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    Un silence s'installa entre les deux interlocuteurs, Katryn étant subitement terriblement mal à l'aise. Elle avait harcelé son meilleur ami pour qu'il cherche le numéro du jeune homme dans le téléphone de sa sœur, retrouvé sur un pont, après qu'elle se soit souvenue de son existence. Elle voulait lui confirmer le décès d'Ophélie, et lui assurer qu'elle le tiendrait au courant de la suite des événements, et bien qu'Aiden lui a dit qu'il y avait plusieurs appels en absence de Curtis, elle ne s'attendait à devoir lui annoncer la mauvaise nouvelle. Sa gorge se noua, les larmes commençant à lui monter aux yeux, et elle se demanda alors si elle parviendrait à dire à voix haute la terrible tragédie. 

    -Katryn ? L'appela alors Curtis, soudainement nerveux. Une boule était en train de se former dans son ventre, et il était terriblement inquiet. Il sentit qu'une mauvaise nouvelle allait lui tomber dessus, sans qu'il ne parvienne à savoir de quelle nature elle serait. Il est arrivé quelque chose à Ophélie ? L'interrogea-t-il, la voix tremblante. 

    -Je... Je suis désolée Curtis... Bredouilla Katryn, les larmes commençant à couler de nouveau sur ses joues. Un policier est passé à la maison aujourd'hui, et ... Mon Dieu Curtis, je pensais que tu étais déjà au courant ! 

    -Katryn, qu'est-ce qui se passe ?!! 

    -Ophélie... Elle est... Son corps a été retrouvée ce matin dans le fleuve... Il semblerait que le Chasseur l'ait... Sanglota la jeune femme, en essayant de respirer un grand coup pour retrouver son calme. Elle ne devait pas pleurer, il fallait qu'elle lui annonce la terrible nouvelle. Il avait le droit de savoir. 

    Cependant, elle n'avait pas besoin d'en dire plus. 

    Il venait tout juste de comprendre.

    -Ce... ce n'est pas possible ! S'exclama-t-il vivement, cherchant à nier l'évidence. Ce n'est pas possible ! Elle m'a envoyé un SMS hier pour me dire qu'elle était bien rentrée ! C'est impossible, elle ne peut pas... 

    -La police a trouvé des SMS contradictoires dans son téléphone quand ils ont cherché ton numéro pour moi. Soupira-t-elle alors, soudainement épuisée par cette longue journée qui semblait interminable. Il semblerait que le Chasseur ait utilisé son téléphone à sa place pour te dire qu'elle était bien rentrée, et pour me dire à moi qu'elle passait la nuit chez toi.

    -Ce n'est pas possible... Ce n'est pas possible... Elle était bien vivante hier, elle ne peut pas...

    -Je suis sincèrement désolée Curtis... Je t'appelais pour te dire que je te tiendrai informer quand j'aurais des nouvelles... Quand je pourrai aussi récupérer son corps pour ses obsèques... Mon dieu, j'en reviens pas de devoir dire ça... 

    Seul le silence lui répondit, le jeune homme essayant d'assimiler l'information. Il n'arrivait pas à y croire... 

    -Je vais devoir te laisser Curtis, je te rappellerai bientôt. Soupira finalement Katryn. Sois courageux mon grand, elle voudrait que tu sois fort, pour elle. 

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    Devant le mutisme du jeune homme qui semblait en état de choc, Katryn n'eut pas d'autres choix que de raccrocher au bout de quelques minutes de silence. Il fallait le laisser assimiler la nouvelle, et le gérer à sa manière. Quant à elle, elle avait son propre travail de deuil et son propre désarroi à gérer... 

    Curtis, quant à lui, se mit fixer son téléphone comme s'il lui était totalement étranger. Il observa longuement le numéro de la sœur d'Ophélie, se demandant s'il avait rêvé ou si cette dernière l'avait vraiment appelé. 

    Ce n'était pas possible... Ophélie ne pouvait pas être partie... Pas elle aussi... 

    Parfaitement immobile, incapable d'effectuer le moindre geste, figé dans le temps, Curtis finit par lâcher son téléphone qui tomba lourdement sur le sol. Il ne parvenait pas à réaliser. Il ne parvenait pas à comprendre ce qui lui arrivait. 

    Il ne parvenait pas à accepter la dure réalité. 

    Ce n'était pas possible... Pas elle... Pas encore une fois... 

     

     


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    -Me voilà Curt' ! J'espère que j'ai pas été trop longue ! S'exclama brusquement Lizzie en surgissant du couloir. La jeune fille était joyeuse, et absolument pas stressée à l'idée de présenter son nouvel ami à ses parents. Il n'y avait aucune raison que cela la perturbe plus que de raison, même si son père voyait d'un mauvais œil qu'elle se mette à fréquenter des étudiants. Mais Lizzie était persuadée que dès qu'il verrait Curtis, il allait aussitôt changé d'avis ! 

    Cependant, le jeune homme ne réagit absolument pas lorsqu'elle l'a interpellé. Il semblait perdu dans ses pensées, le regard fixant obstinément un point invisible face à lui. Intriguée, l'adolescente s'approcha de son ami pour se planter devant lui, sans qu'il ne manifeste la moindre réaction à son égard. 

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    -Curt' ? Continua-t-elle de l'appeler, alors qu'il ne paraissait pas la voir, la remarquer. 

    Elle secoua la main devant le visage de son ami sans obtenir un quelconque résultat. La jeune fille se mordit la lèvre inférieure, ne sachant pas quoi faire, intriguée et inquiète devant l'attitude pour le moins inhabituelle de Curtis. Elle s'attendait à le trouver en train de discuter avec sa petite amie, à roucouler comme deux amoureux insouciants du monde qui les entourait où elle serait bonne à tenir la chandelle pendant les quelques secondes qui auraient précédé leur entrée dans la loge de son père. 

    Puis, elle fronça les sourcils, se rendant subitement compte que Curtis était tout seul. 

    -Elle est où Ophélie au fait ? Je pensais qu'elle était impatiente de rencontrer mon père. Demanda Lizzie innocemment, sans savoir qu'elle venait de toucher le point sensible. 

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    La réaction du jeune homme ne se fit pas attendre. Ses yeux s'arrondirent, se remplirent de larmes. En une fraction de secondes, Curtis était passé du mutisme au désarroi le plus complet. Oubliant son amie, il tomba à genoux sur le sol, comme frappé par une douleur atroce et insupportable. Ses jambes ne parvenaient plus à le soutenir, sa poitrine le faisait souffrir et son visage fut aussitôt défiguré par le chagrin.

    A la plus grande stupeur de l'adolescente, qui ne s'attendait absolument pas à assister à une telle scène. Qu'avait-elle dit pour qu'il réagisse ainsi ? Que c'était-il passé ?

    Elle s'agenouilla au sol et prit le jeune homme dans ses bras pour tenter de le calmer, mais celui-ci fut totalement insensible à sa présence. Il ne semblait pas se rendre compte qu'elle était à ses côtés, obnubilé par l'image oppressante, obsédante et imaginaire du cadavre de sa petite amie, reposant dans un pauvre tiroir froid et horrible d'une morgue de la ville. Il repensait aux dernières heures de vie d'Ophélie, réalisant que jamais plus il ne la verrait en vie. Il se rappela qu'il n'avait pas pu la raccompagner. Qu'elle était rentrée chez elle, toute seule.

    Mais quel con...

    Lizzie ne savait pas quoi faire. Elle leva la tête pour observer les alentours, espérant voir quelqu'un apparaître pour lui donner une solution, une manière de faire pour aider son ami. Dépassée par la situation, elle sortit son téléphone de sa poche et demanda à son frère de venir la rejoindre. Suite à ce message étrange, Neil ne tarda pas à ouvrir la porte de la loge, et comprit aussitôt pourquoi sa sœur l'avait appelé à l'aide, et aussi d'où venait les bruits étranges que lui et leur famille avaient entendu. Il l'interrogea, mais Lizzie ne parvint pas à lui apporter la moindre information et Curtis était renfermé sur lui-même. 

    -Aide-moi à le mettre debout, on va l'ajouter sur un canapé. Proposa alors Neil avec un calme olympien, même s'il était inquiet quant à l'état du jeune homme. 

     

     


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    Sans plus attendre et sans demander l'avis de Curtis, Neil s'empara de l'un de son bras pour le passer autour de ses épaules, et Lizzie fit de même avec le bras encore libre. Non sans difficulté, ils levèrent le jeune homme qui ne faisait rien pour leur facilité la tâche, et se dirigèrent péniblement vers la loge, où Brooke leur tenait la porte sans cacher sa surprise et son inquiétude. Elle les suivit du regard, tandis que l'étudiant en médecine posa Curtis sur le canapé libre sans que celui-ci ne proteste. Complètement inconscient du monde qui l'entourait, il se recroquevilla sur lui-même sitôt allongé, passa ses mains sur son visage pour chasser ses larmes avant de sombrer une nouvelle fois dans un état second. 

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    -Qui est-ce ? Qu'est-ce qui lui arrive ? Interrogea alors Tyler qui avait observé la scène sans oser intervenir. Au vue des regards lancés par Eileen et Brooke lorsqu'ils ont aperçu Curtis dans le couloir, il avait vite compris qu'il ferait mieux de rester sagement assis sur son canapé pour se ménager, surtout après près de deux heures de concert. Il jeta des regards à ses aînés, puis sur l'inconnu désespéré sur le canapé, avant d'en lancer un autre vers son épouse, assise à côté de lui tenant dans ses bras le petit dernier, Connor, profondément endormi. Cette dernière semblait tout aussi intriguée et inquiète. 

    -Il est en état de choc. Répondit alors Neil dans un soupir, à genoux à côté de Curtis pour l'observer plus attentivement. Pour quelles raisons, je l'ignore par contre. Et il avait déjà un comportement bizarre quand Lizzie est arrivée. 

    -C'est ton ami ma chérie ? Demanda alors Eileen en direction de sa fille. Curtis je crois ? 

    -Oui c'est ça. Curtis Midhow. Confirma la jeune fille nerveuse, car terriblement inquiète pour son ami qu'elle n'avait jamais vu dans un tel état. 

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    Curtis Midhow... 

    A l'entente de ce nom, Brooke Fadmer se figea subitement, soumise à des émotions contradictoires. Elle ne se doutait absolument pas à croiser l'enfant qu'elle avait abandonné à la naissance, et qu'elle n'avait revu qu'une seule fois lorsqu'il n'était qu'un bambin de quelques années à peine, dans cet endroit, encore moins dans de telle circonstances. Elle était aussi terriblement inquiète, car elle se demandait ce qu'il pouvait lui arriver pour se retrouver dans un état pareille, aussi désemparé et déconnecté de la réalité. Le pauvre garçon devait certainement vivre quelque chose de terrible et son coeur de mère se serra aussitôt à cette constatation. 

    Cependant, elle était aussi terriblement nerveuse. En l'observant bien, elle ne remarquait que des ressemblances physiques entre le jeune homme et Tyler, ainsi qu'avec elle. Et au vu de son état, elle ne pouvait que faire le rapprochement à celui de Tyler lorsque ce dernier avait appris le décès de sa sœur aîné des années plus tôt.

    Un état plus que lamentable, et Brooke craignait soudainement que son secret, qu'elle porte seule depuis la disparition de son époux -seule personne de son entourage à être au courant de l'existence de cet enfant-, soit révélé aux yeux de tous.

    Stressée, Brooke ne tarda pas à prendre congé en prétextant une excuse bidon, juste dans l'unique but de sortir le plus rapidement de la pièce avant que son trouble ne paraissent suspect. Mais une fois dehors, la mère de famille ne tarda pas à sortir son téléphone portable de sa poche, avec l’irrésistible envie de composer un numéro qu'elle n'avait pas appelé depuis des années... 

     

       

     


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    -Qu'est-ce qu'on fait ? Interrogea Lizzie en direction de son frère, sans se préoccuper davantage de sa tante. Ayant un rôle de manager à assumer, sa fuite soudaine ne semblait perturber personne dans la pièce, tous étant inquiet à propos du jeune homme qui commençait à geindre sur le canapé. Il essaya de se redresser pour s'asseoir et essayer d'évaluer son environnement, mais il se rallongea aussitôt pour se mettre en position fœtale. Il était bien incapable de tenir une position correcte, comme si la douleur y était plus forte et plus intense d'une posture à une autre. 

    -Tu as le numéro de ses coloc' ? Lui soupira alors Neil, embêté et ne savant pas tellement quoi faire dans une telle situation. Tu devrais les appeler. Lui conseilla-t-il ensuite après confirmation de la part de sa sœur. Alicia et Keith le connaissent mieux que nous, ils sauront mieux comment agir avec lui et peut-être même qu'ils savent ce qu'il lui arrive. 

    -C'est une bonne idée ! S'exclama Lizzie avant de s'exécuter aussitôt en sortant son téléphone. Pendant qu'elle cherchait le numéro d'Alicia dans son répertoire, Neil se baissa vers Curtis pour tenter d'établir un dialogue avec lui, mais il restait sourd à ses paroles. 

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    Pendant que Lizzie était au téléphone avec l'amie d'enfance de Curtis, et que Neil décida d'aller attendre dehors que la jeune femme et Keith viennent les rejoindre, Tyler décida de se lever pour aller rejoindre l'objet de toutes les inquiétudes sur le deuxième canapé de la pièce. Bien qu'il ne le connaissait que de nom, il était incapable de rester insensible à sa détresse. Ce jeune homme n'était qu'un gamin, et la vie semblait avoir décidé de ne pas être tendre avec lui en lui imposant des épreuves qu'il ne devrait pas subir à son âge. Ignorant tout de lui, Tyler éprouvait tout de même de la compassion, car l'étudiant lui renvoyait sa propre image lorsque lui-aussi avait du faire face à des embûches qui le dépassait totalement.

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    Tyler observa le jeune homme, le fameux Curtis, du coin de l’œil, et ne put s'empêcher de soupirer. Ce garçon lui rappelait celui qu'il était au même âge, alors qu'il avait déjà sombré dans l'alcool suite au décès de sa sœur. Ce Curtis lui renvoyait l'image du jeune homme dépressif qu'il était par le passé et cela le désola profondément. Il ne pouvait s'empêcher de s'identifier à lui, et espéra de son tout coeur qu'il ne suive pas le même chemin.

    Lui-même avait baissé les bras face aux assauts cruels de l'existence, et jamais il ne souhaiterait la même chose à qui que ce soit.

    -Ça va aller mon garçon, t'es pas tout seul, tes amis vont arriver. Soupira-t-il finalement en tapotant la jambe du jeune homme qui ne réagit pas. Tyler n'était même pas certain qu'il l'ait entendu, ce qui lui serra davantage le coeur. Il perçut le regard de son épouse qui observait également Curtis, et il comprit qu'elle-aussi, percevait le Tyler du passé dans le désespoir évident de ce gamin de vingt ans. 

     

     


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    Quelques minutes plus tard, Neil revint dans la loge, suivit aussitôt de Keith et d'Alicia qui semblaient tous les deux inquiets et d'une nervosité palpable. Lizzie ne les avait jamais vu aussi sérieux, surtout en ce qui concerne le jeune homme. Ce dernier n'attendit d'ailleurs pas une seconde de plus avant de se précipiter vers son acolyte de toujours, sans même saluer les personnes présentes dans la pièce.

    Il se fichait de tous ces gens. Seul son meilleur ami comptait à ses yeux à cet instant.

    Alicia, plus mesurée, lança un timide bonsoir à tout le monde avant se placer aux côtés de Lizzie. Elle avait tenu à accompagner Keith, mais elle n'était pas très à l'aise quant à la situation. Au contraire de la majorité des personnes présentes ce soir-là, cette scène lui était malheureusement familière. Les jours, les semaines à venir seraient difficiles, et elle aurait nettement préféré que ces inconnus n'assistent pas aux débuts d'une lente descendante aux enfers.

    -Qu'est-ce qui lui arrive ? Questionna alors Lizzie à voix basse en direction de la jeune femme.

    -Lizzie, je ne veux pas être méchante mais crois-moi quand je te dis que tu ferais mieux de ne pas t'en mêler. Soupira Alicia en réponse, dans l'unique but de préserver la jeune fille. A son âge, elle ne devrait pas à avoir assister à la déchéance d'un homme brisé.

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    -Hey bro', c'est moi, on est là avec Alicia. Murmura doucement Keith pendant ce temps-là. Il posa doucement sa main sur l'épaule de son ami de toujours, son frère de coeur, oubliant sa légèreté et son humour qui le caractérisait tant. Ce soir-là, Keith montrait un nouveau visage : celui de l'ami fidèle, loyal, incroyablement présent et patient. T'es pas tout seul mon pote, on va te relever, t'en fais pas, tu vas surmonter ça, je te le promets. Poursuivit-il, tout en ignorant les bougonnements de son ami. On va te ramener à l'appart', et crois-moi quand je te dis qu'on ne va pas te lâcher. On est là, nous, on est là. La vie est vraiment pute avec toi, mais on est là. On va surmonter ça ensemble, mon frère, je te le promets, on va surmonter ça ensemble. Affirma-t-il avec assurance, tout en lui serrant fermement la main. Il voulait obtenir une réaction de sa part, refusant le laisser tomber dans le déni et un monde imaginaire qui ne le ferait que davantage souffrir. Il avait déjà fait l'erreur une fois après la mort de Lucile, hors de question de recommencer ! Cette fois-ci, il allait le forcer à affronter la réalité en face afin qu'il puisse se remettre plus rapidement sur les rails. Il ne lâcherait rien tant que son meilleur ami aurait besoin d'une bouée pour garder la tête à la surface de l'eau. 

     

     


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