• L'Enfer de Tania Garyl

    L'Enfer de Tania Garyl

    ... Ou l'histoire d'une femme qui essaie à tout prix de fuir son douloureux passé.

    (Participation au Prix Clara  2009)

  • Je ne sais pas où je suis. De toute façon je ne sais jamais. A vrai dire, le lieu où je me trouve, je n'en ai pas grand chose à faire, j'y pense comme de ma première dent de lait. Je me contente d'avancer, sans me préoccuper de rien. Je laisse ma vie défiler sans rien faire pour changer quoique ce soit. A quoi bon ! Si je devais décrire mes 26 premières années, je pense que je rendrai une page blanche. Non, pas blanche. Noire plutôt, avec quatre-cinq tâches blanches dessus. Pourquoi ? Pour la simple raison que ma vie est un néant total et sans intérêt avec quelques lueurs d'espoir aussi minuscules qu'une bactérie. Je vois tout le temps des gens heureux et souriants, croquant la vie à pleine dent. Catégorie de personne dont je ne ferai jamais partie. Je préfère laisser se dérouler mon existence comme dans un film, jusqu'à que cela prenne fin. Je ne veux plus me battre pour quelque chose d'inutile et cela n'a plus aucun intérêt à mes yeux. Ma vie est misérable. Je me lève le matin sans aucun but, sans aucun programme pour la journée et je me couche le soir après une longue journée ennuyante sans aucun résultat, sans aucune conclusion de ce qui s'est bien passé ou non. Entre les deux, une femme qui passe son temps à regarder les aiguilles de l'horloge tourner. Intéressant n'est-ce pas ? J'ai souvent penser au sucide qui me libérerait de mes souffrances quotidiennes. Mais manque de chance, le courage ne fait pas parti de mes qualités sans doute peu nombreuses. Je suis une lâche qui préfère supporter tant bien que mal ses souvenirs plus que douloureux plutôt que de mettre fin à ses jours. Je devrai sans doute le faire d'ailleurs. Je devrais y songer plus sérieusement. Après tout, je ne manquerai à personne. On demande à quelqu'un qui je suis, personne ne saura répondre. Je suis juste une femme parmi tant d'autres. Sauf que je suis plus “qu'une femme”. Je suis une femme qui refuse d'avancer, qui refuse d'affronter son passé ou tout simplement de savoir tourner la page et peut être même l'arracher comme une furie, qui refuse de se battre pour avoir accès à un bonheur que tout le monde a l'air d'avoir réussit à obtenir sans le moindre effort. Quelle chance ! Mais ça se voit bien que ces gens là n'ont pas vécu ce que j'ai vécu moi. Tant mieux pour eux ! Je leur souhaite une longue vie bien tranquille sans malheur insurmontable ! Et surtout, qu'ils continuent à ignorer mon existence inutile. Je ne pourrai que les remercier. Peut être je devrais arrêter mon long monologue inutile qui ne raconte rien d'intéressant, qui montre juste mon état d'esprit. Il me semble que je vois une ville à l'horizon. Enfin, je vais pouvoir me reposer. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis sur les routes à conduire sans m'arrêter et pour dire vrai, je m'en moque ! Si on devait faire un résumé de tout ce que je viens de raconter, je pense qu'on devrait dire ça :

     Je suis une pauvre malheureuse qui se fiche de tout, surtout de sa pauvre vie dont elle n'est qu'une simple spectatrice qui attend patiemment le mot “fin”.

     
     
     

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  • J'avance droit devant moi. Sans vraiment regarder où je vais. Je ne connais pas l'endroit, c'est la première fois que j'y mets les pieds. Il fait sombre. Normal, la nuit est tombée depuis longtemps maintenant. Il doit être dans les environs d'une heure du matin. Un vent froid s'abat sur mon visage, faisant voler mes longs cheveux bruns, bien attachés en queue de cheval et bien lisse, pour changer à d'habitude. Je m'emmitoufle un peu plus dans mon manteau et mon écharpe. Je remarque qu'il n'y a personne, pas un chat qui traîne. Je trouve ce lieu sinistre, je devrais peut être songer à me stabiliser ici, si seulement je n'étais pas poursuivie par mon stupide passé. Petit à petit, j'arrive à voir une grande bâtisse. Sans faire attention au nom de l'endroit, je rentre à l'intérieur. Cela ressemble en tout point à un bar. Super ! C'est ce que je cherchais justement. Je m'installe doucement au comptoir. Les hommes présents dans la salle me fixent bizarrement, après avoir interrompu leurs discussions qui étaient, il y a quelques minutes, en cours. J'ai bien l'impression que mon entrée en ce lieu perturbe, un peu, beaucoup, leurs habitudes. Comme tout, je m'en fiche royalement. Je fais encore ce que je veux. Le barman se dirige vers moi. Je lève les yeux vers lui. Je le trouve petit et bouffi. Il porte une chemise blanche, un pantalon noir et un tablier de la même couleur.

    -Bonsoir ma p'tite dame. Je vous sers quelque chose ? Me dit-il d'un ton qui se veux joyeux.
    -Un whisky coca s'il vous plait. Répondis-je sans rien ajouter de plus.

    Mon air las dû le dissuader de me faire davantage la discussion car il partit directement préparer ma commande, alors qu'il est plutôt du genre à parler avec les clients. Sage décision mon petit monsieur, sinon vous auriez du supporter mon sale caractère et mes tons froids à répétitions, montrant bien que je n'ai aucune envie de faire connaissance avec qui que ce soit. Ma solitude me perdra ! Et personnellement, je n'attends que ça. Le barman pose mon verre en face de moi et je le paye. Je fixe le contenu de ma commande sans vraiment le regarder avant de finalement le prendre pour boire le liquide cul sec. Je n'ai pas envie de m'éterniser dans un lieu bondé. Je repose mon verre et je sors de ce bar. Je continue d'avancer dans les rues, essayant tant bien que mal de retrouver le motel où je vais séjourner pendant quelques jours. Mon sens de l'orientation est mis à rude épreuve mais au bout de quelques minutes d'errance dans les rues sombres et très peu rassurantes, je finis par atterrir devant un bâtiment miteux de trois étages dont le « m » de « motel » n'est pas éclairé, contrairement aux autres lettres. Mon cerveau ne doit pas bien fonctionner pour je décide de rester dans ce lieu pour l'affaire de quelques jours. Mais si je tombe malade, ce n'est pas ça qui m'empêchera de partir d'ici trois jours, quatre grand maximum. J'entre à l'intérieur et monte les escaliers d'un pas lent, tellement lent qu'un escargot pourrait me dépasser sans aucun effort nécessaire. J'exagère peut être, sans doute même, mais ce n'a aucune importance car c'est ce que je pense de ma lenteur à monter quelques marches pour aller dans ma chambre de motel. Je finis quand même par y arriver. J'ouvre la porte et entre dans une petite pièce sombre. Je n'allume pas la lumière, par flemme je dois l'avouer. Je referme la porte derrière moi. Je cherche le lit et finis par m'affaler de tout mon long dessus. Je passe mes bras derrière ma tête et je soupire. Je regarde les étoiles par la fenêtre. C'est une belle nuit, je trouve. Au moins une chose que je trouve jolie dans ce monde. Je sens que mes yeux se ferment petit à petit. Il est vrai que je suis fatiguée, notamment à cause de la route pour venir jusqu'ici. La journée a été longue. De toute façon, elles sont toutes aussi longues les unes comme les autres. Et ce n'est pas demain la veille que ça va changer d'ailleurs. Finalement, je finis par m'endormir, sombrant dans un sommeil bien mouvementé, comme d'habitude. Je me demande si un jour, j'aurais le droit à un sommeil sans rêve, sans cauchemar. Non. Ca n'arrivera pas.

     Car je suis condamnée à revivre ma douloureuse vie chaque nuit, contre mon gré.

     
     
     

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  • Je me réveille doucement après cette longue nuit peuplée de satanés cauchemars. Ma vision est encore trouble mais j'arrive à apercevoir la cause de mon réveil : les rayons du soleil. J'ai oublié de fermer les planches de bois qui servent de volets hier soir, je m'en rends compte maintenant. Tant pis pour moi ! Je me redresse pour me retrouver finalement assise sur le lit, très inconfortable. Je soupire de fatigue en frottant les yeux pour tenter de me réveiller un minimum. Ensuite, je me lève et j'avance d'un pas lent vers la salle de bain dans l'intention de prendre une bonne douche bien froide. Rien de mieux pour quelqu'un qui est dans les choux, - bien qu'il faut être complément fou pour laisser ne serait-ce une goûte d'eau glacée toucher sa peau et dans ce cas, j'admets que je le suis-. Enfin, c'est mon avis personnel. Environ un quart d'heure plus tard, j'arrive dans la partie cuisine de la pièce principale, vêtue d'un simple pull noir et d'un jean et surtout, bien éveillée pour une nouvelle journée d'enfer. Je me dirige vers la cafetière, dans l'idée de faire mon café qui me servira de petit-déjeuner, mais avant, j'allume la radio pour avoir un fond sonore. Je n'écoute pas vraiment, après tout, les informations ne sont pas importantes pour moi. Mais après avoir vaguement entendu « flash spécial », quelque chose attire mon attention...

    « Flash spécial ! Nous venons d'apprendre la mort d'une femme d'une trentaine d'années dont le décès serait survenu cette nuit, entre minuit et deux heures du matin. Son corps a été retrouvé dans une ruelle, pas loin d'un bar. La police interroge d'éventuels témoins. Mais nous n'en savons pas plus pour l'instant. Nous vous demandons de rester prudent... »

    Près du bar, un meurtre dit-il ? Mince alors, ça aurait pu être moi, et non cette femme. Peut être était-elle mariée. Peut être avait-elle des enfants. Peut être qu'elle avait une vie belle et tranquille, sans histoire. Enfin, une chose est sûre : elle ne méritait certainement pas de quitter prématurément le monde des vivants. Par contre, moi ça ne m'aurait pas déranger, bien au contraire. Il aurait dû me tuer moi, comme ça, elle aurait continuer sa vie tranquillement, sans se soucier de rien. Je n'aurais manqué à personne moi, vu que je n'ai personne. Vu que je suis seule et solitaire. Seule infiniment seule. Et à vrai dire, pour le moment, cela me convient parfaitement. Je ne veux plus ressentir le bonheur d'avoir quelqu'un toujours prêt à m'écouter, à passer du temps avec moi, rire avec moi et tant d'autre chose que l'on fait entre ami. Je préfère rester dans ma triste solitude, ayant perdu l'habitude d'avoir quelqu'un qu'on appelle « proche ». Je bois doucement mon café, laissant libre court à mes pensées à nouveau. Je prends mon temps, après tout, la journée sera encore une fois longue –très longue même- et il faut bien la passer. Je n'ai pas le choix. Je subis la vie. Je la regarde défiler devant mes yeux bleu océan sans rien faire. N'importe qui aurait, peut être, déjà péter les plombs depuis longtemps, mais je ne suis pas n'importe qui. Je me répète je sais, je suis lâche donc incapable de mettre à fin à cet enfer. Incapable de dire adieu à ma douleur constante. Incapable de déchirer la page de mon passé. Incapable de faire quoique ce soit en résumé. Alors je laisse faire, attendant patiemment la fin. En buvant mon café, je repense à mon passé. J'ai plusieurs fois tenté de me battre pour ressentir ne serait-ce qu'un tout petit peu de bonheur, en vain. J'ai fini par baisser les bras et de me mettre à errer dans différentes villes de ce pays. Je ne pourrai dire dans quel Etat je vis, car j'ai fait le vide dans mon esprit, oubliant mon environnement pour ne garder en tête, que mon ancienne vie et mon vieux masque de femme heureuse. Je devrais oublier, oui je devrais. Mais je ne peux pas. Chaque nuit, j'en fais des cauchemars. Ces souvenirs me hantent. Alors je les laisse, pour me mener, peut être un jour, à mon autodestruction. Et je n'attends que cela. Car cette vie me lasse. Pour moi, c'est un véritable enfer de ressentir toute la souffrance que j'éprouve.
    Soudain, quelqu'un frappant à la porte de la chambre de motel où je loge me fait sursauter. Qui ça peut bien être, alors que je ne connais strictement personne ? Alors que j'évite de me faire remarquer et pour ainsi rester une parfaite inconnue aux yeux de tous ? Je soupire en posant ma tasse de café pour aller ouvrir. J'espère que le problème va être vite réglé, je n'ai pas envie de m'attarder sur la personne derrière cette porte. J'ouvre et découvre un homme, qui doit bien faire 10cm de plus moi, des cheveux bruns dont on peut voir les vaines tentatives de les maîtriser, avec –je dois bien l'avouer-, de magnifiques yeux verts.

    -Agent Noah Vitmann. Se présente-t-il en montrant son badge.

    Stupéfaite d'avoir un agent de police devant moi, je regarde alternativement ce Noah puis son badge. Je ne sais pas quoi répondre. De toute façon, je ne sais même pas pourquoi il se trouve devant moi. Il avait l'air d'attendre une réponse de ma part mais aucun son ne peut sortir de ma bouche. Il devrait s'en douter je pense, à cause de l'expression de mon visage montrant bien ma surprise. Finalement, il finit par demander :

    -Puis-je entrer ?
    -Oui, mais j'espère que vous n'en avez pas pour longtemps.
    -Êtes-vous pressée ?
    -Non. Mais j'aime bien la compagnie de la solitude.

    Ma réponse a l'air de le surprendre mais à vrai dire, je m'en contrefiche. Je le laisse entrer en fermant la porte derrière lui et je l'invite poliment à s'asseoir. Il me remercie et s'installe à table. Je le rejoins rapidement.

    -Quel est votre nom ?
    -Puis-je savoir la raison de votre présence ici ? M'empressai-je de lui demander, curieuse de savoir ce que la police peut bien me reprocher.
    -Vous avez dû entendre qu'une femme est décédée cette nuit. Elle a été assassinée. L'homme qui tenait le bar juste à côté du lieu où on a retrouvé son corps nous a fait la description d'une femme à l'attitude étrange. Et cette femme, c'est vous. Ca n'a pas été difficile de vous retrouvez. M'informe-t-il. Votre nom ?
    -Tania Garyl. Soupirai-je.
    -Bien madame Garyl...
    -Mademoiselle. Rectifiai-je.
    -Mademoiselle, que faisiez-vous entre minuit et deux heures du matin ?
    -J'étais ici, toute seule. A part vers une heure où je suis sortie boire un verre. Demandez au concierge si vous voulez confirmation ! Il regarde les allés venus des gens !
    -C'est bien ce que j'ai l'intention de faire. Dit-il, avant de poser devant moi une photo. Connaissez-vous ou avez-vous déjà vu cette femme ?

    Je regarde attentivement cette photographie qui devait représenter la victime. C'était une femme aux cheveux châtains, aux yeux marrons. Sur cette photo, certainement prêtée par la famille, elle avait un large sourire. Elle était donc, une femme heureuse. Je soupire. Cette personne, dont la vie avait été injustement ôtée, avait le droit au bonheur et donc, elle méritait de vivre.

    -Jamais vue de ma vie. Finis-je par répondre.
    -En êtes vous sûre ?
    -Vous savez, je ne suis en ville que depuis hier soir, donc oui j'en suis sûre.
    -Bien. Merci de votre coopération. Je vais vous demandez de rester en ville pendant un temps indéterminé.
    -Vous plaisantez ?
    -Non. Au revoir mademoiselle.

    Il sort donc de cette chambre et je ne prends même pas la peine de le raccompagner. L'idée de rester dans cette ville plus longtemps que prévu ne me réjouie guère, mais je n'ai, visiblement, pas le choix. Si je pars comme ça, ils vont me croire coupable de ce meurtre alors que je suis innocente. Je ne suis même pas capable de m'ôter la vie, alors pourquoi irai-je ôter celle des autres ? Mais évidemment, ce Vitmann ne peut le savoir, car il ne me connaît ni d'Eve ni d'Adam et tant mieux d'ailleurs. Je n'aime pas tout ce qui s'apparente de près ou de loin à la police. Non pas parce que j'ai quelque chose à me reprocher mais je trouve que ce sont tous des incapables. Personnellement, je doute qu'il retrouve l'assassin de cette femme, du moins si celui-ci n'est pas un incapable et un idiot. J'espère quand même que les agents chargés de l'enquête arriveront à amener ce meurtrier devant la justice, pour la famille. Et après, comme ça, je pourrai partir de cette ville ni vue ni connue. Je soupire en posant ma tête entre mes bras sur la petite table de la pièce. Je repense à tout ce que j'ai vécu et j'ai mal, terriblement mal. Je respire un grand coup. Il faut que j'oublie. Oui il le faut.
     
    Pourtant, ça m'est impossible, comme il m'est impossible, de dire moi-même le mot « fin ».
     
     

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  • Je suis allongée de tout mon long sur le lit. Je regarde le plafond blanc et je dénombre au moins quatre fissures. Quelle activité passionnante ! Mais je crois bien, que je suis restée dans la même position depuis le départ de l'agent de police. C'est surprenant, je sais, surtout qu'on est en plein milieu de l'après-midi. J'entends les oiseaux chanter joyeusement, des rires d'enfants et tous les autres bruits du quotidien : les voitures, les passants et j'en passe. Bien que, il y a bien cinq minutes, j'ai perçu une querelle d'amoureux et si j'étais de bonne humeur –chose qui n'arrive jamais bien entendu- un fou rire incontrôlable aurait alors pris possession de moi, tellement que la cause était ridicule. Je n'ai pas tout compris mais après tout, je me contrefiche de leur vie de personne normale. Je tourne la tête vers la fenêtre et je vois un magnifique ciel bleu et un soleil radieux illuminant ce paysage urbain. C'est une belle journée pour la saison et n'importe qui serait joyeux et désireux de sortir prendre l'air. Je ne fais pas partie de ces gens-là mais en ce moment, je m'ennuie comme un rat mort. Je pense que je vais sortir, me balader un peu dans cet endroit. Qu'est-ce que j'ai à perdre de toute façon ? Rien, absolument rien. Je me redresse douloureusement, ankylosée par ces quelques heures d'immobilité. Je me lève péniblement et je me dirige vers la sortie de cette chambre moisie. Une fois dehors, je m'aperçois qu'il n'y a pas foule sur les trottoirs. De l'autre côté de la route, je vois des enfants qui jouent au ballon, tout en riant aux éclats. Il y a quelques passants, mais rien d'extraordinaire. Je décide de partir vers ma gauche et j'avance droit devant moi, sans me soucier de personne. Je regarde mes pieds et je ne fais, donc, pas attention aux divers bâtiments qui m'entourent. Au vu de la chance dont je suis dotée, je suis bien partie pour rester un moment ici, je devrais donc prendre quelques points de repère. Je devrais oui, mais je ne le fais pas. A vrai dire, cette idée ne me traverse pas vraiment l'esprit. De toute façon, je ne suis pas sortie pour faire comme si j'étais une touriste. J'ai juste besoin de prendre l'air et de marcher, un peu. J'arrive à percevoir de temps en temps des personnes qui râlent, sans doute parce que je les ai bousculés involontairement, ne faisant pas attention, et je ne prends même pas la peine de m'excuser. Je continue d'avancer et je pense que je dois donner l'impression d'errer dans les rues. Ce qui n'est pas totalement faux après réflexion.
    Je finis par atterrir dans un parc, plutôt agréable à regarder je dois l'avouer. Il y a des arbres –dont la couleur du feuillage me fait étrangement penser aux yeux de l'autre imbécile d'agent de police- un peu partout, des fleurs multicolores, de magnifiques allées et de la pelouse bien verte qui ne donne qu'une envie : s'allonger dessus. Me fichant royalement si c'est autorisé ou non, je vais de ce pas m'allonger pour regarder le ciel bleu et les quelques nuages visibles. Je laisse échapper un soupir las, et je ferme les yeux. Un léger vent agréable me berce et je crois, que je me suis plongée dans un sommeil sans rêve, puisque je n'ai aucun souvenir de ce qui s'est passé ensuite.
    Mais soudain, j'entends une voix -étrangement familière- qui me réveille.

    -Mademoiselle... Mademoiselle réveillez-vous. Me dit cette personne doucement, tout en me secouant légèrement l'épaule.

    J'ouvre les yeux et découvre que le perturbateur de sommeil n'est qu'autre que l'agent de police –dont j'ai complètement oublié le nom d'ailleurs- qui était venu m'embêter le matin même.
    En voyant son visage de près, je ne peux m'empêcher de sursauter, manquant lui donner un coup de tête. Je me frotte les yeux et je regarde autour de moi. Il n'y a presque personne dans le parc et le soleil qui se couche me donne une petite idée du temps que j'ai passé à dormir.

    -Mademoiselle Garyl ? Me reconnaît soudain l'agent. C'est vous ?
    -Non, le pape. Grommelai-je de mauvaise humeur à cause de sa présence.
    -Depuis combien de temps êtes-vous assoupie sur la pelouse de ce parc ? Me demande-t-il.
    -J'en sais rien. Répondis-je, d'un ton légèrement froid indiquant bien que j'aimerai bien qu'il me laisse enfin tranquille. On était en fin d'après-midi quand j'ai atterri ici. Et en quoi cela vous regarde de toute façon !
    -C'est bizarre que personne ne vous ait réveillée avant. Remarque-t-il, perplexe. Il aurait pu vous arriver n'importe quoi.
    -Comme quoi, quand on veut être invisible aux yeux de tous, ça marche. Répliquai-je en me levant. Sauf pour certaine personne j'ai l'impression. D'ailleurs, qu'est-ce que vous fou... faites ici ?
    -Je rentre simplement chez moi. Répond-t-il en haussant les épaules d'un air innocent. Je passe toujours par ce parc. Sauf que je vous ai vu endormie sur la pelouse et j'ai cru bon de vous réveiller.
    -Merci du service mais maintenant au revoir.

    Et sans lui laisser le temps de me répondre, je pars le plus rapidement possible de ce parc, où plus jamais je remettrai les pieds sans doute. J'avance d'un pas pressé dans les rues, essayant tant bien que mal de retrouver ce fichu motel où je réside pour un nombre de jours indéterminés à cause d'un certain agent de police. Je commence à m'agacer, ne trouvant pas ce satané bâtiment que je suis entrain de maudire à l'intérieur de ma tête brune. En même temps, j'aurais, peut être, dû regarder où j'allais pour pouvoir retrouver mon chemin par la suite. Si cela continue, je vais être obligée d'aller interpeller un passant pour demander un renseignement. Encore faudrait-il que je connaisse le nom du motel. Me voilà dans de beaux draps.
    Mais, finalement, je réussis à retrouver enfin la bâtisse et je me dépêche d'entrer à l'intérieur pour rejoindre ma chambre. Je m'écroule sur la chaise la plus proche pour mettre ma tête entre mes bras. Je laisse échapper un soupir et je tourne ma tête vers la fenêtre pour regarder la nuit gagner la ville petit à petit.
    En à peine quelques minutes, la chambre est plongée dans la pénombre. Je ne prends même pas la peine de me lever pour allumer la lumière. Je reste au même endroit, sans bouger, sans rien faire.
    Que faire de toute façon ? Il n'y a rien à faire ici, du moins quand on est seul.

     Et moi, justement, je suis seule. Infiniment ... seule.

     
     

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  • Je ne sais pas comment, mais je me suis retrouvée allongée sur le dos sur le parquet inconfortable de la chambre. Mes yeux fixent le ciel étoilé à travers la fenêtre. J'ai eu l'occasion d'en admirer des plus beaux, des plus magnifiques. Et c'était dans la ville où je vivais avant que ma triste solitude ne commence. Mon regard se pose sur un livre posé à côté de moi. J'aurai bien aimé continuer ma lecture mais la nuit étant tombée et ayant la flemme de me lever pour allumer la lumière, il est impossible pour moi de lire. Je me demande bien pourquoi j'ai sorti cet ouvrage d'ailleurs. Je me redresse difficilement. Mes yeux sont rivés sur un point invisible devant moi. Puis, je prends le livre dans mes mains et j'observe la couverture. Un léger sourire naît sur mon visage. J'ai toujours aimé lire. Aussi loin que je m'en souvienne en tout cas. Quand j'étais adolescente, je passais mon temps libre le nez plongé dans un bon vieux livre. Et puis, maintenant, je lis pour oublier. Beaucoup de personne se plongent dans l'alcool ou dans la drogue, mais pas moi. Chacun sa manière, plus ou moins dangereuse pour la santé d'ailleurs. Lire me permet de m'évader dans un autre monde, de partager la vie des personnages et oublier un instant la mienne. Je soupire en reposant l'ouvrage sur le sol. Je me décide de me lever. D'un geste presque automatique, je prends ma veste et je sors. L'air frais de la nuit ne me fera pas de mal. Mais en sortant dehors, j'ai la surprise de m'apercevoir qu'il pleut, et pas qu'un peu. Alors que tout le monde se hâte de trouver un endroit où s'abriter, moi je n'hésite pas à aller sur le trottoir sous la pluie, même si ma misérable veste est tout, sauf imperméable. J'avance droit devant moi, en regardant mes pieds. Je me perds rapidement dans mes pensées. Je me souviens quand j'étais étudiante qu'il arrivait avec ma meilleure amie que nous sortions dehors sous la pluie et que nous sautions partout en criant et en éclatant de rire comme deux folles que nous étions peut-être dans ce genre de moment. Elle s'appelait Aurélie. Elle n'était pas spécialement belle, mais ses yeux noisette, ses cheveux bruns et ondulés et sa peau métissée lui donnait un certain charme. Elle n'était pas du tout sûre d'elle mais elle était la première à rire de tout, même des blagues niveau carambar et elle était aussi la première à voir quand quelqu'un allait mal. Elle était d'une extrême générosité et elle aurait aidé sa pire ennemie, du moins, si elle en avait une. Elle était vraiment quelqu'un d'attachant et on ne pouvait que l'aimer. Au fond, elle me manque. C'était quelqu'un sur qui on pouvait compter, à n'importe quelle heure. Je laisse échapper un soupir, attristée par son souvenir. Aujourd'hui, Aurélie n'est plus et elle repose paisiblement dans un cimetière plutôt joli. J'espère de tout mon cœur qu'elle est heureuse là où elle est. Une larme coule sur ma joue, suivie d'une deuxième, puis d'une troisième et finalement, plein d'autre. Même si elle me rappelle plein de souvenirs heureux, cela me fait repenser qu'elle n'est plus là. Elle et son sourire rempli de joie de vivre et de bonne humeur. Elle et sa capacité à comprendre les autres. Elle et sa simplicité. Elle, tout simplement.
    J'essuie rapidement mes larmes, bien qu'elles se soient mélangées avec l'eau de pluie qui ruisselle sur mon visage. Plus rien n'est sec sur moi, je viens juste de le remarquer, mais à vrai dire, je m'en moque. Je continue d'avancer. Les rues sont vides. Je suis seule sous la pluie. Je ne sais pas où je vais. Je n'en ai aucune idée. Mais il me semble que cela se calme, qu'il ne pleut que légèrement maintenant. Le froid me gagne. Je tremble. Mais je ne suis pourtant pas décidée à faire demi-tour et à retourner au motel. Je finis par arriver dans un quartier rempli de belles maisons. Dedans, il doit y vivre des familles heureuses et unies. Des gens qui goûtent au bonheur aussi facilement qu'ils respirent. J'entends des pas derrière moi, mais je n'y prête pas attention.

    -Tania ? Me dit soudain une voix, apparemment masculine, et j'arrive parfaitement à distinguer de la surprise dans le ton de cette voix.

    Je sursaute et j'hésite à me retourner. Pourtant, la curiosité commence à me ronger et j'ai une folle envie de savoir l'identité de la personne qui vient de me parler. Je me décide donc à faire face à cet inconnu, mais qu'il ne l'ai pas tout à fait, une fois que je l'ai reconnu. Un soupir s'échappa de ma bouche.

    -Oh ! Encore ce cher agent de police ! M'exclamai-je, peu enthousiaste.
    -Que faites-vous par ici ? Me demande-t-il. Votre motel est quasiment à l'opposé de ce quartier !
    -Si vous le dites. Et qu'est-ce que cela peut vous faire que je me trouve ici ? Je ne fais rien de mal à ce que je sache, à moins que se balader sous la pluie soit interdit par la loi, ce que je doute sérieusement. A moins que nous ne sommes plus dans une démocratie.
    -Cela m'étonne de vous trouvez en ce lieu c'est tout. Dit-il, en haussant les épaules. Mais... Vous tremblez ! Remarque-t-il soudain.
    -Sans blague !
    -Et vous êtes trempée. Venez chez moi ...
    -Des clous ! Refusai-je immédiatement, en ne le laissant pas terminer sa proposition. Hors de question que j'aille chez vous !
    -Laissez moi terminer ma phrase. Je vous propose juste de venir chez moi, le temps de vous réchauffer. Et ensuite je vous raccompagnerai à votre motel. Ce n'est pas prudent de sortir avec un assassin encore en liberté.

    Bien que je me fiche totalement du type qui a assassiné une femme la nuit dernière, la proposition de ce casse-pied trop curieux est bien tentante. Mais je suis quasi certaine qu'il en profitera pour me poser des questions qui vont fortement me déplaire. Alors, je préfère prendre quelques précautions avant d'accepter quoique ce soit.

    -J'accepte à une condition. Annonçai-je soudain.
    -Laquelle ?
    -Que vous ne me posiez aucune question.
    -D'accord.


    Je finis donc par le suivre, espérant que je ne devrais pas rester longtemps chez lui. Une fois à l'intérieur de sa maison, il se dirige vers la cuisine en me proposant un chocolat chaud ou un café. Je choisis sa première proposition et je vais dans le salon. Je me mets à détailler la décoration que je trouve simple, sans aucune originalité particulière. Mais, quelque chose attire mon attention. Une photographie plus précisément. Je m'en approche pour pouvoir la détailler. Je reconnais facilement ce cher agent dont j'ai oublié le nom et son bras gauche entourait les épaules d'une femme, rousse aux yeux marrons, qui devait avoir à peu près son âge. J'arrive à reconnaître aussi le parc où je me suis endormie cet après-midi. En regardant plus attentivement, je distingue qu'ils portaient tous deux une alliance. Ainsi donc, ce cher casse-pied était marié.

    -Elle s'appelle Agathe et c'est mon ex-femme. M'informe soudain la voix de mon hôte en me faisant sursauter. Je dis ça avant que vous me posiez la question.

    Je me retiens de lui lancer un regard noir qui aurait voulu dire que je ne suis pas curieuse pour un sou. Il me tends une tasse remplie de chocolat chaud et m'invite à m'installer sur le canapé. Je m'assois sans attendre et porte la tasse blanche à mes lèvres. Aucun de nous ne parle, ce qui est tant mieux d'ailleurs. Je ne veux pas m'éterniser et dès que j'aurais fini de boire, j'ai bien l'intention de rejoindre la petite chambre de motel où je réside. Sauf qu'apparemment, malgré sa promesse de tout à l'heure, monsieur-je-ne-peux-pas-m'empêcher-de-me-mêler-de-ce-qui-ne-me-regarde-pas à décider de rompre ce silence que je trouve apaisant.

    -Je sais que j'ai promis de ne pas poser de question, mais je voudrai savoir, vous devez avoir des proches, ils ne s'inquiètent pas pour vous ? Pourquoi vous n'êtes pas auprès d'eux ?

    Ma main se crispe autour de la tasse et je me raidis. Il vient de poser la question qu'il ne fallait surtout pas poser. Je repose violemment la tasse, vide, sur la table-basse en face de moi et je me lève.

    -Mêlez-vous de ce qui vous regarde ! Répondis-je froidement. Maintenant, ramenez-moi au motel.
    -Mais...
    -Ramenez-moi ou je rentre à pied !
    -Ok ok.

    Il se lève à son tour. Il se dirige vers le porte-manteau pour prendre une veste. Il ouvre le tiroir d'une petite table en bois, qui est à côté de la porte d'entré, pour sortir les clés de sa maison et de sa voiture. Je le suis à l'extérieur puis dans le véhicule gris qui est dans l'allée de garage. Le trajet se fait en silence. Je ne veux pas parler, et je pense qu'il doit se poser beaucoup de questions à mon sujet. La ville défile sous mes yeux, mais je ne fais pas attention. J'ai hâte que je puisse enfin partir de cette ville. Je ne dois pas rester ici trop longtemps. Comme ça, cela me permettra d'être débarrassée de cet imbécile d'agent de police, et aussi ça m'évitera que mon passé me rattrape. Je soupire en repensant à lui. Lui, la cause de ma chute, de mon enfer. Même si cela fait longtemps que je n'ai plus eu aucun signe de lui –tant mieux d'ailleurs- je sais qu'il me suit, qu'il essaie de me rattraper. Il faut que je parte, le plus rapidement possible. Je ne peux me permettre de laisser mon passé me rattraper aussi facilement.

    -On est arrivé. M'annonce soudain le brun ténébreux, en me sortant de mes sombres pensées.

    Je relève mon regard et je vois ce motel miteux où je vais passer une nuit supplémentaire. Un nouveau soupire s'échappe de mes lèvres et je sors sans attendre de la voiture.

    -Au revoir. Dis-je sèchement en claquant la portière, ne lui laissant pas l'occasion de me répondre.

    Je me précipite à l'intérieur du bâtiment, puis dans ma chambre. Je laisse tomber ma veste sur le dossier d'une chaise. Contrairement à la veille, je prends le temps de me mettre en pyjama. Je me faufile sous les couvertures du lit bien inconfortable et je laisse le sommeil m'emporter au pays des rêves...

     Ou plutôt, dans le pays de mes pires cauchemars.

     

     


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