• Chapitre 2 - Tania

    Je me réveille doucement après cette longue nuit peuplée de satanés cauchemars. Ma vision est encore trouble mais j'arrive à apercevoir la cause de mon réveil : les rayons du soleil. J'ai oublié de fermer les planches de bois qui servent de volets hier soir, je m'en rends compte maintenant. Tant pis pour moi ! Je me redresse pour me retrouver finalement assise sur le lit, très inconfortable. Je soupire de fatigue en frottant les yeux pour tenter de me réveiller un minimum. Ensuite, je me lève et j'avance d'un pas lent vers la salle de bain dans l'intention de prendre une bonne douche bien froide. Rien de mieux pour quelqu'un qui est dans les choux, - bien qu'il faut être complément fou pour laisser ne serait-ce une goûte d'eau glacée toucher sa peau et dans ce cas, j'admets que je le suis-. Enfin, c'est mon avis personnel. Environ un quart d'heure plus tard, j'arrive dans la partie cuisine de la pièce principale, vêtue d'un simple pull noir et d'un jean et surtout, bien éveillée pour une nouvelle journée d'enfer. Je me dirige vers la cafetière, dans l'idée de faire mon café qui me servira de petit-déjeuner, mais avant, j'allume la radio pour avoir un fond sonore. Je n'écoute pas vraiment, après tout, les informations ne sont pas importantes pour moi. Mais après avoir vaguement entendu « flash spécial », quelque chose attire mon attention...

    « Flash spécial ! Nous venons d'apprendre la mort d'une femme d'une trentaine d'années dont le décès serait survenu cette nuit, entre minuit et deux heures du matin. Son corps a été retrouvé dans une ruelle, pas loin d'un bar. La police interroge d'éventuels témoins. Mais nous n'en savons pas plus pour l'instant. Nous vous demandons de rester prudent... »

    Près du bar, un meurtre dit-il ? Mince alors, ça aurait pu être moi, et non cette femme. Peut être était-elle mariée. Peut être avait-elle des enfants. Peut être qu'elle avait une vie belle et tranquille, sans histoire. Enfin, une chose est sûre : elle ne méritait certainement pas de quitter prématurément le monde des vivants. Par contre, moi ça ne m'aurait pas déranger, bien au contraire. Il aurait dû me tuer moi, comme ça, elle aurait continuer sa vie tranquillement, sans se soucier de rien. Je n'aurais manqué à personne moi, vu que je n'ai personne. Vu que je suis seule et solitaire. Seule infiniment seule. Et à vrai dire, pour le moment, cela me convient parfaitement. Je ne veux plus ressentir le bonheur d'avoir quelqu'un toujours prêt à m'écouter, à passer du temps avec moi, rire avec moi et tant d'autre chose que l'on fait entre ami. Je préfère rester dans ma triste solitude, ayant perdu l'habitude d'avoir quelqu'un qu'on appelle « proche ». Je bois doucement mon café, laissant libre court à mes pensées à nouveau. Je prends mon temps, après tout, la journée sera encore une fois longue –très longue même- et il faut bien la passer. Je n'ai pas le choix. Je subis la vie. Je la regarde défiler devant mes yeux bleu océan sans rien faire. N'importe qui aurait, peut être, déjà péter les plombs depuis longtemps, mais je ne suis pas n'importe qui. Je me répète je sais, je suis lâche donc incapable de mettre à fin à cet enfer. Incapable de dire adieu à ma douleur constante. Incapable de déchirer la page de mon passé. Incapable de faire quoique ce soit en résumé. Alors je laisse faire, attendant patiemment la fin. En buvant mon café, je repense à mon passé. J'ai plusieurs fois tenté de me battre pour ressentir ne serait-ce qu'un tout petit peu de bonheur, en vain. J'ai fini par baisser les bras et de me mettre à errer dans différentes villes de ce pays. Je ne pourrai dire dans quel Etat je vis, car j'ai fait le vide dans mon esprit, oubliant mon environnement pour ne garder en tête, que mon ancienne vie et mon vieux masque de femme heureuse. Je devrais oublier, oui je devrais. Mais je ne peux pas. Chaque nuit, j'en fais des cauchemars. Ces souvenirs me hantent. Alors je les laisse, pour me mener, peut être un jour, à mon autodestruction. Et je n'attends que cela. Car cette vie me lasse. Pour moi, c'est un véritable enfer de ressentir toute la souffrance que j'éprouve.
    Soudain, quelqu'un frappant à la porte de la chambre de motel où je loge me fait sursauter. Qui ça peut bien être, alors que je ne connais strictement personne ? Alors que j'évite de me faire remarquer et pour ainsi rester une parfaite inconnue aux yeux de tous ? Je soupire en posant ma tasse de café pour aller ouvrir. J'espère que le problème va être vite réglé, je n'ai pas envie de m'attarder sur la personne derrière cette porte. J'ouvre et découvre un homme, qui doit bien faire 10cm de plus moi, des cheveux bruns dont on peut voir les vaines tentatives de les maîtriser, avec –je dois bien l'avouer-, de magnifiques yeux verts.

    -Agent Noah Vitmann. Se présente-t-il en montrant son badge.

    Stupéfaite d'avoir un agent de police devant moi, je regarde alternativement ce Noah puis son badge. Je ne sais pas quoi répondre. De toute façon, je ne sais même pas pourquoi il se trouve devant moi. Il avait l'air d'attendre une réponse de ma part mais aucun son ne peut sortir de ma bouche. Il devrait s'en douter je pense, à cause de l'expression de mon visage montrant bien ma surprise. Finalement, il finit par demander :

    -Puis-je entrer ?
    -Oui, mais j'espère que vous n'en avez pas pour longtemps.
    -Êtes-vous pressée ?
    -Non. Mais j'aime bien la compagnie de la solitude.

    Ma réponse a l'air de le surprendre mais à vrai dire, je m'en contrefiche. Je le laisse entrer en fermant la porte derrière lui et je l'invite poliment à s'asseoir. Il me remercie et s'installe à table. Je le rejoins rapidement.

    -Quel est votre nom ?
    -Puis-je savoir la raison de votre présence ici ? M'empressai-je de lui demander, curieuse de savoir ce que la police peut bien me reprocher.
    -Vous avez dû entendre qu'une femme est décédée cette nuit. Elle a été assassinée. L'homme qui tenait le bar juste à côté du lieu où on a retrouvé son corps nous a fait la description d'une femme à l'attitude étrange. Et cette femme, c'est vous. Ca n'a pas été difficile de vous retrouvez. M'informe-t-il. Votre nom ?
    -Tania Garyl. Soupirai-je.
    -Bien madame Garyl...
    -Mademoiselle. Rectifiai-je.
    -Mademoiselle, que faisiez-vous entre minuit et deux heures du matin ?
    -J'étais ici, toute seule. A part vers une heure où je suis sortie boire un verre. Demandez au concierge si vous voulez confirmation ! Il regarde les allés venus des gens !
    -C'est bien ce que j'ai l'intention de faire. Dit-il, avant de poser devant moi une photo. Connaissez-vous ou avez-vous déjà vu cette femme ?

    Je regarde attentivement cette photographie qui devait représenter la victime. C'était une femme aux cheveux châtains, aux yeux marrons. Sur cette photo, certainement prêtée par la famille, elle avait un large sourire. Elle était donc, une femme heureuse. Je soupire. Cette personne, dont la vie avait été injustement ôtée, avait le droit au bonheur et donc, elle méritait de vivre.

    -Jamais vue de ma vie. Finis-je par répondre.
    -En êtes vous sûre ?
    -Vous savez, je ne suis en ville que depuis hier soir, donc oui j'en suis sûre.
    -Bien. Merci de votre coopération. Je vais vous demandez de rester en ville pendant un temps indéterminé.
    -Vous plaisantez ?
    -Non. Au revoir mademoiselle.

    Il sort donc de cette chambre et je ne prends même pas la peine de le raccompagner. L'idée de rester dans cette ville plus longtemps que prévu ne me réjouie guère, mais je n'ai, visiblement, pas le choix. Si je pars comme ça, ils vont me croire coupable de ce meurtre alors que je suis innocente. Je ne suis même pas capable de m'ôter la vie, alors pourquoi irai-je ôter celle des autres ? Mais évidemment, ce Vitmann ne peut le savoir, car il ne me connaît ni d'Eve ni d'Adam et tant mieux d'ailleurs. Je n'aime pas tout ce qui s'apparente de près ou de loin à la police. Non pas parce que j'ai quelque chose à me reprocher mais je trouve que ce sont tous des incapables. Personnellement, je doute qu'il retrouve l'assassin de cette femme, du moins si celui-ci n'est pas un incapable et un idiot. J'espère quand même que les agents chargés de l'enquête arriveront à amener ce meurtrier devant la justice, pour la famille. Et après, comme ça, je pourrai partir de cette ville ni vue ni connue. Je soupire en posant ma tête entre mes bras sur la petite table de la pièce. Je repense à tout ce que j'ai vécu et j'ai mal, terriblement mal. Je respire un grand coup. Il faut que j'oublie. Oui il le faut.
     
    Pourtant, ça m'est impossible, comme il m'est impossible, de dire moi-même le mot « fin ».
     
     

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