaunes affreusement effrayant, de longs cheveux horriblement noirs et une sorte de diamant violet foncé trône au milieu de son front. Elle ne dégage qu'obscurité, et elle ne m'inspire pas confiance. Kellian se lève, et je décide de faire de même. Instinctivement sans doute, il vient se placer devant moi, formant une barrière protectrice vivante. Je ne suis pas rassurée. Un mauvais pressentiment m'assaille.

    -Que faites-vous ici ? Demande Kellian, méfiant. Ma formation étant faite, je n'ai plus rien à voir avec vous !
    -Le problème n'est pas ta formation, Kellian Geilia. Rétorque-t-elle d'une voix aussi glaciale qu'un vent sibérien. Mais le problème, c'est elle. Ajoute-t-elle sur le même ton, en me désignant.

    Craintivement, je me réfugie derrière Kellian et il prend ma main pour me rassurer.

    -Comment ça ?
    -Une terrienne n'a rien à faire ici ! Affirme-t-elle d'une voix encore plus froide et plus menaçante.
    -Elle a autant le droit d'être ici que vous ! Me défend-t-il.
    -Du tout ! Le peuple meiklanien doit rester pur ! Ces étrangers sont des êtres inférieurs qui ne méritent aucunement de mettre un pied ici. Et je veux qu'elle parte sur le champ !
    -C'est hors de question ! Refuse vivement Kellian, avec beaucoup de courage, tandis que je me cache un peu plus derrière lui.

    Mais au lieu de voir la colère sur son visage, un sourire particulièrement malsain s'étire sur ses lèvres minces. Cette femme me fait froid dans le dos, et mon mauvais et effrayant pressentiment augmente en flèche.

    -Bien... Puisque que tu oses me tenir tête, misérable Kellian Geilia, tu devrais rentrer chez toi. Je t'y ai laissé une petite surprise. Juste pour que tu ais un avant-goût de ce qui t'attend si tu as la témérité de continuer à me désobéir !

    Sur ces mots peu rassurant, elle disparaît. Pris soudain de panique, Kellian se met soudain à remonter la colline en courant à grandes enjambées, me tirant derrière lui. J'essaie tant bien que mal de tenir le rythme, mais j'ai du mal. Je ne sais pas qui était cette effroyable femme, mais je ne tiens pas à le savoir. Nous arrivons en quelques minutes chez Kellian.
    Il ouvre brusquement la porte d'entrée, me tenant toujours par la main. Et là, un terrible spectacle nous attendait.
    Dalina, sa mère, se tord de douleur sur le sol, agonisant sans aucune raison visible.

     

     


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  • -Maman ! M'écriai-je je me précipitant vers ma mère, les larmes me montent aux yeux et j'ai terriblement peur pour elle.
    -Kellian, calme toi. Me murmure Abigail en se rapprochant de moi. Contacte quelqu'un que tu connais et qui pourra l'aider. Quant à moi, je reste avec elle. C'est ce qui a de mieux à faire.
    -Tu... Tu as raison.

    Je me lève en tremblant légèrement, tandis que Abigail se place en face de ma mère et lui parle pour essayer de la calmer, en attendant des secours. Je cherche le communicaty en évitant de trop paniquer. La seule personne que je peux joindre, c'est ma tante. Une fois l'appareil de communication trouvé, je compose son numéro, et j'attends avec la crainte qu'elle ne réponde pas.

    -Oui allo ? Entendis-je enfin à l'autre bout du fil.
    -Bialana ? C'est Kellian. Répondis-je d'une voix tremblante.
    -Tu as une voix bizarre, il s'est passé quelque chose ? S'inquiète-t-elle rapidement.
    -Maman a un problème, nous avons besoin de toi.
    -J'arrive toute suite.

    Et elle raccroche avant que je n'ai le temps de rajouter quelque chose. Je fais de même et je me sens terriblement impuissant. Ma mère est entrain de mourir à quelques mètres de moi, et je ne sais pas quoi faire. Je vais rejoindre Abigail en attendant ma tante. Je ne peux rien faire d'autre.
    Quelques minutes plus tard, Bialana, qui ressemble comme deux gouttes d'eau à ma mère étant sa sœur jumelle, arrive enfin. Elle regarde étrangement Abigail, mais ne fait aucune réflexion. Elle se concentre seulement sur ma mère. Elle sort un minuscule couteau de sa poche, s'entaille la paume de sa main, ainsi que celle de la main de ma mère. Ensuite, de sa main ensanglantée, elle serre de toute ses forces celle de sa sœur. Elle murmure quelque chose avec une vitesse hallucinante. Abigail me prend dans ses bras pour me rassurer, même si elle se demande ce que peut bien faire ma tante. Une lumière rosée apparaît entre leurs mains et ma mère semble se calmer, comme si la douleur venait de disparaître.

    -Je vais la mettre dans son lit. Murmure Bialana quelques minutes plus tard. Ensuite, vous aurez quelques explications à me donner.
    -Elle va s'en sortir ? Demandai-je, inquiet pour ma mère.
    -Oui. Tu m'as appelé juste à temps. Tu as très bien réagi.

    Je n'ose pas lui dire que si Abigail n'avait pas été là, je me serai laissé sombrer dans la panique et ma mère ne serait sans doute plus de ce monde.
    Quelques minutes plus tard, ma tante revient dans le salon, nous nous installons autour de la table en bois, et je lui raconte toute l'histoire. Elle m'écoute attentivement et jette quelques regards de temps en temps vers Abigail. Celle-ci se triture les doigts, sans doute embarrassée par ces regards furtifs.

    -Cela ne m'étonne pas. Finit par marmonner Bialana. Méliana n'a jamais supporté les étrangers.
    -Comment ça ? M'intriguai-je.
    -La formation qu'elle fait subir à tout le monde vers l'âge de quinze ans, elle ne sert à rien. M'informe-t-elle, me faisant écarquiller les yeux de surprise. Elle bloque l'évolution de chaque adolescent et elle les envoie sur une autre planète le temps qu'ils commencent à penser que les autres populations ne valent rien, et que les meiklaniens sont les meilleurs. Soupire-t-elle. Après seulement, elle les ramène sur Meikla et ils peuvent continuer à grandir normalement.
    -Mais moi, je n'ai jamais pensé du mal de la Terre. Et pourtant, je suis rentré assez rapidement sur Meikla.
    -Oui, mais à mon avis, elle t'a fait rentré plus tôt parce qu'elle voyait bien que tu t'attachais beaucoup trop à Abigail. Elle voulait limiter les dégâts. Méliana veut que le peuple meiklanien reste pur, qu'il n'y ai pas de mélange avec d'autre peuple. Elle serait capable de tout pour que ça reste ainsi.
    -Comment sais-tu tout ça ? Questionnai-je, assimilant toutes les informations que me donnait sans hésiter ma tante ; mais je me demande bien comment elle peut savoir tout cela, doutant fortement que Méliana lui ai confié ses secrets.
    -J'ai fait des recherches Kellian. Je m'intriguais de voir ces adolescents qui se mettaient à détester le peuple de la planète où ils sont allés après leur formation. Mais je reste tout de même prudente. Cette histoire a tout de même coûté la vie à ton père.
    -Comment ça ? Relevai-je.
    -Il est grand temps que tu saches pourquoi ton père a mystérieusement disparu. M'avoue-t-elle. J'ai fait mes recherches avec lui, et c'est ensemble qu'on a deviné. Sauf que lui, il menaçait Méliana de tout révéler à la planète si elle ne cessait pas cette arnaque. Elle a choisi la solution qui l'arrangeait, elle l'a tué.

    Je suis choqué par ces mots. Mon père est mort parce qu'il voulait qu'elle arrête de manipuler les gens, de les influencer. Parce qu'il voulait plus de justice, de liberté, il a été tué. Injustement.

    -Kellian, je pense qu'il voudrait mieux pour tout le monde que je retourne sur Terre. Me dit Abigail d'une petite voix.

    Je me tourne vers elle, n'en croyant pas mes oreilles.

    -Je ne veux pas que tu risques quoique ce soit à cause moi. Ajoute-t-elle pour se justifier. C'est de ma faute si ta mère a failli mourir. Et je ne veux pas que quelqu'un meurt par ma faute.
    -Ce n'est pas de ta faute ! La contredis-je sans même réfléchir. Tu as autant le droit que n'importe qui d'être ici ! Et ce n'est pas Méliana qui doit décider à ta place de partir ou non !
    -Tu as raison Kellian. Intervient ma tante. Mais il faut rester prudent. Méliana n'abandonnera jamais.
    -Moi non plus. Soufflai-je, déterminé.

    Moi non plus je n'abandonnerai pas. Abigail restera sur Meikla autant qu'elle le souhaitera, et ce n'est pas Méliana qui doit l'empêcher de rester ici. Je ferai tout pour qu'elle reste, quoiqu'il m'en coûte.

    -Il faut que je te dise autre chose Kellian. Me sort de mes pensées Bialana.

    Je la regarde, intrigué.

    -Ton père n'a pas été tué juste parce qu'il menaçait de tout révéler. Poursuit-elle, sans la moindre hésitation. Méliana avait aussi peur de lui. Ton père était un meiklanien très puissant. Il pouvait l'anéantir sans problème.
    -Je croyais que tous les meiklaniens étaient égaux en matière de puissance.
    -Oui, sauf pour une famille. Il y a très longtemps, deux personnes veillaient sur Meikla. Méliana bien sûr, et Victorio. Il était le jour, elle était la nuit. Leur alliance maintenait l'équilibre sur la planète. Mais Victorio a fini par se détourner de Méliana, en tombant amoureux d'une simple meiklanienne. Méliana a toujours très mal vu cette relation. Et de cette union est né un enfant, un garçon. Le problème, c'est que Victorio était déjà très puissant, une puissance égale à celle de Méliana, mais elle s'est additionné à celle de la meiklanienne. L'enfant était plus puissant que n'importe quel meiklanien, mais aussi plus puissant que Méliana ! Cela lui a fait peur. Elle a tenté de tuer le fils de Victorio, mais tu te doutes bien qu'il ne l'a pas laissé faire. Ils se sont fait la guerre pendant des années. Il voulait protéger ses descendants. Finalement, elle a fini par le tuer, mais Victorio a affirmé qu'un jour, l'un de ses descendant allait le venger et que lui enfreindrait les règles. Le problème, c'est qu'elle a perdu de vu l'enfant de son rival, ainsi que toute la descendance. Mais elle a fini par en retrouver un...
    -Mon père. Murmurai-je, ayant compris où elle voulait en venir.
    -Oui. Me confirme-t-elle en hochant la tête. Mais à l'époque, elle ne savait pas qu'il avait un fils. Elle pensait être débarrassée de la menace de Victorio. Par les esprits Kellian ! Il ne faut pas qu'elle découvre que tu es son fils ! Dès lors, tu courras un terrible danger ! Elle voudra à tout prix te tuer ! D'autant plus que tu es entrain de faire ce qu'avait prédit Victorio avant de mourir !

    Ces dernières phrases me font sursauter. Si mon père était un descendant de Victorio, cela veut donc dire que j'en suis un également. J'ai donc, en toute logique, les moyens de vaincre Méliana. Et d'un coup, elle me fait moins peur, et je sens une vague de courage s'emparer de moi.

    -Est-ce que cette histoire a un rapport avec le lien qui existe entre Abi et moi ? Demandai-je dans un souffle.
    -Se sachant trop faible pour gagner la bataille, Victorio a lancé un sort plutôt étrange. Me répond Bialana. Un sort qu'il a lancé dans les gênes de son arrière-petit-fils. Un sort qui fait qu'un jour, celui qui sera destiné à vaincre Méliana se liera d'un lien indestructible avec une personne non-meiklanienne. Une personne qui sera pour lui exceptionnelle, et qui le complètera. Comme pour deux pièces d'un puzzle si tu préfères. Mais en tout cas, grâce à cette personne, le descendant en question pourra atteindre la puissance maximum et Méliana n'aurait aucune chance face à cette puissance. Donc oui, votre lien a un rapport avec cette histoire. Et à mon avis Kellian, tu es le descendant de Victorio qui vengera sa mort.

    Je finis par me lever de ma chaise. Je viens d'apprendre beaucoup d'information, et cela devient dur de tout digérer. Sans même dire où j'ai l'intention d'aller, je sors de la maison. J'ai besoin de prendre l'air. Je marche dans la rue sans faire attention aux passants. Je suis perdu. Je suis déterminé à ce qu'Abigail reste ici, sur Meikla, mais je ne vois pas comment elle pourrait m'aider à atteindre la grande puissance qui permettrait de vaincre Méliana. Je crois à l'histoire de ma tante, une histoire que j'aurai fini par connaître vu que Victorio est connu sur Meikla. Bien que je me sais plus fort qu'elle, je ne peux m'empêcher d'avoir peur.
    J'arrive rapidement devant la rivière. Je regarde l'eau continuer sa route, pensif. Je ne sais pas quoi faire, et je me demande bien quand Méliana va de nouveau attaquer. Puisque je refuse de céder.

    -Kellian. M'appelle dans un murmure une voix que je connais bien.

    Je me retourne, et sourit. Le fait qu'elle m'ait suivi ne m'étonne pas.

    -Je pense vraiment que je devrais retourner sur Terre, ajoute Abigail tandis que je m'approche d'elle pour la serrer contre moi. Je ne veux pas que tu risques ta vie pour moi.
    -Tu restes ici. Décrètai-je. Tu n'as pas à partir. Méliana n'a pas à imposer sa loi comme ça. De toute façon, rien que la personne que je suis me mets en danger. Je veux que tu restes, parce que j'ai besoin de toi. Je sais que Méliana reviendra, mais je ne sais pas quand. J'aurai besoin de toi, puisque tu es ma force. Nous sommes liés, et ce n'est pas un soi-disant ange protecteur qui va changer cela.

    Elle sourit et je penche mon visage pour l'embrasser avec toute la tendresse que je peux lui transmettre. Puis je garde mon visage à quelques centimètres du sien, et je plonge mon regard dans le sien.

    -Tu n'as pas à partir, et je ferai tout pour te protéger. Susurrai-je.

    Les jours passent, et ma mère va beaucoup mieux. Ce qui me soulage. J'ai fini par interroger Bialana pour savoir comment elle avait réussi à la soigner. Elle a simplement répondu que c'était dû au fait qu'elles étaient jumelles et que le sang de l'une guérissait l'autre, même si fallait l'aide d'une formule pour que cela fonctionne.
    Tout pourrait aller dans le meilleur des mondes.
    Néanmoins, le fait que Méliana ne se soit toujours pas manifestée m'inquiète. Ce n'est pas normal. Je suis sûr qu'elle prépare quelque chose, une attaque, pour me punir de lui désobéir.
    Mais je ne veux pas changer d'avis. Je veux qu'Abigail reste sur Meikla, qu'elle le veuille ou non.
    Et puis un jour, alors que j'étais avec elle au bord de la rivière, un tremblement de terre nous fit sursauter. Je me lève d'un bond, alors qu'elle a plus de difficulté pour faire de même. Je la serre sans attendre contre moi, pour la protéger. Le sol se fend en deux et je faillis perdre l'équilibre, j'essaie de m'éloigner le plus possible de ce gouffre qui se forme, entrainant Abigail avec moi. Je suis persuadé que Méliana est derrière ce bouleversement, mais je n'ai pas le temps de m'en énerver. Je m'enfonce dans la forêt, préférant épargner le plus possible les habitants du village. Abigail tente de suivre mon rythme, mais avec beaucoup de difficulté, j'en ai conscience. Je finis par la prendre sur mon dos, et je continue ma course folle. Mais au bout de cinq minutes de course effrénée, je vois avec horreur un immense fossé qui a détruit plus de la moitié de la forêt, avec Méliana qui flotte au-dessus avec un air fier et malsain.

    -Tu ne pourras pas m'échapper Kellian Geilia. M'affirme-t-elle, alors que je pose Abigail au sol.

    Une sombre lumière noire apparaît dans ses mains, puis se jette droit sur nous. Je me jette sur le coin pour l'éviter, entrainant Abigail dans ma chute, qui pousse un cri d'effroi. Elle a peur, et je peux le comprendre. Après tout, elle n'est pas la seule. Je ne connais pas beaucoup de sorts, mais je réussis tout de même à créer une barrière de terre qui nous protégera, Abigail et moi.

    -Elle ne tiendra pas très longtemps. Soupirai-je, alors que Méliana s'acharne dessus.
    -J'ai peur Kellian. M'avoue-t-elle. Avant, Méliana était juste froide. Mais là, on dirait une vraie furie !
    -Je pense qu'elle a deviné de qui je descends. Sinon, elle ne s'acharnerait pas autant. Supposai-je.
    -Tout s'est passé si vite. Je ne comprends pas...
    -Méliana a attendu que ma mère aille mieux pour attaquer. Elle voulait que nous baissions notre garde pour nous prendre ma surprise. C'est pour ça que cela te semble si rapide. Je dois avouer, que c'est le cas pour moi aussi.
    -Qu'est-ce qu'on va faire Kellian ? Elle va nous tuer !

    La dernière phrase d'Abigail résonne dans ma tête. Il est vrai que si je ne fais rien, elle nous tuera tous les deux. Et je ne veux pas ça. Je ferme les yeux, et je réfléchis, cherchant une solution.
    Vite, une solution, vite, vite, vite...
    Et je finis par la trouver.

    -Abi, je voudrai te dire quelque chose. Murmurai-je soudain, sachant que ce que j'ai l'intention de faire est risqué.
    -Quoi ?
    -Je t'aime.
    -Pardon ?!
    -Je t'aime, plus que ma vie. Je pourrai décrocher les étoiles rien que pour toi. Et c'est pour toi, que je m'apprête à affronter Méliana. Parce que je ne pourrai jamais supporter de te perdre. Déclarai-je.
    -Kellian...
    -Je t'aime, ne l'oublie jamais.
    -Je... Je t'aime aussi. Me dit-elle, les larmes aux yeux.

    Je l'embrasse, peut-être pour la dernière fois. Ensuite je me lève, et saute par dessus le tas de terre.

    -Arrête de t'en prendre à elle ! Elle n'a rien à voir dans l'histoire ! Hurlai-je, sûr de moi. C'est moi que tu veux ? Alors viens m'affronter !

    Alors que j'essaie de l'attaquer avec les maigres moyens en ma possession, je constate avec horreur qu'elle continue de s'acharner sur le tas de terre qui protège Abigail, qui crie à chaque sort lancé dessus. Elle cherche à s'en prendre à Abi, pour m'atteindre.
    Je réfléchis, et je finis par préparer le sort le plus puissant que je connaisse. Je me concentre, puis une lumière blanche apparaît entre mes doigts. Puis, lorsque je sens que je risque de perdre le contrôle, je le lance avec précision sur Méliana, qui le reçoit de plein fouet. Elle ne s'y attendait pas.

    -Tu vas me le payer, descendant de Victorio. Affirme-t-elle, en râge. Prépare-toi à mourir.

    Et c'est alors qu'à l'aide d'un sort, elle me propulse dans le fossé qui est incroyablement immense. Je réussis néanmoins à m'accrocher au rebord. Mais je peux voir avec angoisse que Méliana vient de détuire la barrière de terre. Dans ma situation, je ne peux rien faire pour sauver Abigail...

    -Cours Abi ! Cours ! Sauve ta peau ! Hurlai-je alors que je m'accroche désespérément au bord du gouffre qui m'aspirait vers le fond.
    -Mais... Et toi ? Me répond-t-elle d'une voix suppliante, les larmes coulant sur ses joues abîmées par quelques écorchures.
    -Ne t'en fais pas pour moi ! Cours !

    Elle finit par s'exécuter. Je la vois courir droit devant elle et loin de la personne qui menace sa vie... et la mienne par la même occasion.
    Soudain, mes mains lâchent le bord et je tombe dans le gigantesque fossé. Je ne crie pas de peur, déjà parce que je ne ressens aucune crainte mais aussi parce que je ne voudrais pas lui donner ce plaisir. Je ferme les yeux pour ne pas voir le visage de mon assassin et un flot de souvenirs s'empare de ma mémoire.
    Je me souviens de tout, dans les moindres détails. Un faible sourire apparaît sur mes lèvres.
    Je tombe dans le vide dont j'ai l'impression qu'il est sans fin. J'ai perdu. Elle a gagné. Abigail va mourir, les gens vont continuer à être manipulés, et je n'aurais rien pu faire pour changer les choses.
    Je vais mourir.

    Sauf que la mort ne vient pas. Je n'ai même plus l'impression de tomber. Au contraire, j'ai même l'impression de flotter dans les airs. J'ouvre doucement les yeux et constate que je suis entouré d'une forte lumière blanche. Je sursaute surpris, mais pourtant, je ne bouge pas d'un millimètre. Je ne sais pas ce qui m'arrive. Cependant, à travers cette forte lumière, je peux apercevoir le visage à la fois étonné et effrayé de Méliana.
    Et soudain, j'ai l'impression que quelque chose pousse dans mon dos. J'essaie de tourner ma tête pour voir ce qui se passe et je vois deux grandes et magnifiques ailes blanches qui se déploient derrière moi. La lumière passe à travers, elles brillent légèrement, mais on peut parfaitement les distinguer. Elles se mettent à fendre l'air sans que je ne m'en rende compte. La forte lumière qui m'entourait disparait lentement et je me retrouve propulsé quelques mètres plus haut. Je sens le vent sur mon visage et j'ai du mal à croire ce qui m'arrive. Je vole, il n'y a aucun doute là dessus. J'ai des ailes qui me sont poussés dans le dos. C'est incroyable, un sourire émerveillé apparaît sur mes lèvres.
    Mais un grognement de rage me fait revenir à la réalité. Je me tourne vers Méliana avec une assurance que je ne me connaissais pas. Elle se jette sur moi mais je l'évite sans aucun problème. D'instinct, une boule de forte lumière blanche apparaît dans mes mains et je l'envoie directement sur elle. La seconde suivante, elle s'écrase sur le sol. Elle est quelque peu étourdie à cause du choc, et je suis moi-même surpris de la puissance que je dégage. Sauf que, contre toute attente, elle n'essaie pas de répliquer. Elle se précipite autre part... vers une autre personne. Mon regard va dans la même direction qu'elle et je vois Abigail qui a dû s'arrêter en voyant la lumière blanche qui m'a entouré quand je suis tombé. Elle me fixe, surprise par ce qui vient d'arriver, mais elle ne remarque pas Méliana qui fonce sur elle. Et avant que j'ai pu faire quoique ce soit, un sort terriblement noir la percute de plein fouet et elle est projetée avec violence contre un rocher. Je hurle son prénom, inquiet. Puis l'inquiétude fait place à la colère, puis à la haine. Cela ne va pas se passer comme ça. Enervé, je prépare un nouveau sort, plus puissant que le précédent. Je ne sais pas ce que je suis devenu, mais je suis plus fort maintenant. Et j'ai bien l'intention de me servir de cette nouvelle force pour mettre Méliana hors d'état de nuire. Le sort est de plus en plus puissant, et je commence à ressentir des difficultés pour la contrôler. La limite atteinte, je me concentre pour viser juste. Je ne dois pas la rater, un sort comme celui-là causerait beaucoup trop de dégâts. Elle se précipite vers moi, voulant s'en doute m'empêcher de l'attaquer.
    Il faut que je l'envoie. Maintenant.
    J'ai peur de la rater. Si le sort passe à côté d'elle, c'est Abigail qui sera touchée. Je concentre de toutes mes forces. J'essaie de faire le vide dans ma tête.
    Il faut que je l'envoie... Maintenant !
    Le sort quitte mon emprise, se dirige directement vers Méliana, et atteint sa cible. Elle se retrouve au centre de la boule de lumière, prisonnière. Elle souffre, elle hurle de douleur. La boule commence à trembler et j'ai le pressentiment que ça va exploser, puisqu'évidement, Méliana tente de se défendre, d'échapper à la mort. Je me précipite vers Abigail pour la protéger de la violence de l'explosion qui menace. Mais trop tard. La boule de lumière explose avec Méliana, je suis projeté de l'autre côté du rocher qui est derrière Abigail, et cette dernière est sans moyen de protection.
    Quelques minutes passent, et tout redevient calme. Je grimpe en haut du rocher et constate que la seule trace de la bataille qui vient d'avoir lieu est l'immense gouffre.
    Je descends du rocher pour être à côté d'Abigail. Elle est roulé en boule, sans doute une tentative de se protéger de l'explosion. Je la retourne pour voir son visage et je vois qu'il est en sang. Mon cœur se serre. Je m'approche de son visage et remarque qu'elle ne respire plus. Les larmes me montent aux yeux, pour ensuite commencer à couler sur mes joues.

    -Non... Non... Ce n'est pas possible... Murmurai-je ayant du mal à croire l'évidence. Non... Elle ne peut pas... Non.. Non ! Criai-je ensuite, mon visage commençant à être ravagé par les larmes. Non ! Ne me laisse pas ! Je t'en supplie ! Non !

    Assis par terre, sa tête sur mes genoux, je pleure. J'ai sauvé ma planète de l'emprise de Méliana, mais je n'ai pas réussi à sauver celle qui compte le plus pour moi. Celle qui m'a accepté comme je suis, et même après qu'elle a su que je n'étais pas terrien. Celle avec qui je suis relié par un lien très fort. Je me sens vidé d'une partie de moi-même. Je ne fais pas attention à mes propres blessures et pleure la mort de mon premier et, sans aucun doute, unique amour.
    Une larme tombe sur son doux visage. Puis une autre. Je remarque à peine que les blessures disparaissent du visage d'Abigail pour être finalement un lointain souvenir. Je ne fais pas attention non plus qu'elle prend une grande bouffée d'air pour respirer de nouveau. Je ne vois toujours pas ses yeux noisette s'ouvrir doucement. Je suis aveuglé par les larmes, ce qui m'empêche de voir que je n'ai plus aucune raison de pleurer.

    -Kellian... M'appelle-t-elle pour me faire réagir.

    Je la regarde, et constate que toutes les blessures ont disparu de son visage, comme si la bataille n'avait jamais eu lieu. Je souris, soulagé et heureux, et je la serre contre moi.

    -J'ai eu tellement peur. Murmurai-je.
    -Je comprends, mais je suis là, ne t'inquiète pas. Je suis là et je vais bien.

    Je plonge mon regard dans le sien. A travers ses yeux, j'arrive à voir mon reflet, et je suis époustouflé. Je n'ai aucune blessure, ma peau est claire et lisse, mes cheveux sont encore plus dorés qu'avant, ma marque brille simplement, et elle n'est plus bleutée. Je baisse mon regard sur le reste de mon corps. Des reproductions de ma marque sont présentes sur le dos de mes mains, scintillant à la lumière. Ma chemise ouverte laisse entrevoir une musculature parfaitement dessinée.

    -Tu es magnifique. Me dit-elle dans un souffle.
    -Oui. Ne puis-je m'empêcher d'admettre. Toi qui peut me voir, qu'est-ce que je suis devenu ?
    -Un ange. Tu ressembles à un ange.
    -Mais... Comment est-ce possible ?
    -Si je me souviens bien, ton ancêtre, Victorio, représentait le jour. Le jour, c'est la lumière. La lumière c'est le paradis. Les anges viennent du paradis. Tu aurais dû mourir en tombant dans le fossé. Mais, en tant que descendant de Victorio, tu es devenu un ange. Un incroyable et magnifique ange.

    Elle tend une main vers mon visage et je sens ses doigts parcourir ma peau.

    -C'est fini maintenant ? Il n'y aura aucun soucis ?
    -Oui, c'est fini.

     

     


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  • Quelques jours plus tard, le village de Nakla a retrouvé son calme d'origine. Après l'annonce de la mort de Méliana et que la manipulation qu'elle exerçait sur les meiklaniens a été révélée à la population, une fête en l'honneur de cette libération a eu lieu, célébrant ainsi la victoire de Kellian contre Méliana. Les habitants de Nakla accueillirent à bras ouverts la jeune Abigail, qui était la bienvenue sur Meikla.
    Et, en ce début de matinée, les deux adolescents se trouvent au bord de la rivière, comme chaque jour. C'est devenu une petite habitude, qu'ils apprécient beaucoup.

    -Alors, ta tante t'a dis ce que tu es devenu exactement ? Demande la jolie brune.
    -Oui, et tu avais raison. Sourit Kellian. Sur toute la ligne. Mais elle dit que ce que j'ai réussi à faire le jour de la bataille contre Méliana n'était qu'un aperçu de mes capacités. J'ai encore beaucoup à apprendre. Elle m'a d'ailleurs appris que ce sont mes larmes qui t'ont guéri, et sauvé la vie.
    -D'accord et de toute façon, tu étais déjà un ange avant d'en être un physiquement.
    -Merci.
    -Tu vas faire quoi maintenant ?
    -Il faut quelqu'un pour protéger Meikla, l'informe-t-il. Je pense qu'une fois que j'aurais vu toute l'étendue de mes pouvoirs, je pourrai prétendre à ce rôle.
    -C'est super.
    -Oui.

    Un doux silence s'installe, durant lequel ils se contentent de regarder l'eau de la rivière suivre son cours.

    -Je te ramènerai sur Terre si tu veux. Souffle l'ange. Ta famille doit s'inquiéter.
    -Tu vas me prendre pour une folle sans cœur, mais je n'ai pas envie de rentrer sur Terre, avoue Abigail, sans aucune honte. Je me sens très bien sur Meikla. Et je ne pourrai pas supporter d'être loin de toi. Et puis, un terrien pourrait te voir et immédiatement, les scientifiques s'intéresseront à ton cas. Non, je préfère éviter. Il ne faut pas que la Terre soit au courant de l'existence de Meikla.
    -Pourquoi ? S'intrigue bien évidemment Kellian.
    -Parce qu'ils voudront tout contrôler, ne voyant qu'un territoire en plus pour faire du commerce, pour faire bouger l'économie. Mettre la Terre au courant de l'existence d'une autre forme de vie sur une autre planète, c'est signer l'arrêt de mort de Meikla et de ses habitants.
    -Tu as une vision bien pessimiste de ta planète. Remarque-t-il.
    -Oui. Confirme Abigail sans la moindre hésitation. Mais c'est mon opinion.
    -Abigail, tu n'es pas une folle sans cœur. Dit-il soudain, faisant sourire l'adolescente.
    -Kellian, tu m'apprendras ta langue un jour ?
    -Je pourrai même te l'intégrer dans ta tête si tu veux. Ce serait comme si tu l'avais parlé toute ta vie. Mais avant, il faut que je maîtrise le sort. Cela risque de prendre un moment.
    -Ce n'est pas grave. Nous avons toute la vie devant nous. Je t'aime.
    -Je t'aime aussi Abigail. Pour toujours, quoiqu'il arrive.

    Il l'embrasse avec toute la tendresse qu'il peut lui transmettre, puis il la prend dans ses bras. Il déploie ses longues ailes blanches et s'envolent dans les airs. La jeune fille ne fait pas attention au vide sous eux, regardant les yeux d'un vert magnifique qui brillent de milles feux. Ils survolent la forêt, et Abigail est émerveillée par la beauté du paysage, avant de se concentrer à nouveau sur Kellian. Ils se regardent dans les yeux, oubliant tout le reste. Seuls eux comptaient à présent. Leurs lèvres se joignent de nouveau, telle une promesse éternelle.

    Parce qu'ils avanceront main dans la main pour l'éternité,
    Sans que rien ni personne ne puissent les séparer.
     
     

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