Durant la soirée, Keith s’amusait à préparer des cocktails, tenaient vainement de les proposer aux filles présentes, que toutes refusaient avec le sourire. La jeune fille rousse était un peu mal à l’aise devant les insistances du jeune homme, mais Alicia s’empressait de lui venir en aide en lançant des boutades à son ami, secondée avec un grand plaisir par Amelia qui ne perdait pas une occasion de lancer des piques à son souffre-douleur préféré. Cela ne le décourageait pas, et Curtis, agacé, finit par lui demander d’arrêter. Il savait qu’il ne cherchait qu’à la taquiner, mais comme on dit, les blagues les meilleures sont les plus courtes. A force, il ne faisait qu’accentuer le malaise de sa petite amie. Keith finit par se résigner dans un haussement d’épaules, finit son verre cul sec avant d’augmenter le volume de la musique, se fichant éperdument des voisins qui avaient fini par avoir l’habitude. Alors qu’il se dirigeait vers les deux amies –Alicia et Amelia -, il sursauta  suite au changement de musique dans la playlist. Il s’agissait d’une chanson du chanteur Tyler, son dernier tube en date.  

-C’est qui qui a foutu cette daube ? S’exclama-t-il vivement, outré que quelqu’un ait osé saccager sa playlist. Le « King de la Night », c’était lui, et ses playlists, c’était sacré !

-Ophélie aime bien ses chansons ! Se dénonça aussitôt Amelia avec un sourire narquois, qui avait profité de la petite altercation de Keith et de Curtis pour modifier légèrement la playlist. Ayant discuté un peu avec la demoiselle avant le début des festivités, elles avaient pu échanger sur leurs goûts musicaux respectifs.

-Sacrilège ! Sacrilège ! Curt’, me dis pas que tu sors avec une meuf qui aime … qui aime ces… Raaah ! J’ai même pas les mots ! Geignit-il alors que la demoiselle se fit toute petite derrière son petit ami, qui lui, leva les yeux au ciel.

-Je ne suis pas fan non plus, mais évite de dénigrer les goûts des autres. Soupira-t-il finalement, tandis que Keith se jeta sur son ordinateur pour enlever l’abomination auditif de sa précieuse playlist. Et heureusement que Lizzie n’est pas là, je ne suis pas certain qu’elle aurait apprécié tes réflexions.

-Pourquoi ?

-Parce que Tyler est son père, abruti ! Répliqua alors Alicia indignée. Sérieusement, tu l’ignorais ? Ça n’a jamais été un secret !

-Je ne devais pas être là quand elle l’a dit !

-Dis surtout que tu n’as pas écouté, comme d’hab ! Ni que tu ais fait attention, elle lui ressemble tellement que c’est comme si elle portait H24 une pancarte avec écrit « Je suis la fille de Tyler, le chanteur ! »

-En même temps, quand on n’a pas de cervelle… Sifflota Amelia, qui se délectait de la situation de Keith qui semblait davantage dans les profonds méandres de sa bêtise. 

Le jeune homme lui jeta aussitôt un regard noir, qu’elle ignora avec un grand sourire amusé. La fête reprit son cours dans la bonne humeur, l’incident musical ayant vite été oublié. Curtis se montra particulièrement prévenant avec sa petite amie qui avait du mal à entrer dans l’ambiance, mais se laissa porter par l’attention du jeune homme qui ne la lâchait pas une seconde et la joie communicative d’Alicia.  A la fin de la soirée, la fatigue se faisait sentir, et Amelia appela un taxi pour rentrer chez elle, et pesta contre sa petite sœur qui ne semblait pas décidée à décrocher son téléphone alors qu’elle essayait de l’avertir de son arrivée imminente sur le lieu de sa propre soirée. Ophélie, quant à elle, ne bougea pas de l’appartement, Curtis lui ayant proposé de passer la nuit ici. Elle avait été très gênée lorsqu’il lui avait proposé cela au moment de son invitation à la soirée, mais elle avait réalisé que cette solution était la plus simple. Keith ronflant sur le canapé, Curtis et Alicia laissèrent Ophélie prendre la salle de bain en première, si bien qu’elle attendit son petit ami, seule, dans sa chambre, le temps que celui-ci se prépare pour la nuit. 

La situation la mit terriblement mal à l’aise. Elle se demandait si l’invitation à rester dormir n’était pas une manière pour lui d’amorcer une nouvelle tentative d’approche, après avoir montré qu’il avait su rester sage la fois où il était resté dormir chez elle. A cette pensée, elle se souvint de sa tenue très légère et minimaliste de cette nuit-là et le rouge lui monta aux joues. Elle ne cessait de revoir cette image dans sa tête, sans pour autant oser se l’avouer. Elle ne pouvait nier que Curtis était particulièrement séduisant et très attirant, en particulier lorsqu’il était ainsi dévêtu, et de drôles pensées s’insinuaient dans son esprit. Elle tenta de les chasser, de penser à autre chose qu’au corps parfait de son petit ami, honteuse, mais cela s’avéra mission impossible lorsqu’elle revint à la réalité qu’elle allait une nouvelle fois dormir avec lui. Elle espérait, et craignait, l’arrivée de Curtis dans sa chambre, souhaitant que cela calme ses tergiversations.

-Ophé, tout va bien ? Lui demanda d’ailleurs celui-ci qui venait tout juste d’entrer à l’intérieur de la pièce, et qui avait remarqué l’air ailleurs et les rougeurs de sa petite amie. Elle sursauta, leva la tête vers elle, et ses joues semblèrent foncer davantage. Il ne put réprimer un sourire amusé.

-Euh, oui. Pourquoi ? Marmonna-t-elle au comble de la gêne. Curtis avait beau un large pantalon de pyjama blanc, son débardeur bleu moulant le rendait terriblement sexy. La jeune fille voulait s’auto gifler pour penser ainsi tellement que ses préoccupations l’embarrassaient.

 -Tu semblais ailleurs… Et tu es toute rouge. Lui fit-il remarquer avec amusement.

Elle l’observa avec des yeux ronds et posa aussitôt ses mains sur ses joues, manquant de mourir de honte. Curtis laissa échapper un petit rire, avant de la rejoindre sur le lit. Il la prit dans ses bras, planta ses yeux marrons dans son regard fuyant, et lui déposa un baiser sur la joue. Il la garda dans ses bras le temps qu’elle se détende. Elle savoura son contact, sa proximité, sa tendresse, et regretta quand il s’éloigna d’elle. Il lui souriait, ses yeux pétillaient, et il l’embrassa doucement comme s’il avait peur de la briser. Il s’installa ensuite sous les couvertures, invitant Ophélie à faire de même. Il la serra contre lui, lui murmura un tendre bonne nuit, et se laissa emporter dans les bras de Morphée. Encore une fois, il n’avait rien tenté. Il souhaitait davantage amorcer une véritable conversation avec sa petite amie sur la question de sa première fois afin de connaître ses attentes et ses craintes, de ce, avant de tenter effectivement quoique ce soit. Mais comme il ne voulait pas la brusquer ni l’embarrasser, il lui laissait le temps de se poser ses propres questions, d’assumer ses propres désirs qu’elle devait commencer à ressentir s’il interprétait correctement son attitude. Il voulait que ce soit elle qui ose entamer la discussion.

Et il semblerait qu’il ne soit pas trompé. Ce soir, alors que Curtis sombrait sans le moindre problème dans le sommeil, Ophélie semblait déçue que ce dernier soit resté complètement marbre face à sa proximité.