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    -Votre sœur ? Releva Carson en fronçant les sourcils, son coeur se serrant face au pressentiment qu'il l'assaillait soudain. 

    Il avait écouté les informations ce matin... Se pourrait-il ... ? 

    -Ma sœur.... Ma sœur est... Ma sœur est morte ! S'écria-t-elle brusquement avec rage. Le poignard cruelle s'enfonça dans sa poitrine, lui arrachant ses dernières illusions. 

    Elle explosa en sanglots, incapable de s'arrêter. Le coeur en miette, ensevelie par la douleur, la colère et le chagrin, Katryn ne parvenait plus à se contrôler. Elle se ratatina en elle-même, oubliant de nouveau le monde, ignorant le regard choqué du jeune homme qui se tenait en face d'elle. 

    Il savait qu'un corps avait été retrouvé par un sans abri. Il savait que la victime était jeune. Il savait que c'était probablement l'oeuvre du Chasseur. Mais il ignorait que cela pouvait le toucher à ce point, que la malheureuse pouvait être plus proche de lui qu'il ne l'imaginait. 

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    Voyant la jeune femme tanguer, ne devenant qu'un pantin désarticulé par l'injustice de l'existence, Carson la prit fermement par les épaules. Il tenta de se montrer réconfortant. Il lui dit doucement qu'il s'occuperait de tout ce qui concernait l'entreprise. Il annulera tous ses rendez-vous sans donner de nouvelles dates. Il informera les autres collaborateurs qu'il faut laisser leur patronne tranquille. Il fera tout pour qu'elle n'ait pas à se préoccuper d'une chose aussi futile qu'une agence matrimoniale.

    Il lui assura ensuite qu'elle n'était pas toute seule. La vie était cruelle, mais elle n'était pas toute seule pour l'affronter. Son époux allait certainement rappliquer en quatrième vitesse suite à ce tragique événement, elle avait des amis, et il lui certifia qu'elle pouvait l'appeler à n'importe quelle heure. Il n'était que son assistant, mais elle pouvait compter sur lui. Il lui promit de la soutenir sans condition, aussi longtemps qu'elle le souhaitera, tant qu'elle en aura besoin. Il lui promit de tout faire pour l'aider dans cette épreuve.

    Après tout, il comprenait parfaitement sa douleur. Lui aussi avait déjà perdu des membres de sa famille...

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    Bercée par la voix douce et réconfortante du jeune homme, Katryn commença petit à petit à se calmer. Enveloppée dans une aura de compassion sincère et confortable, sa crise finit par passer. Elle leva brièvement ses yeux bouffis et rougis en direction de Carson qui continuait de lui parler posément et laissa échapper un soupir de chagrin. En réaction, le jeune homme se permit de se rapprocher davantage pour frotter doucement le dos de Katryn, hésitant à lui offrir une étreinte amicale pour lui montrer davantage qu'il ne voulait que la soutenir. Elle était si désemparée qu'il en était mal à l'aise.

    -Elle n'avait que 19 ans... Pourquoi elle ? 

    -Je l'ignore. La vie suit sa propre logique qui nous dépasse.

     

          


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    Déboussolée, Katryn se jeta sans réfléchir dans les bras du jeune homme qui ne broncha pas. Elle s'accrocha à lui comme si sa vie en dépendait, comme si elle serait définitivement perdue si elle venait à le lâcher. Elle avait besoin de se sentir soutenue, de sentir qu'elle n'était pas toute seule dans ce monde sans pitié. Elle voulait être comprise, elle voulait qu'on l'empêche de sombrer dans le désarroi le plus profond. 

    Elle voulait de la chaleur humaine pour éviter que son coeur ne devienne qu'un amas de glace sans vie, sans espoir, soumis aux mains de l'existence impitoyable. 

    Elle ne voulait pas être seule à affronter les terribles coups du sort. 

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    Carson ne prononça plus le moindre mot. Il se contenta de resserrer son étreinte autour de la jeune femme en perdition. Il voulait se montrer protecteur, lui montrer son soutien sans faille. Plus que des mots, elle avait besoin de gestes. Elle venait de s'enfoncer dans le monde noir de la mort, de l'abattement de la vie qui ne faisait aucune différence parmi les vivants, il ne fallait pas qu'elle soit seule pour pouvoir en sortir. Il n'y avait pas d'autres choix que d'y passer, mais il ne fallait pas qu'elle devienne une destination. 

    Carson leva les yeux au ciel, se demandant soudainement si un autre monde existait au-delà de l'univers des vivants. Que devenait-on lorsque la Faucheuse venait nous chercher ? Existait-il un autre monde ? 

    Le jeune homme se mot alors à espérer, que si cet autre monde existait, cette Ophélie qui venait de le rejoindre pourrait guider son aînée vers la bonne route, afin qu'elle puisse continuer son chemin sans être troublée par les ombres crochues de la souffrance... 

     

     


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    Au bout de plusieurs minutes, Katryn finit par s'éloigner du jeune homme. Elle souffla un coup pour essayer de reprendre ses esprits puis entreprit de marcher un peu, promettant à Carson de revenir bientôt vers lui. Celui-ci se contenta d'hocher la tête pour ensuite la surveiller du coin de l’œil. 

    Il laissa finalement échapper un soupir de dépit. Visiblement, le monde ne semblait plus vouloir tourner rond. Il avait bien du mal à se remettre du retour surprise d'Eleonore la veille, ayant bien du mal à penser à autre chose depuis, se faisant en même temps du soucis pour Ryan qui ne répondait toujours pas à ses appels et voilà que maintenant sa supérieure venait de subir la perte tragique et injuste de sa petite sœur. 

    Il était indéniable que la période était sacrément mauvaise et il se mit à se demander ce qui pourrait bien lui tomber dessus dans les jours à venir. Le destin semblait tellement s'amuser qu'il n'allait certainement pas s'arrêter là. 

    -Je vous raccompagne chez vous. Décréta-t-il en voyant Katryn revenir vers lui. Hors de question que je vous laisse faire le chemin seule dans votre état, et vous avez besoin de repos. 

    -Carson, je pense qu'il serait peut-être temps qu'on se tutoie, non ? Soupira la jeune femme en guise de réponse. Elle n'avait pas la force de lutter, et n'en avait de toute manière pas l'intention. Devant l'air étonné de son interlocuteur, elle se décida à préciser sa pensée. Après avoir été là pour ma fausse couche et maintenant pour ma sœur, je pense que le vouvoiement devient ridicule. 

    -Comme tu veux. En haussa-t-il simplement les épaules, indifférent à cette simple question de politesse. 

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    Le chemin vers la maison de Katryn se fit à pieds et en silence. La jeune femme n'avait pas sa voiture et avait de toute façon, besoin de marcher. Carson n'avait pas protesté, et s'était contenté de se tenir à côté d'elle. Il gardait un œil sur elle, mais veillait à ne pas se montrer trop intrusif. Katryn conservait les bras croisés sur elle, la tête baissée, nerveuse à l'idée de rentrer dans sa maison vide. 

    Vide la présence de sa sœur. 

    Elle se mit à craindre cette solitude imposée, et la marche était un bon moyen pour retarder l'inévitable. Elle savait bien qu'il fallait qu'elle rentre chez elle, n'ayant pas d'autres choix, mais cela voulait signifier devoir affronter l'idée que plus jamais Ophélie ne franchirait le seuil de la porte. Et elle se sentit brusquement mal en reconnaissant l'entrée de sa maison.

    -Ça va aller ? Demanda stupidement Carson, mal à l'aise, ne sachant pas quoi dire d'autre. Il regarda la maison, puis Katryn et soupira. Il aurait du se douter que retrouver une maison vide n'allait pas être simple pour cette femme endeuillée, amputée d'un proche membre de sa famille.

    -Je n'ai pas tellement le choix. Souffla exagérément Katryn, tentant de conserver son calme. Il fallait absolument qu'elle maîtrise son chagrin si elle voulait surmonter les prochains jours où elle allait devoir jongler entre l'enquête de la police et l'organisation des obsèques de sa petite sœur.

    -Tu devrais appeler ton mari. Je suis certain qu'il devrait pouvoir rentrer rapidement dans un cas comme celui-ci.

    -C'est ce que je vais faire. Marmonna-t-elle avant d'avancer vers la porte d'entrée sans parvenir à contrôler ses tremblements nerveux.  

     

     


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    -Katryn ? L'appela alors Carson, inquiet pour la jeune femme après avoir remarqué ses tremblements. Cette dernière se retourna alors, affichant encore un regard plein de larmes et un visage désabusé. -Tu veux que je reste avec toi ? L'agence peut attendre encore un peu, et je n'ai pas spécialement envie de te laisser toute seule. 

    -Ça va aller Carson. Tenta-t-elle de le convaincre, mais sa voix déraillant trahit son absence d'assurance. Il faut quelqu'un pour ouvrir l'agence cette après-midi... Et... 

    -Katryn, dis moi ce que tu veux que je fasse, et je le ferai. L'agence doit être le cadet de tes soucis en ce moment, alors laisse-moi m'occuper de tout. 

    -Contente toi d'annoncer une fermeture exceptionnelle. Lui demanda simplement la jeune femme après une brève réflexion. Deux semaines pour... Une remise à niveau de nos serveurs... Et de rangements de nos dossiers... Bredouilla-t-elle, incapable de réfléchir correctement, ne parvenant pas à réaliser qu'une telle excuse ne duperait personne. Puis, devant la moue dubitative du jeune homme, elle ajouta. Contente toi juste de ça Carson. Ça sera mieux pour tout le monde si on ferme.

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    -Très bien, je vais organiser pour une fermeture dès demain. Confirma le jeune homme en se voulant rassurant. Ne t'en fais pas, je gère cela, tu n'auras rien à faire. 

    -Merci Carson. Sourit brièvement la jeune femme, tout en baissant tristement la tête. Pour tout. 

    -Il n'y a pas de quoi. Si tu as besoin de parler, ou autre, tu peux m'appeler. De jour comme de nuit, cela ne me dérange pas, n'hésite pas. Lui rappela-t-il sans manifester une once d'hésitation. Il lui sourit gentiment, puis s'approcha d'elle pour lui déposer un baiser plein de compassion sur la joue. Il lui promit de l'appeler le lendemain pour prendre de ses nouvelles, et lui réaffirma qu'il était là pour elle si jamais elle en manifestait le besoin. 

    En posant la main sur sa joue, Katryn ne put retenir un sourire, touchée par l'attitude de Carson. Le jeune homme se mettait en quatre pour elle, pour la soulager et l'aider du mieux qu'il pouvait, et elle ne pouvait rester de marbre face à tant de gentillesse et de compassion. Dès qu'elle sera en état d'aligner deux pensées cohérentes, il faudra qu'elle songe à le remercier correctement. Une telle attitude ne pouvait se contenter d'un simple merci. 

     

      

     


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    Après que Carson ait disparu de son champ de vision, Katryn se tint face à la porte d'entrée de sa maison. Elle posa une main tremblante sur la poignée, et respira un grand coup. Les jours à venir allaient être difficile, il fallait qu'elle parvienne à franchir cette entrée sans que cela ne devienne une véritable épreuve. Même si Ophélie n'était plus là, même si elle ressentirait son absence entre ces murs, elle ne pouvait décemment pas rester dehors indéfiniment. 

    Puis, elle remarqua que la porte était déjà ouverte. La jeune femme fronça les sourcils, persuadée de l'avoir fermé avant de partir. Elle leva la tête et aperçut une personne assise sur le canapé au travers de la fenêtre. Katryn ouvrit doucement la porte pour rentrer chez elle, et eut bien du mal à en croire ses yeux. Il n'était pas aussi bien habillé que d'habitude, ses cheveux n'étaient pas soigneusement bien coiffé, mais il était bien là, et non à l'autre bout du monde. 

    Finalement, elle n'aura même pas besoin de l'appeler. 

    -Je voulais te faire une surprise. Marmonna Jared en voyant son épouse sur le pas de la porte, visiblement surprise de le revoir. Il gardait la tête baissé et ses mains tremblaient de nervosité. Je voulais te faire une surprise en rentrant plus tôt... Et... 

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    -Oh Kat', je suis tellement désolé. Souffla-t-il, l'air ailleurs, avant de se lever vers elle pour la serrer contre lui. Il n'eut pas besoin d'en dire plus, Katryn comprit qu'il était déjà au courant. 

    Elle n'attendit pas une seconde de plus pour se laisser aller dans ses bras si familier et qui lui avaient tant manqué. Elle l'avait presque oublié, son tendre époux, dans toute cette histoire. Obsédée par la perte de sa sœur, elle avait oublié qu'elle n'était pas sans famille. Il était son mari, celui à qui elle a juré amour et fidélité jusqu'à ce que la mort les sépare, celui avec qui elle a voulu avoir des enfants.

    C'était lui, et seulement lui, sa famille dorénavant.

    Il était tout ce qui lui restait désormais.

     

     


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